Un avion dans l'eau : la naissance d'un héros

Publié le 16 janvier 2009 par Spies Virginie



Hier, le pilote d'un Airbus A320 s'est posé en catastrophe sur les eaux du fleuve Hudson. Depuis ce matin, il est salué en héros, à la une de tous les grands médias américains. Ce pilote de ligne, Chesley Sullenberger, a accompli un exploit en posant son appareil en détresse pratiquement sans dommage sur l'Hudson, en plein coeur de New York. Baptisé « le héros de l'Hudson » par les médias américains et âgé de 57 ans, Chesley Sullenberger est un ancien pilote de l'US Air Force, où il a piloté des avions de chasse pendant sept ans avant de piloter des avions de ligne commerciaux. Ce qui m'intéresse ici, c'est moins l'exploit en lui-même que la façon dont les médias font de ce pilote un héros.
Hier inconnu, aujourd'hui adulé, le héros des temps médiatiques modernes se doit de passer très vite de l'état d'inconnu à celui de connu. Pour être héroïque, il doit avoir vaincu une situation difficile, avoir sauvé des vies, et arriver à un moment durant lequel on a besoin de la figure de quelqu'un qui représente l'espoir de jours meilleurs. C'est tout cela que représente notre nouveau héros. Tout d'abord par sa compétence, ensuite parce que les hommes politiques eux-mêmes tels que le président George W. Bush qui s'est dit impressionné par les « compétences et l'héroïsme » de l'équipage de l'avion. Michael Bloomberg, le maire de New York a dit quant à lui,  que le pilote a été le dernier à quitter l'appareil après l'avoir inspecté deux fois pour s'assurer que tous les passagers étaient sortis... Bruce Willis n'est qu'un petit joueur, ouais. Le héros est une figure mythique, une force symbolique et imaginaire qui a toujours existé. La nouveauté désormais, c'est que le héros est susceptible de le devenir en quelques heures, ou peut-être moins. Chaque système culturel possède ses figures héroïques, mais il est vrai que les Etats-Unis "pratiquent" la figure du héros avec une grande facilité, puisque celui-ci occupe une place essentielle dans les récits de fiction, de la BD jusqu'au cinéma, en passant bien entendu par la télévision, qui met en scène peut-être plus qu'ailleurs et avec une extraordinaire rapidité, la figure d'un héros toujours à la hauteur de sa tâche. 
Ce qui fascine les médias et ce qu'ils nous disent, c'est que le héros, cela pourrait être vous. Il se passe quelque chose, et cette personne (comme vous et moi) échappe, tout d'un coup à la condition banale des hommes pour accéder à une forme de divinité. Il sauve de la tragédie, et peut ensuite devenir un guide. Nos hommes politiques se présentent de plus en plus, en période électorale, comme des héros susceptibles de nous sauver si on votait pour eux. Le héros fait rêver, et nous le fréquentons souvent dans les récits de fiction qui nous font du bien. Enfin, le héros permet l'identification dans le sens où une partie de la fascination provient du fait qu'avant d'avoir ce statut, il n'était rien ou alors pas grand chose. La télévision, par ses programmes de télé-réalité contribue à la mise en scène de cette figure mythique sortie de sa banalité : la version hivernale de Koh-Lanta s'intitule "le retour des héros". Les programmes de fiction inventent, depuis longtemps, des héros qui sauvent des vies malgré leur vie de famille compliquée et leurs amours dispersées. Et il y a, bien entendu, les héros de l'information, comme notre pilote. Il s'agit ici de personnages auxquels on va attribuer une personnalité,  interroger la famille et les amis, bref, s'intéresser à lui comme s'il s'agissait de notre voisin. Il existe déjà une cinquantaine de groupes Facebook consacrés à notre héros, et plus de 5000 membres adhèrent déjà à l'un d'entre-eux... Voilà qui en dit long sur la rapidité avec laquelle on peut devenir un héros...