Fêter Noël ?

Publié le 19 décembre 2008 par Jlhuss

Il ne semble pas incongru de rediffuser cette note de Lod avec les commentaires de l’époque (25 décembre 2006), mais vous pouvez en ajouter d’autres. Je me repose

Pour un métropolitain de souche et de cœur, fêter Noël sous les tropiques pose un véritable problème. Déjà, il a fallu s’habituer à ne plus voir la Grande Ourse en contemplant le ciel la nuit, la seule qu’on repérait à peu près bien, maintenant le ciel entier est inconnu et semble parler une autre langue.

Et voilà que décembre arrive, et voilà que Noël est là.

Nous autres, pour y croire, il nous faut des écharpes et des bottes, de la buée qui sort de nos bouches quand nous descendons la rue le matin, les doigts qui nous font mal si nous avons oublié nos gants, et que nous recroquevillons dans les manches étirées d’un pull mohair moelleux. Il nous faut l’électricité jusqu’à neuf heures du matin, et même dans la journée, on allume et on se dit « Aaaahhh, c’est mieux ! » Il nous faut le chauffage à fond dans la voiture, et la voix du présentateur qui annonce : « 5 à Lille et Paris, 6 à Brest, 3 à Strasbourg… », et si ça n’est pas trop demander, quelques flocons par-dessus le tout, un léger manteau blanc pour donner au décor de notre routine un provisoire regain d’intérêt.

Oui, sous ce ciel pâle et opaque, dans ces rues festives où l’on se surprend à fredonner les chants de Noël de notre enfance, on pointe mentalement la liste du menu du 24 et des cadeaux déjà trouvés, et l’on soupire d’aise car Noël est là, bien là, que l’attendre nous aura aidés à supporter et même à aimer cette première moitié de l’hiver (celui qu’on ressent, pas celui du calendrier, officiel) et nous donnera assez de joie et d’énergie pour tenir jusqu’à l’autre rive…

« Hors qu’ici » (comme diraient mes élèves), Noël est au cœur de l’été, et pas un petit été gentillet, hein, c’est du 34° à l’ombre, l’eau que l’on sue à grosses gouttes à peine bue, et de toute façon, l’eau, elle arrive chaude et même bouillante au robinet parce que les tuyaux noirs courent dans la montagne en plein soleil.

Alors c’est vrai, il y a des signes qui ne trompent pas : les publicités proposent du foie gras, des escargots, des huîtres, même, par avion, en 48 heures  (mais également des grillades, chipolatas et merguez : c’est la saison du barbecue…) Les chants de Noël ont la cote dans les magasins (version créole, et là, quand même, ça fait drôle : « Ti Père Noël, ‘porte nout’ cadeaux, belle-belle poupée pou’ mon tit’ sœur, zoli camion pou’ mon ti frère… ») Les enfants sont photographiés sur les genoux de pères Noël en costume-bonnet-barbe-bottes : la panoplie intégrale (les pauvres !)

Les rues sont enluminées, enguirlandées, les municipalités rivalisent, c’est à qui clignotera le plus… En face de chez nous, un ruban multicolore dessine le contour d’une maison, la nuit, tandis que sa voisine scintille tout ce qu’elle peut (aux rythmes du zouk, évidemment…)

Les flamboyants flamboient, et ça, ça vaut quand même le coup d’œil, ces arbres splendides dont le feuillage semblable à certaines fougères se couvre soudain de fleurs rouge vif comme pour se mettre aux couleurs de Noël.

Bref. Qui a envie de fêter Noël ici, dignement, joyeusement, pour de vrai ?

- le Créole pour qui ce Noël tropical est la norme,

- le pauvre zoreille célibataire et sans famille, invité par une sympathique famille créole du coin, et qui en profitepour vivre une expérience rare avec les vraies gens et les vraies traditions de l’île,

- les enfants : qu’il fasse – 5° ou + 30°, Noël c’est Noël, non mais oh !

Loin des miens et loin du froid, j’ai bien failli me laisser glisser sur la pente d’une mélancolie oublieuse et décréter que Noël n’existerait pas cette année pour moi. Mais j’ai tant de souvenirs délicieux de cette époque de l’année, de l’excitation des préparatifs, du plaisir d’ouvrir chaque jour une porte du calendrier de l’avent, que je n’ai pas pu priver mes enfants de ces bonheurs et de ces futurs souvenirs.

Iris, la première fois que je lui ai parlé de Noël :

- Tu sais qui va venir bientôt, Iris ? C’est le père… `

- … Noël !

- Oui ! Et qu’est-ce qu’il apporte, le père Noël, il apporte des… des ca…

- … bris !!

Il fallait faire quelque chose ! J’ai donc passé environ trois quarts d’heure à choisir avec le plus grand sérieux des boules bleues et dorées, de fines guirlandes assorties, des trucs pendouillant très charmants, un cœur, une étoile, un oiseau en bois. C’était harmonieux, j’aimais bien.

Ma voisine, venue nous prêter main-forte, a fait un aller-retour chez elle pour nous remonter un plein carton de décorations très disparates, très kitch, très lumineuses, qui, tout à la fois, ravissent les enfants et flanquent à l’eau mes efforts. Bon, en même temps, on ne va pas chipoter, avec un « véritable sapin canadien 100 % artificiel » dont j’ai moi-même emboîté la flèche sur le tronc…

Allons, ne boudons pas notre plaisir, et même si « la neige n’étend pas son manteau blanc » et que « petit papa Noël ne va pas avoir bien froid », champagne et joyeux Noël !

Lod

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