Introduction du Hip-Hop à l'école : La problématique de l’identité du rap

Publié le 09 janvier 2009 par Black2004
<>

Le Centre culturel français consacre, à son tour, 72 heures au Hip-Hop sénégalais. La journée d’ouverture de mercredi dernier a été saisie pour vulgariser le rap poétique dans les écoles, à travers une conférence centrée sur l’évolution du mouvement Hip-Hop sénégalais qui bute encore sur la ligne identitaire.

Qu’est-ce-que le rap ? Deux heures de débat ont été, au finish, insuffisantes pour permettre aux panélistes de trancher le débat devant des élèves venus nombreux au Centre culturel français. L’interrogation résulte du long exposé du chercheur Mamadou Dramé, spécialiste du mouvement Hip-Hop sénégalais. Une longue présentation qui retrace l’histoire tumultueuse mais très passionnante de ce mouvement artistique hérité, d’après le conférencier, de la musique jamaïcaine qui a fait par la suite éclore des jeunes des ghettos américains dans les années 70 avant d’arpenter le chemin triangulaire New York-Paris-Dakar. Est-il né de genres originellement africains, à l’instar du taasu ou taaxuran ? Les recherches de Mamadou Dramé feignent de les démontrer avec à la clef plusieurs hypothèses s’accordant sur une éventuelle parenté.
L’interrogation qui demeure sans réponse est la vocation de cette forme de musique. Si certains, comme Ndeye Fatou Tine, élève au Lycée moderne de Dakar, considèrent que la vocation première du mouvement Hip-Hop est de combattre l’injustice sociale, le conférencier estime que le rap est aussi une musique de divertissement, même si, durant toute son évolution, il porte le drapeau du mouvement de revendication sociale au service des défavorisés du système économique et politique. Sur ce point précis, «Fou malade» fait une intervention pour rappeler la devise initiale que lui avaient conférée ses précurseurs dès son balbutiement. C’est le triptyque peace, love et having fun dont le Maître de cérémonie (Mc), le disc-jockey et le break danser se donnaient comme sacerdoce social. Le Hip-Hop dépasse largement le caractère musical articulé autour du sound system (une musique sans musicien) pour devenir une véritable culture urbaine qui se manifeste également à travers le comportement vestimentaire et langagier.
 La radicalisation, selon le chercheur Dramé, a débuté à New York en 1988 avec le tube «F… the police» qui, avait à l’époque, des retentissements internationaux. Année à laquelle le premier groupe de rap sénégalais est née de la «jeunesse mal saine» comme elle était qualifiée à l’époque. Une jeunesse qui éprouvait les affres d’une année blanche.
Il faudra attendre le début des années 90 pour écouter les premiers albums de Mc Lida, Mc number 1 et Dk 92 du Positive Black Soul (1992). De nos jours, le phénomène du Hip-Hop gagne, vingt ans après, en estime avec ses fortunes diverses, les remises en cause perpétuelles aussi bien dans le fond que dans la forme ne sont pas parvenues à donner à ce genre musical une identité standard et indélébile.
C’est le groupe Rap Adio qui a été aux avants postes d’une nouvelle génération de rappeurs, qui jette le discrédit sur les œuvres du Pbs, du Daara J, de Jant Bi, du Pee Froiss pour, disait-il, avec leurs alliées du Bmg 44, faire du vrai rap pour ne pas dire le hard core. La réplique du panéliste a été simple : «Le rap est une œuvre artistique. L’artiste est tout libre de choisir une orientation rythmique qu’il estime la plus pertinente Il n’existe pas, en réalité, de modèle standard.» En l’an 2009, remarque l’expert Dramé, le mouvement Hip-Hop sénégalais connaît deux principaux courants. Le rap comme instrument de revendication sociale dont ses défenseurs ne se lassent jamais de renier ses contestataires. Le rap marketing ou commercial qui fait la plus grande recette. Dans cette deuxième école, le ton est moins virulent, humoristique et positiviste d’après «Fou Malade». Toutefois, il devient une réclame en privilégiant des thématiques comme le sexe.
Aux élèves qui expérimenteront le rap poétique, il leur est conseillé d’être pragmatiques en fonction du contexte social, car la culture Hip-Hop, peinant toujours à se déshabiller de manteau pervers, englobe en plus de ces deux options expressives, le graphisme, la danse. Les jeunes rappeurs poètes sont appelés à faire preuve d’originalité en faisant fi des évidences et des banalités. L’unique clef du succès pour le chercheur Dramé est sans doute la lecture des ouvrages de grandes œuvres poétiques qui mène droit, comme le souhaite le directeur de l’Enseignement secondaire général, Alexandre Diop, à la maîtrise de la langue de Molière.