Disrupteurs de hasard

Publié le 20 janvier 2009 par Orsérie - Le Journal Du Beau & Du Bien-Etre
Le problème avec les distributeurs de gashapon, c’est qu’ils ne donnent pas toujours ce qu’on veut - en même temps ils sont conçus pour ça. Quand on est consommateur occasionnel, qu’on achète juste une petite capsule-surprise de temps en temps pour rigoler, ça n’est pas gênant. Mais quand on est un collectionneur obsessionnel qui veut absolument avoir toutes les séries complètes des gashapon Ultraman, c’est problématique.

   
Car à moins d’être extrêmement chanceux, obtenir une série complète de 10 figurines peut revenir très cher, à 200 yens le tirage aléatoire.


"C’est surtout qu’il s’est fait une ligne de gashapon. Drogué !"

(élipse) Bref, c’en était trop. Il fallait trouver une solution à cette situation inextricable qui menaçait l’économie d’une nation entière, des millions de salariés gaspillant leurs millions de yens de pouvoir d’achat dans des distributeurs incontrôlables devenus comme fous. En même temps on leur avait bien dit que les machines se retourneraient contre nous, mais non regardez-les avec leur technologie et leurs robots, ils s’en foutent.


Des magasins entiers remplis de machines à absorber des pièces de 100 yens


Le délicat flyer de la boutique Super Position Capsule Toy Shop

C’est alors qu’arrivèrent les boutiques anti-hasard. Alors que les distributeurs donnent, pour un prix fixe, un gashapon tiré aléatoirement parmi la série, ces échoppes éliminent l’effet du hasard en achetant de grosses quantités de gashapon. En 10 tirages, il est pratiquement impossible d’avoir les 10 figurines d’une série donnée. Mais en achetant 200 capsules de cette même série, avec un peu de chance on a plusieurs exemplaires de chacune des 10 figurines. Exemplaires qu’il ne reste plus qu’à mettre en rayon, en fixant cette fois-ci un prix variable, basé sur la rareté ou le niveau de la demande pour chaque figurine.


Un Capsule Toy Shop, à Osaka. Des milliers de gashapon impitoyablement décapsulés

Le principe de ces magasins qu’on trouve dans les quartiers d’otaku comme Ahihabara à Tokyo ou Den-Den Town à Osaka est donc le suivant :
- dans un sous-sol qu’on imagine humide et mal éclairé, des enfants chinois sous-payés ouvrent à longueur de journée des centaines de capsules de gashapon ; ils éliminent ainsi le facteur chance et en extraient le précieux contenu qui est alors placé dans un sachet
- en fonction de la rareté de chaque figurine, un prix est fixé ; il peut être plus bas que le prix payé dans le distributeur de gashapon si la figurine est particulièrement quelconque ; inversement, certaines figurines sont vendues 10, 20 ou 40 fois le prix d’un tirage dans le distributeur
- le collectionneur fou peut compléter ses séries ; ça lui coûte probablement moins cher que s’il avait compté sur sa seule chance
- l’acheteur occasionnel qui ne veut pas tomber sur 10 figurines de Krilin avant d’avoir celle de Tortue Géniale peut acheter tout de suite celle de Tortue Géniale


Dans un rayon d’un Capsule Toy Shop, à Kyoto

Finalement, tout le monde est content. Et ceux qui apprécient la seconde précise à laquelle se joue leur destin, cette seconde pendant laquelle, après avoir inséré la pièce, on tourne la poignée qui active l’éjection d’une capsule, écoutant la douce musique du mécanisme à l’intérieur du distributeur, se demandant si c’est Peach, Bowser ou Mario qui va sortir, ceux-là pourront toujours compter sur les distributeurs de gashapon, qui resteront là, fidèles au poste, dans l’adversité, bravant les éléments face à un modèle économique à la fois frère et ennemi. Dieu bénisse l’Amérique. Ah non merde c’est au Japon. Dieu bizarre avec des renards messagers bénisse le Japon.


Obtenir Link sans risquer de tomber sur 5 figurines de Ganondorf ou Tetra la pirate, ou bien ressentir la montée d’adrénaline au moment de tourner la poignée du distributeur ?

[article publié initialement sur mon blog sous le titre Disrupteurs de hasard - Gashapon ou pas gashapon ?]

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