EUROPE: La fessée prohibée dans les familles ? Quand le Conseil de l’Europe résiste à un air du temps régressif et répressif…

Publié le 04 août 2007 par Danielriot - Www.relatio-Europe.com

Editorial RELATIO par Daniel RIOT. Libération en fait sa « Une » et tout un dossier. Au Conseil de l’Europe, on n’est guère habitué à ce type de mise en valeur: c'est regrettable, d'ailleurs. En l’occurrence, même si cette question  n’est pas liée à une actualité « chaude », Libération a raison. Comme il a raison de ne pas traiter le sujet avec légèreté, mépris ou ironie salace comme c’est si souvent le cas quand il est question de fesses et de fessées…

Oui, le Conseil de l’Europe souhaite faire prohiber  tous les châtiments corporels, notamment envers les enfants.

Même cette petite claque, qui n’a jamais fait de mal ? Même cette petite fessée qui marque l’esprit plus que la chair ? Même ces petites tapes sur les doigts ou ailleurs qui n’ont rien de traumatisant ? Oui, « ni claque ni fessée », pour reprendre le nom d’une association qui se bat qu’on arrête de battre ces petits trésors qu’on « châtie bien parce qu’on les aime bien »…

Bien sûr, en cette ère de régression répressive et liberticide, on entend déjà en cris et chuchotements, en sourires et grimaces, en haussements d’épaules et en rugissements de beaufs, les réquisitoires contre cette « Europe » qui se mêle de tout, même de nos chemises, contre cet « esprit de mai 68 » qui nous a déjà tant fait de mal, contre ce laxisme qui explique tous nos maux. « Après on va dénoncer la démission des parents. Tu parles ! On leur coupe les mains et la tête aux parents…Une bonne gifle, çà remet les idées en place. Une bonne fessée, çà remet la tête droite… D’ailleurs, Bayrou l’a montré publiquement : un gamin lui fait les poches, il lui donne un soufflet mérité ».

. « Cette mise hors la loi de la bonne vieille torgnole éducative suscitera à coup sûr une indignation mécanique, écrit Laurent Joffrin. Quoi? On va se donner le ridicule de légiférer sur ces affaires domestiques, qui regardent les parents et personne d’autre? On va pousser le principe de précaution jusqu’à donner aux enfants le droit de traîner en justice leurs parents à la main leste ? Et l’Etat tutélaire va maintenant s’immiscer jusque dans les bacs à sable? »

Depuis 2004, première recommandation du Conseil de l’Europe sur les châtiments corporels, on en a entendu les bêtises de ce genre ! Pour cause… Quel papa ou quelle maman n’a pas eu au moins l’envie ou n’a pas au moins une fois céder à la tentation (ou au réflexe) d’une gifle « qui part toute seule » ou d’une « bonne correction bien méritée » ? Ni sadisme, ni défoulement : signe d’amour, d’attachement… Frapper fait  mal (aussi) à celui ou celle qui frappe, non ?

L’esprit soixante-huitard n’a rien à voir dans cette démarche du Conseil de l’Europe. Tout part de constats  faits dans l’Europe du Nord où l’on sait ce que le mot « rigueur » veut dire et où en matière d’éducation, on a plus de leçons à donner qu’à recevoir. La violence la plus répandue, c’est la violence domestique. La violence la plus transmissible, c’est celle qu’on subit avant de (re) donner. Laurent Joffrin résume : « Il y a une continuité entre les habitudes plutôt inoffensives en vigueur dans beaucoup de pays et les véritables violences intrafamiliales. Les enfants élevés «à la dure» sont souvent plus violents que les autres. Les pays qui ont prohibé gifles et corrections dans l’éducation sont loin d’être pour autant tombés dans l’anarchie. »

Nul besoin d’être un « psy estampillé » pour savoir, y compris par expérience personnelle, que le recours à la contrainte physique est surtout l’indice d’un échec éducatif.

Le problème, bien sûr, c’est de trouver par quoi et avec quoi on sanctionne ce qui mérite de l’être : les atteintes à la dignité, à la liberté, aux biens, aux doits d’autrui ; les gestes dangereux pour soi et les autres ; les attitudes asociales ou autodestructive. Par quoi et avec quoi stimule-t-on cette perfectibilité qui est en chaque enfant (comme en tout adulte, d’ailleurs) ? Les vertus de l’exemplarité ne suffisent pas. Les sermons ne suffisent pas. Punir, en bien des circonstances, c’est vouloir guérir. Il est des sanctions salutaires.

La répression a aussi des vertus préventives. Le contraire de « l’éducation à la dure » ne doit pas être une éducation « à la molle ». L'enfant-roi n'est pas l'enfant de tous les droits. Le premier des droits de l'enfant, c'est d'avoir droit à une enfance, donc à une éducation digne de ce nom:on ne naît pas homme, on le devient...ce n'est jamis simple, ni facile...Et l’extension des interdits suédois en matière de fessées risque de culpabiliser des générations de parents et d’éducateurs qui font ce qu’ils peuvent…

« Eduquer sans frapper », d’accord. « Ni claque ni fessée », d’accord. Mais « on » fait comment avec les « bons petits diables » ? D’ailleurs, n’y a-t-il pas des différences de nature entre la tape sur la main, la tapette sur la couche, la soufflette ou la tartelette sur l’épaule   et des ceinturons transformés en fouets, des casseroles en martinets, des chaussures en taloche de maçon ?

La lucide  secrétaire générale adjointe du Conseil de l’Europe, Maud de Boer-Buquicchio, a bien conscience de tout cela. Mais elle sait surtout à quel point de vieux slogan du type « on bat les enfants pour leur bien » font des ravages dans les familles…et dans les rues. Elle se veut d’autant plus ferme dans sa demande d’une « tolérance zéro » envers tout ce qui est « mauvais traitements », »mutilations »,  « humiliations ».une « tolérance zéro » qui n’est guère  dans  l’air du temps…où les voix les plus autorisées et légitimées par le suffrage universel prônent si souvent, par suivisme d’une opinion déboussolée plus que par souci d’efficacité,  un  retour à des méthodes archaïques  d’une ère qu’on croyait révolue.

Maud de Boer-Buquicchio invoque, comme le rappelle Charlotte Rotman dans Libération,  le «devoir de protéger l’intégrité physique et psychologique» et «la dignité humaine de nos enfants» : «Nous ne sommes pas autorisés à les frapper, les blesser et les humilier. Un point c’est tout.  Nous devons changer de mentalités et adapter nos lois en conséquence.» C’est d’autant plus impératif que tout se mêle : les peurs devant les médiatisations et les réalités de la délinquance, les poussées d’incivilité, les difficultés économiques et sociales et bien des croyances et  des pressions d’ordre religieux».

« Changer de mentalité » : ce sera le but de la campagne du Conseil de l’Europe cette automne, une campagne qui s’inscrit dans la logique de celles (complètement soutenues par RELATIO) contre les violences conjugales, contre la traite des êtres humains, contre les discriminations en tous genres qui vident les droits de l’homme.

Pour « changer les mentalité », il faut plus convaincre et persuader que menacer ou réprimer. «Interdire les châtiments corporels dans le foyer familial ne veut pas dire engager des poursuites contre les parents, mais changer leurs comportements.»  Ce qui est sûr, c’est que toute violence nourrit la violence. Et que le degré de civilisation d’une société se mesure (aussi) à sa capacité d’enrayer toutes les spirales de toutes les violences.

Daniel RIOT

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