Tahiti, en haut sur la colline

Publié le 18 janvier 2009 par Argoul

Un dimanche d’octobre, chargées de maa (repas), E. et moi sommes parties sur le plateau de la presqu’île, avec arrêt à Papeari. Nous avions rendez-vous avec les parents de E. pour grimper en Land Rover et visiter les plantations de J.

Le maa déposé, nous voici embarquées pour un voyage de découverte. C’est d’abord de la route goudronnée, ensuite la traversée d’un lotissement, enfin la brousse.

J. est propriétaire planteur. Il est aussi aujourd’hui notre chauffeur. Il manœuvre avec dextérité ses leviers de vitesse et de différentiel. . Après le goudron, la latérite, la piste, le terrain raviné, l’à-pic à gauche, l’à-pic à droite, ça monte, ça descend. Nous avons croisé deux VTT, sommes passés devant chez un popaa fada (Blanc) qui vit seul à une heure de piste du premier chinois (commerçant). Les miconia sont là (des arbres), présents, envahissants, la brousse, la brousse.

Arrêt, marche arrière, un autre 4×4 descend. J. lui laisse le passage, taille une petite bavette. C’est un fada marquisien qui, après 20 ans passés dans l’armée française, est venu habiter tout là-bas, en haut, sans eau, sans électricité ni internet. Ah ! Un second 4×4, c’est Madame ! Il leur faut deux heures et quelques litres de gasoil pour aller faire emplette d’une baguette de pain. Evitez d’oublier le sel… J. raconte que la femme popaa de cet ancien militaire a refusé de suivre son époux ! Qu’à cela ne tienne, ici on change de vahiné.

Nous reprenons la piste : de la brousse, encore de la brousse, des creux, des bosses, des fougères, des miconia, quelque mapé (châtaigniers local), ça sent bon. « C’est la brousse ! » me répond J.

On monte encore 100 m. « Dis, J., on n’est pas encore arrivé ? – Non, non… » Nous comprenons pourquoi il nous avait déconseillé de prendre le repas AVANT la promenade. Certes, ce n’est pas la montée à l’Assekrem, mais cela y ressemble – moins les roches.

C’est fait, nous y sommes enfin. C’est superbe ! J. a investi plus de 3 millions de francs Pacifique, il misé sur les bois plus que sur les fruits. C’est Byzance. Il y a là :

Tecks
Acajous tahitiens (anacardier, anacardium occidentale)
Anani popaa (pamplemoussier, citrus frangis)
Aurarae (badamier, terminalia glabrata)
Avota (avocatier, perses americana)
Fara (pandanus, pandanus tectorius)
Haari (cocotier à noix, cocos nucifera)
Kava (piper methysticum)
Mapé (châtaignier tahitien, inocarpus fragifer)
Pakai (pacayer)
Tamanu (calophyllum inophyllum)
Taporo (limetier ou citronnier vert, citrus aurantifolia)
Uru tartoni (jacquier, artocarpus heterophyllus)
Vi popaa (manguier, mangifera indica)

Je mesure combien j’ai de la chance. Beaucoup de monde a demandé à J. de visiter ses plantations, il y eu peu d’élus. A 325 m au-dessus du niveau moyen de la mer, la vue est superbe. Dommage qu’une brume soit présente. D’ici, on aperçoit quand même Hitiaa, Tavarao, les deux motus (île basse corallienne) de Papara, la pointe du golfe d’Atimaono, le récif et la montagne de Tahiti…

Le retour à la civilisation semble plus court qu’à l’aller, trop court. Avec moins d’ornières ? A table ! il est enfin temps de nous restaurer. La météo est en grève mais, à 16h21, il fait 31,7° centigrades dans mon studio, avec 69% d’humidité. Sur le balcon, il fait 36,6°. Il fait chaud, lourd, la pluie tarde, tous les fonctionnaires d’Etat sont en grève : écoles, collèges, lycées, tribunaux, douanes, météo et RFO (radio France-Outremer) qui vient de se joindre aux bataillons. Quelle vie ! Je vais encore soulever quelque inimitié.

Sabine