Partie pour meurtriers

Publié le 05 janvier 2009 par Tanjaawi
« Je ne connais rien qui ressemble à cette situation. Les gens parlent du ghetto de Varsovie comme situation la plus analogue des temps modernes », a dit Falk en parlant du blocus. 5 janvier 2009  / Chris Hedges - Truthdig.com / Info-palestine Un secouriste palestinien tente désespérement de trouver des soins pour une petite fille blessée et terrorisée, et qui fait partie des multiples enfants tués, massacrés, mutilés par l'état sioniste criminel.

Toute personne qui suit les attaques aériennes israéliennes sur Gaza : les bâtiments réduits en morceaux, les enfants tués en se rendant à l'école, la longue rangée de corps mutilés, les mères et épouses en pleurs, la foule de Palestiniens terrifiés ne sachant plus où fuir, les hôpitaux débordés et manquant tellement de médicaments qu'ils ne peuvent plus soigner les blessés, et notre indifférence délibérée et endurcie devant cette souffrance humaine ...peut-elle encore se demander pourquoi on nous hait ?

Notre culte d'autosatisfaction et notre moralité supposée sont aussi mensongers que ceux d'Israël. Nous sommes devenus des monstres, des tyrans militarisés, sauvages et sans cœur. Nous sommes complices d'un massacre humain, un crime de guerre flagrant et ne faisons rien. Nous oublions que les innocents qui souffrent et meurent à Gaza sont un reflet de nous-mêmes, de ce que nous aurions pu être si le destin, l'époque et la géographie avaient changé les circonstances de notre naissance. Nous oublions que nous sommes tous des créatures absurdes et vulnérables. Nous possédons tous la capacité d'avoir peur, de haïr et d'aimer. ...

Les privilèges et le pouvoir, surtout le pouvoir militaire, sont un narcotique dangereux. La violence détruit ceux qui subissent le choc de sa force et ceux qui essayent de l'utiliser pour devenir des dieux. Plus de 350 Palestiniens ont été tués dont beaucoup de civils, et plus de 1.000 ont été blessés depuis le début des attaques de samedi. Ehud Barak, le ministre de défense israélien, a dit qu'Israël est engagée dans une guerre qui ira jusqu'au bout contre le Hamas à Gaza. Une guerre ? Israël utilise des avions de combat sophistiqués et des navires pour bombarder des camps de réfugiés et des bidonvilles surpeuplés afin d'attaquer une population qui ne possède ni force aérienne, ni marine, ni armes lourdes, ni unités d'artillerie, ni blindés, pas d'armée...et Israël appelle cela la guerre. Ce n'est pas une guerre. C'est un meurtre.

Le rapporteur spécial des Nations Unies sur les Droits Humains dans les territoires palestiniens occupés, Richard Falk, l'ancien professeur de droit de l'Université de Princeton, a qualifié ce qu'Israël est en train de faire vis-à-vis des 1.5 millions de Palestiniens à Gaza de « crime contre l'humanité ». Falk, qui est juif, a condamné la punition collective des Palestiniens de Gaza comme étant « une violation flagrante et massive de la loi humanitaire internationale telle qu'elle définie dans l'Article 33 de la Quatrième Convention de Genève ». Il a demandé au « Tribunal Criminel International d'enquêter sur la situation et de décider si les dirigeants civils et les commandants militaires israéliens responsables du siège sur Gaza devraient être inculpés et poursuivis pour violation de la loi criminelle internationale ». L'honnêteté inébranlable de Falk met en rage Israël. Il a été interdit d'entrer dans le pays le 14 décembre lors de sa tentative pour se rendre à Gaza et en Cisjordanie.

« Après qu'on m'ait interdit d'entrer, j'ai été mis dans une salle d'attente avec 20 autres personnes ayant des difficultés pour entrer » raconte-t-il. « A ce moment là, j'ai été traité non pas en tant que représentant des Nations Unies, mais comme une sorte de problème de sécurité, soumis à une fouille corporelle totale et une des plus méticuleuse inspection de bagage que j'ai jamais vu. J'ai été séparé de mes deux compagnons des Nations Unies qui eux ont eu la permission d'entrer en Israël. Puis j'ai été emmené dans le centre de détention de l'aéroport à 1.5 km environ de là. J'ai été obligé de mettre tous mes bagages et mon téléphone portable dans une pièce, puis emmené dans une toute petite pièce verrouillée où se trouvaient 5 autres détenus, pièce qui sentait l'urine et la saleté et vous « invite » à une crise de claustrophobie. J'ai passé les 15 heures suivantes tellement confiné qui s'apparentait à un cours intense sur les misères de la vie en prison, y compris des draps sales, une nourriture immangeable et soit une lumière trop forte ou un noir total contrôlé par le bureau du gardien ».

Israël a interdit à la presse étrangère tout comme Falk, d'entrer à Gaza pour rapporter sur les destructions.

Le but déclaré d'Israël de mettre fin aux tirs de roquettes artisanales de Gaza sur Israël reste non tenu. Les militants de Gaza ont tiré plus de 100 roquettes et mortiers sur Israël, tuant 4 personnes et blessant près de deux douzaines autres et ce, depuis de l'assaut aérien israélien. Israël a menacé de mener une attaque terrestre et a appelé jusqu'à 6.500 réservistes. Elle a massé ses tanks sur la frontière de Gaza et a déclaré cette zone zone militaire fermée.

Les attaques de roquettes du Hamas sont également, comme le fait remarquer Falk, une violation criminelle aux yeux de de la loi internationale. Mais comme le note Falk, « ...un tel comportement palestinien ne légalise pas l'imposition par Israël d'une punition collective qui menace la vie et la santé des populations de Gaza et ne devrait pas détourner les Nations Unies ou la communauté internationale de se décharger de leur devoir moral et légal pour donner une protection au peuple palestinien ».

« C'est une catastrophe humanitaire qui expose chaque jour les 1.5 millions de Gazaouis à une épreuve indicible, à une lutte pour survivre au niveau de leur santé » a dit Falk en parlant du blocus israélien continu de Gaza. « La situation est de plus en plus précaire. Une étude récente rapporte que 46% de tous les enfants de Gaza souffrent d'anémie grave. Des rapports disent que les bombes assourdissantes associées aux survols israéliens ont provoqué une surdité importante, surtout parmi les enfants. Les enfants de Gaza ont besoin de milliers appareils auditifs. La malnutrition est très élevée dans différents domaines et affecte 75% de Gazaouis. Il y a énormément de troubles mentaux surtout au sein de jeunes qui n'ont plus l'envie de vivre. Plus de 50% d'enfants de Gaza en dessous de l'âge de 12 ans ont été détectés comme n'ayant plus envie de vivre ».

Avant les attaques israéliennes, Gaza passait 12 heures par jour sans électricité ce qui peut signifier une sentence de mort pour les personnes gravement malades à l'hôpital. Un grande partie de Gaza se trouve maintenant sans électricité. Il y a peu de médicaments y compris ceux pour le cancer et les fibroses cystiques. Les hôpitaux ont des générateurs mais manquent souvent de combustible. Les équipements médicaux dont l'un des trois scanners CT de Gaza ont été détruit par les fluctuations de l'alimentation électrique. Les équipes médicales ne peuvent pas contrôler la température des incubateurs pour les nouveaux nés. Et étant donné qu'Israël a révoqué la plupart des visas de sortie, certaines des personnes qui nécessitent des soins particuliers comme les malades cancéreux et ceux qui ont besoin de dialyses de reins, sont mortes. Sur les 230 Gazaouis qu'on estime être décédés l'année dernière parce que les soins médicaux adaptés leur avait été refusé, plusieurs d'entre eux ont passé leurs dernières heures aux points de passage israéliens qui leur ont refusé l'entrée en Israël. Les statistiques rassemblés concernant les enfants (soit la moitié de la population de Gaza de moins de 17 ans) sont de plus en plus sinistres. Environ 45% des enfants de Gaza souffrent de déficience en fer par manque de fruits et de légumes frais et 18% ont subi un arrêt dans leur croissance.

« C'est macabre » dit Falk en parlant du blocus. « Je ne connais rien qui ressemble à cette situation. Les gens parlent du ghetto de Varsovie comme situation la plus analogue des temps modernes ».

« Il n'existe pas de structure d'occupation qui ait duré des décennies et qui ait impliqué ce genre de circonstances d'oppression » a ajouté le rapporteur. « L'amplitude, le côté délibéré, les violations de la loi humanitaire internationale, l'impact sur la santé, sur les vies et la survie et les conditions générales justifient la définition de crimes contre l'humanité. Cette occupation est la volonté directe des forces militaires et des autorités civiles. Ils sont responsables et doivent rendre des comptes ».

Le but de l'attaque israélienne vise ostensiblement à briser le Hamas, le groupe islamique radical qui a été élu en 2007. Mais le Hamas a proposé plusieurs fois des trêves sur le long-terme avec Israël et a proposé de négocier une trêve permanente. Pendant le dernier cessez-le-feu établi en juillet à travers des intermédiaires égyptiens, le Hamas a maintenu la trêve malgré le fait qu'Israël avait refusé d'alléger le blocus. C'est Israël qui le 4 novembre a lancé une attaque armée qui a violé la trêve et tué 6 Palestiniens. Ce n'est qu'à partir de là que le Hamas a recommencé ses tirs de roquettes sur Israël.

« C'est un 'crime' de survie » dit Falk en parlant des attaques de roquettes palestiniennes. Le gouvernement israélien a montré que peu d'intérêt vis-à-vis de la diplomatie ou d'une solution pacifique. L'expansion rapide de colonies juives en Cisjordanie est un moyen de déjouer la possibilité d'une solution de deux états en absorbant de larges étendues de propriétés palestiniennes. Israël semble aussi vouloir pousser la Bande de Gaza appauvrie dans « les bras » de l'Egypte. Des douzaines de tunnels connectant Gaza à l'Egypte ont été le moyen principal pour amener de la nourriture et du combustible. Israël a laissé opérer les tunnels sans doute dans un effort de couper encore plus Gaza d'Israël. Cela s'est néanmoins terminé dimanche quand les avions de combats israéliens ont bombardé 40 tunnels le long de la frontière de Gaza avec l'Egypte. Les militaires israéliens disent que les tunnels du côté Gaza de la frontière étaient utilisés pour passer en fraude des armes, des explosifs et des fugitifs. L'Egypte a fermé hermétiquement sa frontière et a refusé de laisser les Palestiniens paniqués entrer sur son territoire.

« Israël n'a jamais été préparée à entrer dans un processus diplomatique qui donnerait aux Palestiniens un état viable » dit Falk. « Les Israéliens sentent que le temps est de leur côté. Ils pensent qu'ils peuvent créer suffisamment de faits sur le terrain pour parvenir à la conclusion qu'un état viable ne pourra jamais émerger. »

L'utilisation de la terreur et de la faim pour briser une population hostile est l'une des plus anciennes formes de guerre. J'ai vu les Serbes bosniaques utiliser ces mêmes tactiques à Sarajevo. Ceux qui ont orchestré de tels sièges ne saisissent pas la rage terrible qui naît des longues humiliations, de la violence aveugle et des exactions. Un père ou une mère dont l'enfant meure par manque de vaccinations ou soins médicaux appropriés n'oublie pas. Un garçon dont la grand'mère meurt tandis qu'elle est retenue à un check-point, n'oublie pas. Une famille qui perd un enfant dans une attaque aérienne, n'oublie pas. Tous ceux qui endurent les humiliations, les exactions et le meurtre de membres de la famille, n'oublient pas. Cette rage devient un virus à l'intérieur de ceux qui, éventuellement, trébuchent dans la lumière du jour. Est-il alors étonnant que 71% des enfants interviewés dans une école de Gaza aient récemment répondu qu'ils voulaient devenir un « martyr » ?

Les Israéliens à Gaza tout comme les Américains en Irak et en Afghanistan, donnent stupidement naissance à une nouvelle génération de militants et de radicaux islamiques. Les Jihadistes, exaspérés par les injustices faites par Israël et les Etats-Unis, visent à reproduire les mêmes actes de sauvagerie, même au prix de leurs propres vies. La violence déchaînée contre les enfants palestiniens deviendra un jour la violence qui se déchaînera contre les enfants israéliens. C'est la tragédie de Gaza et c'est la tragédie d'Israël.

* Chris Hedges, diplômé de Harvard Divinity School, a été durant près de vingt ans correspondant du New York Times à l'étranger (Amérique Latine, Afrique, Moyen-Orient et Balkans). Chris Hedgesl est également l'auteur de l'ouvrage « Fascistes américains : la droite chrétienne et la guerre contre l'Amérique » (American Fascists : The Christian Right and the War on America).