“Avant d’être une question de santé, l’obésité est un problème de société”

Publié le 23 décembre 2008 par Delits

Valérie Boyer, députée UMP des Bouches du Rhône, a publié  à l’automne un rapport parlementaire sur la prévention de l’obésité. Elle revient pour Délits d’Opinion sur les questions d’alimentation et de surpoids qui ont occupé les médias durant l’année 2008.

Délits d’Opinion : Malgré la pression médiatique sur la question de l’obésité, pourquoi est-il si difficile de faire changer les comportements alimentaires ?

Valérie Boyer : L’alimentation n’est pas le seul paramètre en cause dans l’obésité, cela serait trop ample ! En réalité, la difficulté réside dans l’articulation entre alimentation et activité physique. Un enfant passe en moyenne 5 heures par jour devant un écran, en revanche il ne fait que deux heures d’activité physique par semaine. Le déséquilibre entre ces activités parle de lui-même. Nous vivons une transition historique dans notre mode de vie, à travers une abondance de nourriture, une sédentarisation croissante.

Délits d’Opinion : Quelles solutions préconisez-vous ?

Valérie Boyer :Parce que le sujet est multifactoriel, il n’y a pas de réponse unique ; avant d’être un problème de santé c’est un problème de société et c’est pourquoi il est si compliqué d’agir, et qu’il arrive d’actionner tous les leviers: alimentation, sport de santé, école, éducation, publicité, collectivités locales, industrie agro alimentaire. Il faut notamment travailler sur l’hygiène de vie et sur la préservation du capital santé. On a considéré, à tort, que l’hygiène au sens large était un acquis dans nos sociétés contemporaines. Or le respect de soi, de son corps sont des discours à réactiver si l’on veut lutter contre l’obésité. Certaines attitudes pourraient permettre de faire la différence. Comme par exemple l’accompagnement des enfants à pied plutôt qu’en voiture pour aller à l’école, quel’on consomme davantage de fruits et légumes ou la promotion de l’allaitement maternel… Au-delà il y a un vrai problème de société.

Délits d’Opinion : Vous indiquez que les catégories populaires sont les plus vulnérables. Est-ce seulement en raison de leur pouvoir d’achat plus faible ?

Valérie Boyer :La question du prix des aliments n’est pas le problème fondamental : on a tendance à dire que les fruits et légumes sont tous chers. C’est faux. Les légumes surgelés, les légumes en conserve, qui ont de bonnes qualités nutritionnelles, ne sont pas aussi onéreux que les frais. Pas plus onéreux en touscas que des barres chocolatées. C’est davantage une question d’habitude et de savoir-faire. Mais se poser la question de l’obésité dans les catégories défavorisées, c’est aussi parler de l’isolement, de la perte de savoir-faire ménagers, des habitudes culturelles…

Délits d’Opinion : Vous évoquez dans votre rapport la possibilité de taxer les produits en fonction de leur qualité nutritionnelle.

Valérie Boyer :Est-il illégitime de se demander s’il est logique que les pommes soient taxées de la même façon qu’une tablette de chocolat ? Or je pense pour ma part qu’il faut favoriser la filière des fruits et légumes qui n’a pas été soutenue jusqu’à présent. Mais concernant le principe de taxes modulaires, nous ne pouvons pas avancer sans concertation avec l’Union Européenne.

Délits d’Opinion : Que répondez-vous à ceux qui craignent une stigmatisation des obèses ?

Valérie Boyer :Tirer la sonnette d’alarme et se donner les moyens d’agir, ce n’est pas stigmatiser. Bien au contraire. Il serait criminel de ne rien faire face à ce défi de société et de santé publique qui peut notamment mettre enfaillite notre système de santé dans son ensemble. La réalité, c’est qu’aujourd’hui les personnes obèses ont trois fois moins de chance de décrocher un entretien pour un emploi. Il se développe un phénomène de ségrégation vis-à-vis de cette population contre lequel nous devons absolument lutter.

On ne dit pas assez aussi que l’obésité favorise le développement ou est parfois à l’origine de maladies mortelles, comme le cancer, l’hyper tension artérielle, le diabète…

Propos recueillis par Matthieu Chaigne