Je te donne

Publié le 08 décembre 2008 par Uninfirmier


Michaël est couvreur. Il a glissé d’un toit, et s’est réceptionné sur la tête.

Il a été pris en charge par le SMUR, mal, il est arrivée en salle de réveil, très mal, puis dans la réanimation en mort encéphalique.

Donc, Michaël était couvreur, et il est mort. Sauf qu’à part ça, il va bien. C’est à dire que mis à part le fait qu’il soit mort, il a un cœur de 25 ans, des reins de 25 ans, un foie de 25 ans et tout un tas d’autres organes de 25 ans.

Et ça, ça pose 2 problèmes.

Il faut recevoir sa famille, leur dire qu’il est mort. Que “oui, son cœur bat encore, mais je vous assure, il est mort.” Que “non, le coma ce n’est pas pareil, non il ne se réveillera pas, oui, il est mort.” Parce que mourir à 25 ans, en tombant d’un toit, c’est dur à entendre pour ceux qui restent. Mais mourir sans vraiment mourir, c’est vraiment, vraiment dur à comprendre.

Juste après, leur dire qu’on aimerait bien qu’il soit donneur. Et là, c’est compliqué. C’est compliqué parce que souvent, cette notion de “mort-avec-un-cœur-qui-bat” n’est toujours pas rentrée. “Le cœur s’est arrêté”, c’est clair. “Mort avec un coeur qui bat”, c’est le bordel.

Depuis 1994, en France, le consentement présumé prévaut. Ça veut dire que le rôle du médecin est censé se borner à un recueil de témoignage, sur le mode “Est-ce que, de son vivant, Michaël s’est opposé à l’idée du don d’organe?”. Mais ça ne marche pas vraiment. Parce qu’il reste difficile, en cas de réponse négative de répondre “OK, ça veut dire qu’il est d’accord alors, allez les gars, on y va!”. Et aussi parce que Michaël n’a probablement jamais évoqué cette question. Déjà parce qu’il avait autre chose à faire, et que dans le cas contraire, il n’avait pas spécialement envie d’évoquer l’avenir de ses reins entre le poulet basquaise et la mimolette.

Du coup, la famille de Michaël ne sait pas. Quand on ne sait pas, on n’a pas envie de dire de bêtise. Donc, non. Non, pas de prélèvement, parce qu’on ne savait pas ce qu’il voulait, on a trop peur de se tromper, on est trop triste. Essayez de caser votre notion de “consentement présumé” à ce moment là, c’est chaud.

Finalement, Michaël meurt pour de vrai, avec son cœur.

Alors, peut être que Michaël ne voulait pas donner ses organes. Mais peut être que si. Ou peut être qu’il se disait que ses organes, une fois mort, ça lui faisait une belle jambe.

Moralité, même si ça casse l’ambiance, dire ce qu’on pense à ses proches et ne pas leur faire porter tout ce poids en plus de leur chagrin, c’est bien.

Et puis pêter une ambiance trop festive à vos yeux, ça peut toujours être utile si vous êtes fatigué.