Donner la parole

Publié le 01 janvier 2009 par Detoursdesmondes

L'année précédente, à la même époque, j'avais écrit un billet sur le don en référence aux écrits de Marcel Mauss, avec pour arrière plan le système d'échange de la Kula dans les Trobriands.
Forte d'une récente visite à la Fondation Cartier où l'exposition Terre natale, Ailleurs commence ici m'avait interpellée ; je réfléchissais sur le sens de « donner la parole ».

En effet, comme l'écrit Paul Virilio, le thème de l'exposition partait de la remarque suivante : « Avec Raymond Depardon, on se retrouvait sur la même question : que reste-t-il du monde, de la terre natale, de l´histoire de la seule planète habitable aujourd´hui ? ». Cela ne pouvait pas laisser indifférent.
Les deux hommes ont choisi des démarches différentes pour répondre à cette question ; le premier a « donné la parole » à ceux qui sont menacés de disparaître ; le second s'est interrogé sur le phénomène de migration le plus souvent rendu obligatoire, un exode sans précédent pour des centaines de millions d'individus.

Je me suis précipitée vers le film projeté dans la grande salle, Donner la parole, dont on peut voir un extrait très représentatif sur le site de la Fondation Cartier (Terre natale, ailleurs commence ici, onglet vidéo), puis sur le journal filmé de 7 escales de par le monde, car j'aime la manière dont Raymond Depardon filme ; c'est-à-dire comme il photographie.
Pourtant je suis dubitative... « Donner la parole » ; ce n'est pas si gratuit que cela, on peut y entendre une autorisation, comme si la parole nous appartenait... l'exercice n'est pas simple, j'en conviens, entre le cliché et l'obligation d'informer. Et parce que ce don de la parole est inséré dans un contexte de médiatisation, la « donne » est faussée.

En fait, j'ai compris que ce que j'avais recherché n'était pas là, au premier degré. Ce que j'avais entendu dans cette belle expression « Donner la parole » était plutôt de l'ordre de l'échange de la parole ; chacun se recevant alors lui-même de l'autre en se faisant son témoin.
En quelque sorte, ces hommes, ces femmes sur l'écran, nous donnaient leur parole ; et nous, que donnions-nous ?

J'ai beaucoup apprécié les installations de Paul Virilio interrogeant ces grands flux de migration qui vont croissant exponentiellement ; sur notre identité ; laquelle, selon lui, va se bâtir non plus sur notre terre natale mais sur les lieux par lesquels nous sommes passés.
Et de conclure sur cette phrase : « La rue, est-ce que c'est notre avenir ou bien est-ce que c'est notre passé, à vous de deviner ?»


Photos : C. P. 2003.
Photo 1 : Bolivie, Photo 3 : Equateur, Photo 4 : Thailande, Photo 5 : Pérou.
Photo 2 : Affiche de l'exposition.