Julien Dray est-il coupable et de quoi ? Si oui : en tirer toutes les conséquences…

Publié le 21 décembre 2008 par Kamizole

Depuis vendredi, le Landerneau politique ne bruisse presque plus que de cela : une enquête préliminaire ouverte contre le socialiste Julien Day pour des comptes pas très nets avec la FIDL et SOS-racisme … Cela m’avait échappé vendredi matin et c’est un opportun commentaire de Benjamin qui m’a mise au parfum… il parlait à juste tire de la présomption d’innocence.

Perquisition chez Julien Dray : les flux suspects se montent à 351 027 euros
LE MONDE | 19.12.08 ©

Les faits, tels que les évoquait Le Monde.fr dès vendredi midi, sont relativement simples bien qu’il puissent paraître assez embrouillés au premier abord. Ils sont repris tel quels dans d’autres articles – 20 minutes, Le figaro ou Libération – où les journalistes ont l’honnêteté de souligner leur source : Le Monde.fr… Vous direz à juste titre que cela vaut bien une dépêche de l’AFP mais qu’un seul titre fasse l’opinion, cela a toutefois un petit côté «Pravda» !

Pour tenter de résumer cette affaire «d’abus de confiance» - l’équivalent, pour les associations de «l’abus de bien social» (ABS) existant pour les sociétés dans le droit des affaires - il est reproché à Julien Dray d’avoir perçu illégalement des sommes considérables – apparemment pour son usage personnel ; notamment un achat «massif» ! de produits de luxe…

Ce qui permet à Libération d’ironiser sur la réputation «bling-bling» de Julien Dray et de rappeler qu’en 1999, l’opacité de la «galaxie Dray» lui avait déjà valu d’être l’objet d’une enquête préliminaire – en marge de l’affaire de la MNEF qui avait déjà sérieusement ébranlé le Parti socialiste et notamment son «aile gauche» - la justice ayant trouvé curieux qu’il ait pu acquérir une montre de collection d’une valeur d’environ 38.000 euros, une partie de l’achat ayant été réglé en liquide…

Je me souvenais de cette histoire mais non de la date. En tout cas, une des premières idées qui me soit venue à l’esprit : comment se fait-il qu’il soit assez stupide pour n’avoir pas tiré les leçons de l’affaire de la MNEF ?

Pour la présente affaire, voici le détail des sommes que la justice lui reprocherait d’avoir empoché illégalement :

d’une part, des fonds – pour un total de 351.027 euros - provenant de la FIDL – mouvement lycéen, actuellement en pointe dans la contestation contre le projet de réforme de la seconde tel que voulu par Xavier Darcos – et de l’association «Les parrains de SOS-racisme» - structure chargée notamment de la collecte de fonds pour SOS-racisme et présidée par Pierre Bergé ;

d’autre part, d’avoir perçu tout aussi illicitement des fonds – 113.890 euros - provenant «de particuliers membres de la sphère économique» et particulièrement d’industriels de l’Essonne, département dont Julien Dray est député, et notamment l’un d’entre eux, attributaire d’un marché public du Conseil régional dont Julien Dray est vice-président.

Ces mouvements de fonds avaient été signalés au Parquet de Paris le 28 novembre dernier par le Tracfin – cellule anti-blanchiment mise en place il y a quelques années auprès du ministère de l’économie à laquelle les banques et autres organismes financiers doivent signaler toutes les opérations qui leur paraissent suspectes.

Or, l’enquête menée par le Tracfin a mis à jour des mouvements de fonds qui paraissent pour le moins curieux… Deux personnes proches du «réseau» de Julien Dray (la FIDL et SOS-racisme) ayant servi d’intermédiaires : d’une part, Nathalie Fortis, chargée de relations presse de M. Dray et de SOS-Racisme, et d’autre part, Thomas Persuy, directeur administratif et financier de l’association, tous les deux étant par ailleurs mandataires de la FIDL sur le compte ouvert au Crédit coopératif.

Il leur est notamment reproché d’avoir encaissé, entre janvier 2006 et septembre 2008, plusieurs chèques tirés exclusivement sur les comptes de ces associations, pour un montant de 127 377 euros.

Selon le Monde, le Tracfin aurait relevé que «Mme Fortis a encaissé sur son compte personnel un chèque de 10.500 euros tiré sur l’association Les parrains de SOS-Racisme, ainsi que 26 chèques pour un montant total de 11.301 euros, “manifestement surchargés” selon les enquêteurs» (…) alors que dans le même temps elle débitait deux chèques pour un montant de 12.300 euros au profit de Julien Dray et que, quelques jours plus tard, Mme Fortis et M. Persuy auraient déposé 102.985 euros sur les comptes de Julien Dray. Et qu’au surplus, il semblerait que la somme de 94.350 euros ait été retirée, en liquide, des comptes de l’association Les parrains de SOS-Racisme…

J’ai beau être plutôt fâchée avec les chiffres, je n’arrive pas à saisir comment Le Monde parvient à cette conclusion : «soit au total 127 377 euros sont prélevés sur les deniers des deux associations» s’agissant des deux premières opérations suspectes… soit il y a une erreur de chiffres soit leurs calculettes ont dérapé…

En additionnant 10.500 euros, 11.031 euros et 94.350 euros (ce qui a été débité des comptes des associations) j’arrive à 116.151 euros. Et si je fais la même opération quant aux sommes créditées sur les comptes de Julien Dray - (12.300 x 2) + 102.985 – je trouve 127.585 euros…

Vous direz, et bien à raison, que cette petite erreur est très négligeable au regard, et des faits et de l’impor-tance des sommes. Je trouve particulièrement scandaleux que des administrateurs et/ou dirigeants d’associations puissent de nos jours encaisser sur leurs comptes perso des chèques d’une association – sans avoir à fournir la moindre preuve d’une avance de frais – et à fortiori retirer de telles sommes en liquide.

A cet égard, cette affaire ressemble étrangement à celle de l’UIMM, avec les faramineux retraits en liquide opérés par Gautier-Sauvagnac…

J’ai déjà été à plusieurs reprises trésorière ou présidente d’associations (certes de taille bien plus modeste) mais je n’ai jamais opéré de retraits en liquide et quand j’ai avancé des fonds pour une raison ou une autre, les remboursements qui m’en ont été faits – par chèques – l’ont toujours été à l’appui d’une facture.

Il restera bien entendu à établir la culpabilité de Julien Dray et pour l’instant, il doit bénéficier de la présomption d’innocence.

Certains avancent qu’elle est bafouée par le tapage médiatique et que le communiqué du parquet de Paris, s’il faisait état «d’une enquête préliminaire sur des détournements de fonds - commis à des fins apparemment personnelles - au préjudice des associations Les parrains de SOS-racisme et de la Fédération indépendante et démocratique des lycéens (Fidl)» ne mentionnait nullement le nom de Julien Dray…

Les journalistes du Monde, connaissant les liens étroits existant entre Julien Dray et ces deux associations, ont très certainement poussés plus avant leur investigations et appris que le député de l’Essonne avait été entendu dans le cadre de cette enquête, ainsi que les perquisitions effectuées. A moins qu’il ne s’agisse d’une “fuite” savamment orchestrée…

Je ne voudrais pas donner l’impression «d’hurler avec les loups» mais quelle que fussent les personnes mises en cause – du monde politique, de droite comme de gauche ou du monde des affaires – je trouve nettement plus sain pour la démocratie que de telles affaires soient divulguées sur la place publique.

A charge pour les journalistes de bien préciser que les éléments réunis n’augurent en rien de la culpabilité jusqu’au verdict. Et que cela soit compris par l’opinion publique…le plus difficile !

Quoi qu’il en soit, l’avenir politique de Julien Dray semble bien compromis, tout comme celui de certains de ses «poulains» issus des deux associations… Me Dominique Tricaud, l’avocat de SOS-racisme qui, par ailleurs plaide le bordel interne : «L’argent n’a pas été détourné de sa destination et personne n’a volé un centime ; après ça, que les règles de la comptabilité soient nullissimes, je suis tout prêt à le croire.» aurait déclaré : «Malek Boutih, ancien président de SOS Racisme, était ministrable jusqu’à ce matin ; il ne l’est plus.»

Je ne peux m’empêcher de trouver formidablement surprenant que les comptes d’associations qui brassent de telles sommes ne soient pas mieux tenus et contrôlés avec toute la vigilance nécessaire par un commissaire aux comptes extérieur à l’association. Si c’était le cas, on ne devrait guère le féliciter !

Les adhérents de la FIDL et de SOS-racisme ainsi que les «généreux donateurs», s’agissant des «Parrains de SOS-Racisme» auront bien de quoi être en colère ! J’apprends avec une égale surprise, grâce au Figaro, qu’une partie des fonds des Parrains de SOS-racisme sert à organiser chaque année un dîner de prestige…

Cette année, ce fut sur la péniche du sur la péniche du Maxim’s à Paris (peu au fait des agapes des «grands» j’ignorais même que le Maxim’s eût une péniche…) et ce «raout» fort classieux autant que sûrement fort cher, aurait «réuni 300 personnes et plusieurs personnalités de premier plan dont la garde des Sceaux Rachida Dati (!), la secrétaire d’État en charge de la Politique de la ville Fadela Amara ou encore le maire de Paris, Bertrand Delanoë»

La justification de ce rendez-vous snobinard «qui brasse des personnalités du monde politique, du spectacle, du monde des lettres et des membres de SOS» serait de permettre de collecter des fonds pour SOS-racisme pour compléter les subventions publiques, reçues au titre de ces actions anti-racistes.

Je n’ai jamais admis et n’admettrais jamais que l’on puisse se goberger aux frais d’une association… et c’est encore plus vrai, s’agissant d’associations importantes qui brassent de telles sommes et de personnalités qui devraient avoir la décence de payer leur écot.

Comment ne pas se souvenir de l’épisode de Mame Chirac et de ses invités non moins friqués, se gobergeant à l’œil pour fêter la collecte des «pièces jaunes» ?

Yannick Noah dénonçait peu après les moeurs identiques régnant chez les artistes - sûrement des miséreux ! - participant à un spectacle des “enfoirés” pour les “Restos du coeur” et si ma mémoire ne me trahit pas, ce devait être à Nantes.

MERDALOR ! Perso, quoique passablement désargentée je serais tout à fait favorable pour participer – en payant – à un repas qu’ils organiseraient : avec le même menu qu’ils offrent à leurs ouailles, et si possible, au milieu d’elles.

Le parquet a beau arguer qu’il s’agit de défendre les intérêts de la FIDL et de SOS-racisme d’agissements dont ils seraient les principales victimes, je ne suis néanmoins pas la seule à trouver très curieux que cette affaire – qui met en cause la FIDL – «sorte» précisément au moment où Xavier Darcos accuse stupidement cette association– de même que le Parti socialiste – de «manipuler les lycéens»… alors que l’enquête a été lancée le 10 décembre.

En revanche, je n’arrive pas à trouver quelque rationalité dans une des affirmations de Dominique Tricaud (avocat de SOS-racisme) : «Le troisième point c’est que je ne suis pas certain que M. Dray soit dans les petits papiers de Mme Aubry».

A moins de supposer que cette affaire n’intéressât au plus haut point notre «Machiavel national» au petit pied (fût-il muni de talonnettes !) fort occupé à «dézinguer» le Parti Socialiste : quoi de mieux en effet pour l’achever que d’attiser les braises de la zizanie qui ont déjà fait tant de dégâts ?

Sinon, je ne vois pas comment Martine Aubry pût avoir le bras assez long pour actionner le bras armé de la justice et je ne lui ferais sûrement pas l’injure un seul instant de même penser le faire si elle avait quelque influence sur le cours de la justice.

Quant à l’avenir politique de Julien Dray et de ses amis qui auraient pu participer (ou en bénéficier en toute connaissance de cause) à ces malversations, je garde la même intransigeance, qu’il s’agisse de la gauche ou de la droite : dehors !

Et je suis encore plus sévère quand ce sont des personnalités de gauche qui sont mises en cause : ils ont trahi ma confiance…

Je suis assez outrée de voir revenir sur le devant de la scène, comme si de rien n’était, des Carignon et autres Guy Drut ou que l’on parlât d’une possible grâce présidentielle pour Jean-Charles Marchiani - tous condamnés pour des détournements de deniers publics - de même, qu’à gauche, je reste scandalisée de voir Cambadélis continuer à jouer le «fort des Halles» à Paris alors qu’il a été condamné dans l’affaire de la MNEF !…

Je reste nettement plus clémente quant aux affaires qui ont été liées au financement illégal des partis politiques, dès lors qu’il a été démontré qu’il n’y a eu aucun enrichissement personnel. Je fus assez indignée de voir un député RPR faisant un doigt d’honneur à Henri Emmanuelli à son retour au Palais-Bourbon…

Se doutait-il que quelques années plus tard, ce serait à Alain Juppé de payer pour le «système Chirac» mis en place à la Mairie de Paris ? Et avec une dignité et un panache qui doivent être soulignés : il a tout pris sur lui alors qu’il eût pu parfaitement mettre son mentor dans le bain !

SOURCES

20 minutes
Julien Dray «d’une sérénité totale» après la perquisition pour abus de confiance, selon son avocat

Le Figaro
Retraits suspects : perquisition chez Julien Dray
La Fidl et SOS Racisme au cœur de l’affaire Dray

Libération
Julien Dray visé par une enquête pour abus de confiance
Julien Dray verse dans le judiciaire
La Fidl attaquée au pire moment
Les lycéens sont «manipulés» selon Darcos