Ecouter les gens se taire

Publié le 06 décembre 2008 par Irene

C’est bien parce que c’est vous. Perchée sur une couchette d’Ellipsos qui me mène à Barcelone depuis Orléans, je songe à ces 24 heures bien remplies. Hier, à la même heure, j’étais au concert de Thomas Dutronc, à L’Escale, une nouvelle salle de concert, à Saint-Cyr-sur-Loire. Oubliez le patronyme, même si l’on ne peut s’empêcher de penser à Jacques quand Thomas a des trémolos dans la voix. Mais il n’a pas suivi la même voie. C’est un vrai musicien, doublé d’un pitre, entouré de complices virtuoses. Loin de sa cantonner au jazz manouche, ces joyeux drilles jonglent avec les genres : pot-pourri improbable mêlant Billy Jean à Village People en passant par Claude François, medley sur le thème des Triplettes de Belleville, ombres chinoises burlesques derrière un drap où sont projetés tantôt des images (du public notamment, que filme Thomas-Dutronc-le-gai-luron), tantôt des objets incongrus ou des cartes postales qu’il choisit dans sa boîte à malice. Le tout avec beaucoup d’élégance, en costume blanc, chemise noire et cravate blanche. Autant dire qu’il n’aurait pas dénoté au « Divin Chocolat » organisé dans les caves d’Ackerman, ce week-end, sur le thème du noir et blanc. Avec discipline, j’ai testé chaque stand dans l’ordre conseillé par Julien, du cellier. Le salé, d’abord, avec deux verrines raffinées : un dôme de foie gras de canard sur un chutney d’ananas avec du chocolat noir dessus, du chocolat au lait dessous. Pour le vin, deux possibilités, m’a expliqué Aymeric Hillaire, vigneron et œnologue : on peut oser le saumur-champigny de 2003 de la gamme Secrets des vignes (vin assez rond aux tannins soyeux), ou, plus classique, un coteaux-de-saumur, moelleux, donc efficace sur du foie gras. Pour la verrine de saint-jacques sur coulis de tomate avec réduction de balsamique au chocolat, le saumur blanc de 2004 était parfait, grâce à la fraîcheur du chenin. Après les amuse-gueule, les choses sérieuses : LA chantilly ! Même la Confrérie ad hoc sait malmener ce grand classique en proposant de la chantilly… noire. Comment ? Avec de l’encre de seiche. Dingue. Bien montée, puis bien serrée dans son cul de poule (aucune vulgarité de ma part, ce sont les termes du métier), une chantilly toute retournée ne tombe pas sur la tête de celui qu’on choisit comme cobaye ! Vous ferez le test à la maison. De la chantilly au chocolat servie sur un cookie blanc et de la chantilly blanche servie sur un cookie au chocolat, c’est succulent dans les deux sens. Le chef ès chantilly a écouté les gens se taire. Les papilles leur ont cloué le bec ! Et pour continuer dans la fantaisie culinaire, Claire, pâtissière chez le grand chocolatier d’Angers Laurent Petit, a aussi malmené mon X Noir OK, c’était pour la bonne cause : il s’agissait de faire tomber dans mon verre de rosé pétillant une ganache de thé aux fruits rouges (rien que ça) encore chaude (ça se fait aussi avec du champagne, m’a dit Julien). Le chocolat se cristallise dans le verre, on goûte le pétillant, on mange le chocolat et on finit son verre sans demander son reste. Après le cul-de-poule, cul-sec ! L’effet est saisissant. Mieux que la tequila frappée, le X Noir malmené. On en redemande !
Photos : La Confrérie de la chantilly en plein boulot. Deux verres d’X Noir attendent leur pitance. Plouf ! La ganache se jette dans le pétillant.