George W. Bush ne laissera probablement pas dans l’Histoire mondiale l’image d’un grand président américain. Son impopularité, croissante durant son second mandat, a fini par atteindre des sommets. Sans doute retiendra-t-on de lui son étrange absence de réaction immédiate lorsqu’il apprit, visitant une école le 11 septembre 2001, la nouvelle des attentats contre les tours jumelles ; on se souviendra longtemps de la guerre d’Irak, qui reposa, comme on le sait, sur une véritable manipulation avec pour toile de fond de prétendues armes de destruction massive et quelques intérêts économiques bien plus réels. Pourtant, ces derniers jours, ce ne sont ni sa dernière interview, ni son discours d’adieu qui restent dans les mémoires, mais bien sa remarquable maîtrise dans l’art d’esquiver les projectiles en général – et les chaussures en particulier. Portrait public peu glorieux.
Un autre portrait de George W. Bush existe cependant, plus insolite, dont l’histoire mérite d’être contée. En 2007, le peintre Jonathan Yeo fut sollicité par la très sérieuse Bush Library pour la réalisation d’un portrait officiel du président. Ce peintre de 38 ans, fils d’un député conservateur britannique, est connu Outre-Manche pour ses multiples portraits mondains. Le milliardaire Rupert Murdoch, l’acteur Dennis Hopper, Tony Blair ou Hugh Hefner, le fondateur de Playboy, comptent parmi ses clients aux côtés de quelques nouveaux riches russes. Figure de proue de son art, il paraissait naturel qu’on fît appel à lui. Cependant, il semble qu’avant même qu’il ne commence la toile, la commande lui fut refusée. L’artiste n’en tint pas compte. Le résultat obtenu – vengeance, facétie ou goût du scandale ? – fit grincer quelques dents sur l’autre rive de l’Atlantique.
Le tableau n’a, en effet, rien de conventionnel.
Certes, la toile ne risque pas de figurer dans la galerie officielle des présidents américains; elle
Si certains ont crié à la provocation gratuite, fort est pourtant de constater qu’en choisissant cette approche singulière, Jonathan Yeo n’a fait que reprendre une technique chère à quelques peintres de la Renaissance. Pensons à Eve et la pomme, de Giuseppe Arcimboldo (1578), dont le profil est composé d’une habile juxtaposition de corps nus et enlacés, pensons encore à certaines assiettes érotiques de Francesco Urbini (circa 1534) qui furent exposées en 2007 à Paris et qui représentent des visages faits de phallus enchevêtrés. Yeo a pris le parti de rejoindre, dans leur veine ironique, ses célèbres prédécesseurs, telle est la liberté du créateur. Une ironie en forme de pied de nez - pour ne pas dire davantage - qui, en l’espèce, ne manque pas de pertinence.
Ilustrations : Jonathan Yeo, Portrait de George W. Bush (2007) - Idem, détail - Arcimboldo, Eve et la pomme (1578).