Une bouteille (de plus) à la mer

Publié le 07 août 2007 par Dimitri Boulze
Alors que je m'octroyais un petit repos mérité dans les calanques Cassiso-Massiliennes, j'ai découvert en même temps que ces endroits magnifiques de purs touristes bien ringards qui jetaient sans vergogne leurs mégots  (ok, pas dans la pinède car ils avaient quand même peur du feu...) entre les interstices des pierres, estimant sans doute qu'il s'agissait là du plus beau cendrier qu'ils aient jamais vu. A leur départ, venait aussi la question de la bouteille d'eau qui les avait pourtant sauvé de l'insolation sur le trajet aller, mais qu'ils faisaient "style" d'oublier, croyant sans doute qu'elle pourrait servir à quelque naufragé en mal de lancer son propre "message in a bottle" (mais que fait la Police  ;-)


Bref, ce paragraphe de blabla pour poser la question de la bouteille justement. On avait  déjà vu dénoncer par l'Alliance pour la planète et/ou le WWFcette pub vantant l'eau en bouteille au détriment de l'eau du robinet, présentant cette dernière comme non fiable donc presque dangereuse pour votre corps...tout ça pour vous influencer petits consommateurs en herbe que vous êtes... Mais la question de la bouteille du point de vue écologique est pire... alors ne verra-t-on bientôt plus de bouteille flotter dans la mer ??

Et une fois n'est pas coutume, c'est aux USA que vient l'exemple... les villes de New York et San Francisco se sont lancées dans des campagnes de promotion de leur eau du robinet. Les actions sont multiples : interdire à leurs services municipaux d'acheter des eaux en bouteille, travailler avec les restaurants pour qu'ils ne distribuent plus de marques mais de l'eau du robinet, distribuer des gourdes à l'effigie des campagnes pour sensibiliser les usagers, et proner la "vraie " réutilisation...

Car avant même de parler de qualité (où les eaux du robinet sont toujours dans les normes et quelquefois supérieures à certaines eaux en bouteille), il s'agit avant tout de déchets.

Imaginez un produit :

-
qui peut faire des milliers de kilomètres avant de vous arriver (vive le CO2)
- qui utilise du pétrole pour son emballage alors que vous le finissez en  moins de 2
- qui va en tant que déchet se dégrader en plusieurs centaines d'années, et même s'il est recyclé coute beaucoup plus cher à la collectivité comparé à si on ne l'avait pas produit
- qui vous coute des centaines de fois plus cher que celui qui arrive chez vous...

Et bien vous avez le profil de l'eau en bouteille. Le reste - c'est à dire notre perception des choses - n'est que marketing.


Et le maire de San Francisco de résumer : "Livrer les bouteilles d’eau en plastique que les Américains achètent chaque année nécessite plus de 47 millions de gallons de pétrole [environ 1 million de barils], soit l’équivalent d’un milliard de livres de CO2 rejetées dans l’atmosphère [450 000 tonnes environ]. (...) De plus, le transport de l’eau en bouteille par bateau, camion et train nécessite de brûler des quantités importantes de carburants fossiles. Tout ce gaspillage et cette pollution sont générés par un produit dont la qualité, mesurée sur la base de critères objectifs, est souvent inférieure à celle de l’eau du robinet de San Francisco".

Gavin Newsom souligne également que "pour le prix d’un gallon d’eau en bouteille [3,8 litres environ], un habitant de la ville peut acheter 1000 gallons d’eau du robinet".


Bien sûr, du côté du syndicat de la bouteille et du goulot (IBWA), on grince des dents,et on met en avant le fait que le matériau est recyclable etc...sauf que c'est la collectivité qui paie le recyclage...Quand on sait que la consommation de l'eau en bouteille coute chaque année 500 000 $ à San Francisco, je me dis qu'en appliquant la réduction  la source (j'vous jure, c'est pas un jeu de mot...) on pourrait en faire des choses avec cet argent. Et ces mêmes fabricants - comme dans beaucoup d'autres domaines d'ailleurs n'ont pas compris que la hiérarchie du déchet veut :  1- Réduire > 2- Réutiliser > 3- Recycler > 4- Rejeter. Ils en sont encore 2 étapes en arrière...

Je suis bien conscient des différences de perception des eaux du robinet  justement, on trouve en France qu'elles ont souvent un petit goût désagréable, et aux USA, le goût est encore plus prononcé (chlore...). Mais bon, on laisse reposer une demi journée, et le tour est joué... Dans l'hexagone, vu les fleurons industriels de l'eau en bouteille qu'on a, on peut se douter que leur lobbying sera assez efficace sur des institutionnels frileux de prendre des risques aussi polémiques...Soyez tranquille, on sera encore dans la queue pour être innovants en la matière alors que nos eaux du robinet sont proportionnellement aussi bonnes que le nombre d'eaux de sources que l'on produit...Seule la petite voix de l'ADEME essaye de nous dire la même chose ("l’eau potable au robinet est 100 à 1000 fois plus écologique que l’eau minérale en bouteille"), mais attention, pas trop fort, sinon ça pourrait se savoir (cf le graphe ci dessous)...

Bref, c'était mon petit coup de gueule de la semaine , ma bouteille à la mer quoi..

inspirations : Planete Terra / NPR / BBC /

Pour prendre conscience : Le pdf de l'Ademe (janvier 2007), et un petit bilan environnemental de la bouteille d'eau par terra Economica