Les mauvaises leçons du professeur Sarko sur la gestion de l’hôpital et les remèdes de Diaffoirus ultra-libéral a y apporter.

Publié le 16 janvier 2009 par Kamizole

Vous dire si j’ai été irritée par ce titre de 20 minutes : Nicolas Sarkozy souhaite à l’hôpital une meilleure organisation, est l’évidence même d’autant que dans le même temps le dispendieux Président de la République osait annoncer sans rire – contre les évidences les plus flagrantes dont les récents drames dans les services hospitaliers ainsi qu’en matière d’urgences ne sont que le sommet le plus visible de l’iceberg - que l’hôpital public ne manquait pas de moyens, suivi en cela par le grand argentier de Bercy, Eric Woerth : Pour 2009, Sarkozy ne souhaite pas plus de moyens à l’hôpital.

Nicolas Sarkozy a en effet estimé que tout n’était pas une affaire d’argent, mais plus d’organisation. «Ce n’est pas en demandant toujours plus de moyens que nous améliorerons la situation, a-t-il expliqué, estimant plutôt que «l’hôpital doit être un modèle d’adaptabilité pour faire face aux défis du XXIe siècle».

Adaptabilité ?

Il entend appliquer à la santé publique et à l’hôpital les mêmes règles – déjà absurdes en soi – de l’économie de marché : rentabilité, profitabilité et compétitivité… triade maléfique. J’en veux pour preuve un passage tout aussi significatif du premier article.

“L’hôpital d’aujourd’hui ne correspond pas tout à fait au cahier des charges de ses impératifs”, mais exiger plus de moyens comme le font les syndicats serait une erreur, selon lui. “Comme toujours en France, on ne regarde pas ce qui se passe dans le moteur, on dit qu’il faut plus”, se plaint le Président de la République.

Déjà, je doute qu’il ait jamais soulevé le capot d’une voiture ! Il m’étonnerait fort qu’il ait eu des voitures aussi merdiques que celles de mémé Kamizole… et nécessité faisant loi (de même que le plaisir de bricoler) qu’il n’ait jamais sali comme moi ses mains de cambouis.

Itou, il y a une foultitude de choses qui lui échappent «sous le capot» de l’hôpital ! Parce qu’encore faut-il connaître les vrais problèmes auxquels il est confronté et savoir y apporter les remèdes nécessaires… Les moyens humains et matériels sont loin d’être la seule réponse mais ils en font intrinsèquement et intimement partie : on ne soigne ni les maux chroniques qui affectent l’hôpital public depuis des décennies ni – moins encore ! – les patients avec ses petits remèdes de boutiquiers !

Cahier des charges ! évidente mentalité de margoulin… obnubilé par une vision économiste (à la petite semaine) sinon totalement mercantiliste de la santé publique et de l’hôpital. Les malades ne seraient-ils plus qu’un simple prétexte ?

Je préfère lire avec nettement plus de profit pour la compréhension des enjeux l’approche aussi intelligente que pertinente de Philippe Mossé, économiste, directeur de recherche au CNRS-Lest d’Aix-en-Provence. L’hôpital français et ses démons. Preuve évidente que l’on peut aborder les problèmes économiques posés par les politiques de santé publique en général et de gestion des structures hospitalières sans succomber aux œillères de l’économisme !

Je n’ai pas envie de paraphraser cet excellent texte et je me contenterais d’en citer quelques passages qui me paraissent hautement significatifs :

«Si les questions sont formulées différemment selon les époques, le sens de l’interrogation est le même depuis les années 1970. Cette constance n’est pas étonnante. En effet, au-delà de son apparence polémique elle trahit un accord sur ce qui ferait vraiment problème : l’invasion de l’hôpital par les valeurs, les méthodes, les objectifs de l’économie

(…) d’abord identifier les principales caractéristiques de l’hôpital. Il faut accepter qu’il ne soit plus l’institution charitable qu’il fut et, dans le même temps, soutenir qu’il n’est pas et ne sera jamais une entreprise rentable. Il faut aussi admettre que l’hôpital soit à la fois dangereux et protecteur, centre d’expertise scientifique et lieu de vie, fermé sur lui-même et ouvert à la société.

(…) Reconnaître ces ambivalences, voilà le prérequis. Il s’agit ensuite de penser l’économie de l’hôpital, en essayant de faire de cette complexité un atout.

Il remet ensuite en cause le modèle unique de financement basé sur la tarification à l’activité («la T2A à 100 %») «Non pas tant parce la T2A consacrerait l’entrée du loup libéral dans la bergerie du «service public à la française», mais plutôt parce qu’elle reviendrait à plaquer un mode unique d’incitation économique sur des situations qui sont, et doivent rester, diversifiées.»

Ne croyez pas pour autant que Philippe Mossé soit partisan du statu quo. Bien au contraire, il explore les pistes qui pourraient améliorer la qualité de la prise en charge des patients au sein d’un système repensé, notamment en terme de collaboration entre les différentes structures sanitaires de même qu’entre les intervenants – médicaux et paramédicaux.

Il démontre qu’au Japon, la logique de prise en charge des malades – autrement globale et prenant en compte tous les besoins : «soins relationnels et tâches «domes-tiques» sont considérés comme constitutifs des prises en charge médicalisées» - qui constituaient naguère le quotidien de la vie de l’hôpital au même titre que les soins et actes médicaux - a une influence certaine sur la qualité de la prise en charge des patients.

Alors que la future loi «hôpital, patients, santé et territoires» devrait au contraire consacrer la recherche absurde de la compétitivité (sous le couvert de prétendus «contrats» entre services, établissements hospitaliers) avec des objectifs qui ne feront que renforcer la vision économiste des problèmes de santé publique : «rôles propres et logiques professionnelles contribuent à organiser formellement tous les services sur le seul mode du «flux tendu».

Précisément, tous les professionnels soignants - médi-caux autant que paramédicaux, de même que les gestionnaires des établissements (directeurs et économes) savent bien la perversité des «flux tendus» qui font travailler en permanence “sur le fil du rasoir”, selon une expression lue à plusieurs reprises, objectifs à court terme et sans vision d’ensemble ni - encore moins ! - de la satisfaction générale des besoins et des publics auxquels ils devraient s’adresser, partis-pris idéologiques qui ont fait fermer des services ou des hôpitaux, et tendent à réduire toujours davantage les moyens, supprimer du personnel tant et plus, au risque des drames que nous venons de connaître.

Le fait qu’il soit l’auteur d’un ouvrage récent comparant les politiques de soins en France au Japon, en s’intéressant plus particulièrement à la profession infirmière : “l’Hôpital et la profession infirmière, une comparaison France Japon”, avec Maryse Boulongne-Garcin, Toshiko Ibe, Tetsu Harayama, éd. Seli Arslan, décembre 2008 témoigne d’une vision centrée sur le réel des problèmes rencontrés par mes ex consœurs qui est bien éloignée des élucubrations mensongères d’un Nicolas Sarkozy.

Il fait en effet mine de respecter le personnel hospitalier «assurer ces gens dévoués de son soutien total» en même temps que toutes ses déclarations - ainsi que ses actes ! - témoignent à l’évidence du contraire. “Tu causes, tu causes, c’est tout ce que tu sais faire” eût dit Zazie…

Tous les articles que j’ai pu lire ces dernières semaines font état des critiques, qu’elles émanent des professionnels de santé ou des gestionnaires des hôpitaux, remettent en cause la gestion «à flux tendu» avec toujours moins de moyens humains et matériels.

Mieux : l’hôpital flambant neuf que Nicolas Sarkozy est allé inaugurer à Strasbourg, le nouvel hôpital civil (NHC) est bourré de «bugs» divers, comme en témoigne un article de Libé-Strasbourg A l’hôpital, “y a plus d’argent, donc on joue à McGyver” …

Encore mieux, pour un établissement ultra-moderne, qui regroupe sur huit niveaux une dizaine de pôles médicaux pour 715 lits, je lis que sur un budget d’investissement non négligeable (300 millions d’euros) seulement 10 % ont été consacrés aux équipements médicaux – 15 salles d’opération, un système d’IRM et un scanner – et pour le mobilier des chambres, majoritairement individuelles…

Cerise sur le gâteau, «Mercredi, l’unité de soins intensifs cardiologiques était touchée par une grève lancée contre la suppression d’un poste d’infirmière de nuit». Alors ses vœux au personnel dévoué et ses critiques contre l’inorganisation des services, le Sarko, il peut bien se les carrer où je pense ! Et c’est d’ailleurs bien évidemment ce que pensent les syndicats de personnel… Sarkozy sur l’hôpital: «Insultant et faux».

Ou y ont vu carrément une injure (du style «Casse-toi ! pôv con !» ?) Hôpital: «C’est une provocation de nous souhaiter les voeux alors que le personnel est en souffrance». A l’évidence : trop c’est trop !

Pour en finir avec cet hosto au top-top de la technologie - censée suppléer le manque de personnels ? vivement l’heure des robots ! pour l’humanisation des soins, on repassera…- le personnel de la cardiologie se plaint que l’unité ait été fort mal conçue :

l’une des infirmières dénonce “une infrastructure mal pensée” «étendue sur 100 mètres avec des couloirs en T et en L qui complique la surveillance des patients et oblige à des déplacements incessants»: “En plus, si l’on doit emmener un patient en coronarographie, à l’autre bout du bâtiment, cela nous prend vingt minutes. On parcourt sept kilomètres par jour !”

Les brancardiers, dont le nombre est jugé insuffisant, “font facilement 15 kilomètres par jour”, selon Claudine Giorgi, de la CGT. Les agents se plaignent aussi de la lourdeur des chariots repas, des “pannes répétées” du système de valisettes qui assurent le transit des documents légers»

Aberrant ! Ayant été infirmière pendant 20 ans et par les hasards de l’existence, ayant suivi 2 ans un stage de enreclassement en administration hospitalière et forte d’une expérience de 6 ans comme infirmière en usine où les questions d’ergonomie m’ont particulièrement intéressée, je ne peux qu’être sidérée,

je partage depuis fort longtemps avec des personnes autrement qualifiées que moi la conviction profonde qu’en matière de construction hospitalière ce qui peut germer dans la tête des architectes et ingénieurs devrait être soumis préalablement à l’épreuve de la réalité en construisant des prototypes de services hospitaliers où l’on ferait travailler les «vrais gens» en situation réelle.

Nous sommes au début du XXIe siècle et quand je lis cela j’ai l’impression de revoir l’hôpital Tenon dans les années 1968-1972 quand nous passions beaucoup de temps à pousser des brancards (tâches que les «petites bleues» de l’Assistance Publique partageaient avec les brancardiers quand ceux-ci étaient occupés) dans les longs sous-sols qui maillaient tout l’établissement.

Je ne saurais dire d’emblée quelle est la meilleure implantation possible des couloirs où sont situées les chambres des malades par rapport au poste des infirmières. Il existe plusieurs solutions, long couloir de part et d’autre, couloirs en «étoile» ou le poste des infirmières situé au confluent de quatre couloirs…

Mais éviter autant que faire ce peut les «décro-chements» en «L » ou en «T» qui, rendant les chambres invisibles du premier coup d’œil (et de facto la lumière rouge qui s’allume quand un malade sonne) compliquent sérieusement le travail des infirmières et des aide-soignantes, de même que la rapidité de leur intervention. De laquelle peut, dans certains cas d’urgence dépendre la survie ou non d’un malade. Et de toutes façons, la qualité non seulement des soins mais aussi des petits gestes qui font la qualité de la vie…

A cet égard, ayant connu les deux facettes, à la fois comme infirmière et en tant que patiente hospitalisée, j’en parlerais sans doute ailleurs. Je préfère aujourd’hui vous signaler le blog d’une infirmière que j’ai découvert par le hasard d’un lien affiché sur le tableau des statistiques de fréquentation. Petite Chose et tout particulièrement La journée d’une infirmière qui vous donnera un aperçu saisissant de la somme de travail que l’on demande aujurd’hui à mes ex-consoeurs.

Je me rends compte (je m’en étais déjà aperçue lors de mes 3 courts séjours en chirurgie orthopédique à l’hôpital d’Eaubonne entre 2003 et 2007) que la situation s’est nettement dégradée depuis que j’ai arrêté définitivement de travailler en 1988. Y compris sur le seul plan du salaire !

«Petite chose» déplore que le salaire d’une infirmière débutante ne dépasse pas 1200 euros… après 3 ans d’études à la fois théoriques, d’un niveau relativement élevé ! et pratiques : des stages effectués dans les divers services hospitaliers où je peux vous garantir que le travail demandé n’est pas de la simple figuration ! En 3ème année, les élèves infirmières effectuent pratiquement les mêmes tâches qu’une infirmière…

J’ai fait un simple et rapide calcul (grâce à la calculette du site calculateur d’inflation) en convertissant mon salaire d’infirmière débutante à Tenon (Assistance Publique) en 1970 : 1500 francs de cette époque correspondent à peu près à 1500 euros d’aujourd’hui ! Cela veut dire qu’en presque 40 ans les infirmières débutantes ont perdu 300 euros, compte tenu de l’inflation ! Alors qu’on leur demande toujours davantage de travail, de compétences et de connaissances théoriques (adaptation aux progrès technologiques et à l’évolution scientifique).

Même son de cloche chez François Aubart qui sait de quoi il parle : il est chef de service à l’hôpital Simone Veil d’Eaubonne-Montmorency, dans le Val-d’Oise et président la Coordination médicale hospitalière (l’un des syndicats les plus importants de médecins hospitaliers, cité dans Libération …

«La course à l’échalote du toujours plus est un discours qui n’est pas correct. Le budget de l’hôpital n’a jamais été aussi élevé. Il y a aujourd’hui 41.000 praticiens hospitaliers, contre 16.000 en 1983. Pour autant, l’hôpital public accuse de plein fouet la crise budgétaire que traverse l’Etat. C’est pourquoi il faut accepter de combler ce déficit pour que l’hôpital puisse revenir à l’équilibre, et se concentrer sur les vrais besoins».

Lesquels? En priorité, les infirmières. «Comment accepter que cette profession, dont on ne cesse de saluer de dévouement et qui reçoit des vœux présidentiels, ne soit rémunérée que 1500 euros par mois?».

Reprenant la même calculette, j’ai converti les 8000 francs environ que je gagnais en 1988 avant d’interrompre définitivement ma carrière en «euros constants» : 1800 euros… Là encore, la même perte de 300 euros par mois !

Ici, comparaison vaut raison car je savais par une infirmière de l’hôpital d’Eaubonne que je connaissais que nos salaires étaient corrects et alignés sur ceux des hôpitaux publics, contrairement à d’autres cliniques des environs (Enghien, Ermont et Eaubonne) où les salaires étaient parfois nettement inférieurs, plus proches de ceux de nos aides-soignantes !

Certes, le salaire n’est pas tout mais sous-payer à ce point les infirmières témoigne à l’évidence du manque de respect pour notre corporation. C’est d’une part ne pas reconnaître la qualité du travail – sans oublier le dévouement - et d’autre part se foutre éperdument des conditions de vie à l’extérieur de l’hôpital, des difficultés rencontrées par la plupart. Or, la qualité de vie, un peu moins de soucis d’argent, ne peut qu’avoir une incidence bénéfique sur la qualité du travail.

Qu’on se le dise : dévouées certes, nous ne sommes plus les «bonnes sœurs» de jadis !

Je terminerais en vous incitant à lire un texte du même François Aubart, paru dans Libé Nous sommes tous des infirmières écrit à l’occasion des derniers drames (Saint-Vincent de Paul, Massy, etc…)

Or, il se trouve que par le hasard de mes diverses fractures récentes (2003 et 2006) j’ai été hospitalisée à trois reprises pour de courts séjours dans son service à l’hôpital d’Eaubonne-Montmorency. Si tout est loin d’y être parfait – manque évident de personnel ! – j’estime profondément le docteur Aubart.

C’est un excellent chirurgien dont j’apprécie la rigueur professionnelle (certains parleront d’une certaine «rigidité») alliée à une qualité d’écoute des patients et de ce qu’ils disent de leurs symptômes. Je sais par expérience, et d’infirmière et de patiente, que c’est loin d’être toujours le cas ! C’est pourtant essentiel pour poser un bon diagnostic ou savoir reconnaître une complication…

Il est sur le pont dès 8 heures du matin pour la «visite» et il m’est arrivé de le croiser dans les couloirs, en remontant de la cafétéria à l’heure du dîner aux environs de 18 heures. J’ai connu beaucoup de chefs de service qui étaient bien loin d’être aussi présents dans leur service…

SOURCES

Comment l’hôpital réduit ses effectifs
LE MONDE | 09.01.09 © Sarkozy : “l’hôpital ne souffre pas d’un manque de moyens”
LEMONDE.FR | 09.01.09 © La qualité de l’hôpital public mise en accusation
LE MONDE | 30.12.08 © Allez donc mourir ailleurs !, par Caroline Fourest
LE MONDE | 25.09.08 ©

20 minutes

Nicolas Sarkozy souhaite à l’hôpital une meilleure organisation

Hôpital: «C’est une provocation de nous souhaiter les voeux alors que le personnel est en souffrance»

L’hôpital public en mal de soins

Le Figaro

Roselyne Bachelot : «Je suis fière de l’hôpital public»

Hôpital : Sarkozy dénonce les «polémiques médiocres»

Sarkozy : «l’hôpital ne souffre pas d’un manque de moyens»

Libération

Nous sommes tous des infirmières

Pour 2009, Sarkozy ne souhaite pas plus de moyens à l’hôpital

A Strasbourg, Sarkozy soigne le moral de l’hôpital

Sarkozy sur l’hôpital: «Insultant et faux»

A l’hôpital, “y a plus d’argent, donc on joue à McGyver”

L’hôpital français et ses démons