Sarkozy inutile au Proche Orient

Publié le 07 janvier 2009 par Juan
Les 5 et 6 janvier, Nicolas Sarkozy s'est donc rendu en Égypte, puis dans les territoires palestiniens, en Israël, en Syrie, au Liban puis à nouveau en Egypte. Un voyage qui avait soulevé des espoirs, et qui s'est terminé comme une farce narcissique de plus. Mardi soir, le président français a terminé son périple par une seconde rencontre avec Hosni Moubarak, avec lequel il a annoncé un projet de plan de paix.
Comme un pied de nez, Israël a déclenché son offensive terrestre quelques heures avant l'arrivée du président français dans la région. Cette attaque est devenue, au fil des heures, lisible: débusquer les combattants du Hamas, et casser tous ses tunnels d'approvisionnement avec l'Egypte.
Le désarroi, le refus de choisir un camp contre un autre, et l'opposition aux présentations caricaturales de la situation qui en fait des deux côtés sont devenues des positions difficiles, intenables. L'ampleur des pertes civiles a jeté un discrédit évident sur l'opération.
En revanche, la visite de Nicolas Sarkozy a-t-elle servie à quelque chose ?
La mollesse française
La position française vis-à-vis de l'offensive israélienne n'était pas lisible. Elle comportait l'évidente bonne conscience humanitaire ("et oui, la guerre, c'est sale"), et restait mollement équilibrée dans les reproches. On crie contre les saletés de la guerre, l'intervention israélienne ou les tirs de roquette du Hamas, et c'est tout.
Contre le Hamas, la France aurait pu s'interroger sur la porosité de ses propres barrages sur place à l'égard des trafics d'armes de l'organisation palestinienne. Elle aurait pu aussi s'interroger sur le rôle de l'Iran. Ce dernier a misé sur le blocus israélien de Gaza pour isoler Israël dans la région. Le conflit actuel lui donne raison.
Nicolas Sarkozy avait reçu en grande pompe le président syrien le 14 juillet dernier, pour l'inauguration de son "Union de la Méditerranée." A ceux qui critiquaient ce rapprochement avec un tyran, il avait argué qu'il avait besoin de l'appui syrien pour faire la paix au Liban et avec Israël. Le président Hassad lui avait promis d'échanger un amabassadeur avec le Liban. L'échange n'a toujours pas eu lieu. Sarkozy lui a-t-il demandé des comptes lors de son entretien mardi 6 janvier? "Le président Assad peut jouer un rôle. Il doit convaincre le Hamas de faire le choix de la raison, de la paix et de la réconciliation" a expliqué le président français. Mais Bachar al-Assad a lui comparé Gaza à "un camp de concentration"...
Contre Israël, la France aurait pu condamner plus durement les dérapages humanitaires de Tsahal. Quelques semaines avant cette offensive, le 8 décembre, le Conseil Européen avait réitéré sa détermination à « rehausser le niveau et l’intensité de sa relation bilatérale avec Israël », c'est-à-dire lui accorder dès avril 2009 un statut privilégié. Bernard Kouchner, en déplacement à Tel-aviv, avait assuré la Ministre Tipi Livni que l’issue du processus de paix serait sans conséquence sur le rehaussement des relations UE-Israël. Pourtant, le Parlement européen s'est opposé à ce rehaussement des relations Israël-UE en repoussant le vote proposé sur les programmes communautaires. Pire, Nicolas Sarkozy a finalement commis une boulette : stigmatiser le Hamas au moment même où les chars israéliens entraient dans la bande de Gaza. Depuis lundi, l'escalade de la violence a visiblement précipité la totalité des opinions publiques arabes contre Israël. Le président français aurait pu choisir un meilleur moment pour cette nouvelle déclaration.
Le manque de stature
Bref, la France participe, involontairement sans doute, à caricaturer le conflit à Gaza. Nicolas Sarkozy aime pourtant bien la politique internationale. La présidence française de l'Union européenne lui a donné le goût. Et il a compris qu'on se rachète plus rapidement une popularité en matière de politique étrangère qu'à l'intérieur. Il s'est gardé la co-présidence de l'Union pour la Méditerranée, un "machin" comme aurait dit le Général de Gaulle, qu'il a créé le 14 juillet dernier. Mais la situation au Proche Orient est trop grave pour que l'on se satisfasse d'un Monarque en mal de reconnaissance universelle. Il n'est pas sûr que cette visite ait une vertue apaisante en France entre les communautés juive et musulmane.
Il faut aussi avouer qu'il n'est pas aidé par son ministre français des Affaires étrangères. Il y a deux mois, Bernard Kouchner était en visite dans la région. Lors de son point avec la presse française le 5 octobre à Jérusalem, le voici qui déclarait :
"De loin, on pense que le Processus d’Annapolis, la tentative de faire la paix et de construire un Etat palestinien solide à côté de l’Etat d’Israël, est terminé. Cette fois, pourtant, je trouve qu’il y a un changement. Ayant été durant plusieurs heures à Jénine, je sens que quelque chose se passe, que quelque chose a rétabli la confiance chez les Palestiniens, en parlant avec les Israéliens, y compris avec les plus hauts responsables."

Plan de paix ou plan de communication ?
Mardi 6 janvier dans la soirée, Nicolas Sarkozy et Hosni Moubarak ont fait une déclaration commune. Ils ont proposé un plan de paix: retrait israélien de Gaza contre ouverture égyptienne pour sécuriser ses frontières et arrêt des tirs de roquette du Hamas. Pourquoi Israël l'accepterait ? L'Egypte ne s'engage qu'à discuter, sans obligation de résultat, et le Hamas a tout à gagner à accepter une trêve.
Pourquoi donc Israël l'accepterait ? Nicolas Sarkozy était confiant devant les journalistes et les caméras... évidemment.
"Le président Moubarak invite sans délai, notamment la partie israélienne, à venir discuter de la question de la sécurité des frontières, peut-être dans les heures qui viennent" (...) "J'ai des éléments très précis qui me permettent de dire qu'une délégation israélienne rencontrera une délégation égyptienne sans délai pour parler de cette question de sécurité" (...) "J'ai bon espoir que la réaction des autorités israéliennes permettra d'envisager de mettre un terme à l'opération qu'ils ont engagée sur Gaza, c'est-à-dire pas simplement le cessez-le-feu, mais un retrait" (...) "La proposition égyptienne a ceci d'important que personne n'est humilié, personne ne perd la face, que ce n'est pas un retour au statu quo ante, puisque les Egyptiens sont prêts à travailler sur la sécurité aux frontières, puisqu'une pression est faite pour qu'il n'y ait plus de roquettes qui partent de Gaza" (source)
Israël a engagé son attaque, aérienne puis terrestre, avec un double objectif: affaiblir le Hamas et détruire les tunnels de contrebandes d'armes entre la bande de Gaza et l'Egypte. Tsahal cherche à agir vite et éviter l'enlisement. Le Monarque était-il le seul à croire qu'Israël souhaitait annexer la bande de Gaza ?
La diplomatie était à l'ONU
Plus globalement, la présidence française, tout occupée à la crise financière mondiale, les JO de Pékin et le conflit en Géorgie, semble avoir négligé la situation au Proche Orient. Sarkozy a voulu profité d'un déplacement prévu au Liban pour les voeux aux forces françaises sur place, mais l'histoire diplomatique aurait dû s'écrire à New York. Après avoir poliment reçu le président Sarkozy lundi 5 janvier, le président de l'Autorité Palestinienne a rejoint une délégation de ministres égyptien, jordanien, libanais, libyen, marocain, qatari, syrien, ainsi que le secrétaire général de la Ligue arabe, Amr Moussa, pour aller mardi, à New York aux Nations Unis.
Dans la nuit de mardi à mercredi, Israël a finalement accepté d'ouvrir un corridor humanitaire "pour approvisionner les habitants de la Bande de Gaza en biens de première nécessité.". Mais l'Etat hébreu ne répondait pas au "plan de paix" du président français en tournée médiatique dans la région. Israël acceptait une proposition du Conseil de Sécurité de l'ONU.
Les services d'Ehoud Olmert ont annoncé dans un communiqué que l'idée d'un corridor humanitaire venait du Conseil de sécurité des Nations unies, et que le Premier ministre l'avait acceptée. Selon ce projet, Israël suspendrait ses attaques dans des zones spécifiques de la Bande de Gaza pour permettre à la population de s'approvisionner. Le communiqué adressé tôt mercredi, heure locale, précise que l'objectif est d'"empêcher une crise humanitaire dans la Bande de Gaza" (source).
Ce n'est pas un retrait, ni un cessez-le-feu, mais un couloir humanitaire. C'est en revanche une fin de non recevoir au "plan de paix" précipitamment annoncé par Nicolas Sarkozy.
Le président français a tenté aussi de récupérer la couverture diplomatique, en vain.
Communiquer à défaut d'agir, tel semble être une fois de plus, une fois de trop le leit-motiv sarkozyen.
Ami Sarkozyste, où es-tu ?
Crédit photo: Figaro
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