Dernier mâle

Publié le 24 décembre 2008 par Diuna


On savait les incidences négatives du stress, non seulement sur le désir mais aussi sur la fertilité masculine. Dans la lancée révélatrice des méfaits des pesticides et autres poisons chimiques qui nous sont livrée au compte-gouttes, voici l’hécatombe des spermatozoïdes causée par ces produits imposés d’une façon insidieuse et quasi incontournable dans notre vie quotidienne par les maîtres du monde. Son nom : le syndrome de dysgénésie testiculaire.

Mâles en péril, la double leçon d’anti-machisme et du stérilisateur stérilisé

Une Nature qui se féminise, des hommes au bord de la crise de sperme

La Nature se féminise, le mâle Homo sapiens atteste une diminution quantitative de spermatozoïdes. Un drame pour ce dernier dont le pire de ses défauts anthropocentristes est le machisme, ou sexisme, et le but majeur féconder et se reproduire jusqu’à envahir à ses propres dépends l’entièreté de la planète et occuper indûment les niches écologiques des autres espèces. Alors, voilà qu’à cause d’un progrès aveuglément chimique, le pauvre dominateur-exterminateur n’aura bientôt plus rien dans les roubignoles.
Dans Mâles en péril,* le documentaire qu'ils ont réalisé, Sylvie Gilman et Thierry de Lestrade livrent une enquête pour le moins édifiante sur ce phénomène inquiétant, une investigation scientifique qui pose de troublantes questions, notamment à ceux sans défiance et qui ont foi dans un développement à tous crins, fondé sur une agriculture productiviste et un consumérisme fidèle et aveugle. Le chaos climatique et ses prophéties apocalyptiques, les négationnistes peuvent encore les réfuter, mais leurs testicules en étiage sauront peut-être les faire réagir. Parce que les problèmes de l’appareil reproducteur masculin semblent potentiellement aussi graves que le réchauffement climatique. On note que depuis la moitié du siècle passé la production de spermatozoïdes a diminué en moyenne de 50 % chez l’espèce humaine.
Les effets délétères aux mêmes causes sont déchiffrables au niveau de la reproduction de la faune sauvage. Et nous n’en sommes qu’aux prémices des recherches en ce domaine. L’avenir risque de nous révéler les preuves d’une nouvelle raison majeure d’extinction des espèces par stérilisation. Ce que nous supputions déjà depuis les années 1960, les hécatombes du DDT, la courageuse Rachel Carson et son livre Printemps silencieux. Dans certains cours d’eau pollués et aux alentours des estuaires où il y a accumulation de substances, les populations de poissons se féminisent. Tous les mâles porteront bientôt des talons-anguille (aiguille) !! Les résidus des épandages agricoles, les émanations des stations d’épuration et les évacuations tous azimuts de substances d’origine pharmaceutique telles celles entrant dans la composition des pilules féminines, mais aussi de produits figurant dans la composition des lessives, portent atteinte à la faune, ainsi qu’à la flore, non seulement par empoisonnement immédiat mais aussi par contamination latente. De plus en plus de malformations sexuelles et de cas de stérilité sont également observés un peu partout chez les phoques, les oiseaux, les alligators, les grenouilles… La dévirilisation est croissante au sein de la faune victime des répercussions anthropiques.
Outre la perte de virilité chez l’homme, le nombre de cancers du testicule ne cesse de croître chez les 25 à 35 ans dans nos pays occidentaux gavés de résidus médicamenteux. C’est une étude pionnière publiée en juin 2004 dans la Revue d’épidémiologie et de santé publique qui donna l’alerte : « Il y a très clairement une augmentation de l'incidence du cancer du testicule...», déclarait alors Rémy Slama, chercheur à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale. Rien qu’au Danemark, la hausse vertigineuse de ce cancer est de 400 % en soixante ans.
Les malformations congénitales de l’appareil reproducteur masculin augmentent aussi étonnement, tout particulièrement chez les nouveaux nés des agriculteurs directement soumis à quelque 100 000 molécules de synthèses baladeuses dans les sols et les airs agricoles. En France, la Bretagne est un exemple car bon nombre de garçons naissent avec un système reproducteur affecté. Dans une ambitieuse étude épidémiologique menée à l’étranger, il a été démontré que le risque de contracter des maladies neurologiques, voire certains cancers, était accru lorsque les gens avaient manipulé des pesticides. Au Nicaragua et au Costa-Rica, un pesticide utilisé outrancièrement a stérilisé des centaines d’ouvriers. Des hommes qui travaillaient dans des bananeraies aux Antilles ont aussi connu des problèmes de fertilité. En Europe, l’atrazine, longtemps utilisée dans le traitement des cultures, possède des propriétés estrogéniques qui ont pu avoir leurs effets néfastes en leur temps. L’équipe du Pr. Charles Sultan, de l'Inserm, a testé un large panel de pesticides, de fongicides et d’herbicides avec comme conclusion que l'action anti-androgénique de ces composés est capable de perturber la différenciation sexuelle masculine. Certaines substances polluantes associent des effets estrogéniques et anti-androgéniques. Les ambiguïtés sexuelles observées sont liées surtout à une action anti-androgénique s'exerçant durant de la grossesse, qui fait que le garçon est insuffisamment virilisé. Mais les effets de ces contaminants environnementaux ne s'arrêtent pas à la vie fœtale. Chez les filles, ils peuvent se manifester par des pubertés précoces, probablement liées à l'ingestion de substances à activité estrogénique, aux fameux effets « estrogen-like ».
On enregistrerait chaque année un million de spermatozoïdes en moins par millilitre. Pour définir la qualité du sperme, il existe trois principaux indices qui se mesurent à l’aide d’un spermogramme : la concentration en spermatozoïdes, leur mobilité et leur morphologie. Selon une étude publiée en 2000, la concentration de spermatozoïdes diminuerait de 3 % par an en Europe et de 1,5 % aux États-Unis. On serait ainsi passé de 100 millions de spermatozoïdes par millilitre dans les années 1950 à 50 millions en moyenne à la fin du siècle. 100 millions ou 50 millions de spermatozoïdes par millilitre, qu’importe dirons-nous, puisqu’il suffit théoriquement d’un seul spermatozoïde pour procréer et donner naissance à un futur adulte (qui aura une vie pourrie) ! Mais en pratique et en réalité, la probabilité d’avoir un enfant est déjà divisée par deux en dessous de 20 millions de spermatozoïdes par millilitre ! Outre la diminution de la qualité du sperme et l’augmentation des cas de cancers du testicule, on observe aussi l’augmentation très sensible d’autres affections de l’appareil reproducteur masculin comme la cryptorchidie (problème de migration des testicules dans les bourses) et l’hypospadias (malformation du pénis).
Les scientifiques sont persuadés que certains facteurs environnementaux sont responsables de ces pathologies et de ces malformations. Au banc des accusés, de nombreuses molécules mises sur le marché par l’industrie chimique : PCB, DDT, retardateurs de flamme, phtalates, biocides et autres composés chimiques qui agissent sur le système hormonal. La taxinomie leur a déjà désigné un nom : ce sont les perturbateurs endocriniens. Notez bien si vous en rencontrez, ou plutôt si vous ne pouvez en rencontrer pas parce qu’ils sont partout et inévitables ! Notre justice et notre police qui censément nous veulent le plus grand mal persécutent les faucheurs volontaires et autres adeptes du légitime principe de précaution. Mais comme nous n’avons pas eu la chance d’avoir des désamianteurs volontaires, nous n’avons pas davantage d’empêcheurs de perturbateurs endocriniens à mettre en prison. Alors, il faudra faire avec une féminisation du monde et appeler Monsanto comme témoin à bien d’autres mariages en la mairie de Bègles. Pardon pour la lourde plaisanterie. Merci au passage à Noël Mamère de bien vouloir s’en charger, comme il s’est chargé avec l’ami Bové d’alerter sur la menace transgénique. Le défi face au puissant lobbying chimique sera-t-il envisageable à terme, où ces gens-là, soutenus par les politiques et, on le sait maintenant, par Obama que nous souhaitions « vert » et qui ne l’est pas, finiront-ils, pour se remplir les poches, à mettre notre planète en complète déliquescence ? Rappelons qu’une
récente actualité publiée sur ce site dénonçait une baisse de fertilité de souris soumises à un régime de maïs OGM.
D’après une toute récente étude de l’Institut Marques de Barcelone, spécialisé dans les traitements contre la stérilité, près de la moitié des jeunes espagnols aurait un sperme de mauvaise qualité au regard des normes avancés par l’OMS. Un vrai drame, on l’imagine, au pays du machisme, de la testostérone et des femmes battues. L’enquête a révélé que sur les 1239 échantillons de sperme prélevés, 57,8 % présentaient une qualité séminale anormale, c'est-à-dire une sous-fécondité, avec un « malus » pour ceux provenant de régions fortement industrialisées (Catalogne, Pays Basque). Selon cet institut, la cause de cette raréfaction des spermatozoïdes pourrait remonter avant même la naissance des individus, lesquels seraient exposés à l’état embryonnaire à des perturbateurs endocriniens assimilés via le cordon ombilical. Principalement issues d’activités agro-industrielles, les substances incriminées s’accumuleraient dans les graisses, y compris dans le lait maternel, et agiraient au sein de l’organisme comme des hormones féminines.
Attention : plastiques ennemis ! L’exposition aux perturbateurs endocriniens tels que les phtalates (qui donnent la souplesse au PVC) et le bisphénol (polycarbonate utilisé dans les biberons, les lunettes, les prothèses dentaires, le revêtement intérieur des conserves alimentaires, les canalisations d’eau potable, rien que ça !) n’est pas sans conséquences. Et pire lorsque qu’ils sont brûlés. Certains plastiques sont donc sérieusement suspectés de jouer un rôle dangereux non seulement sur les systèmes hormonaux en féminisant les populations masculines, mais aussi chez les femmes enceintes et les nouveau-nés. Ils contrarient la synthèse de la testostérone et peuvent entraîner la féminisation du fœtus
Il semblerait enfin qu’une gamme de substances employées dans les produits corporels (savons, shampoings, crèmes solaires…) aient une incidence sur la stérilité des garçons. Nathalie Kosciusko-Morizet souhaite que l’exposition aux perturbateurs endocriniens suspects des personnes les plus fragiles (femmes enceintes et enfants en bas âge) soit limitée. « Pourquoi des crèmes anti-vergetures destinées aux femmes enceintes contiennent-elles encore du parabène ? », interroge t’elle. Selon l’élégante secrétaire d’état chargée de l’écologie, il convient d’éviter les lingettes et les parfums pour les bébés et d’utiliser des peintures sans solvant dans les chambres des nouveau-nés. Il est bon de rappeler ces préventions premières mais il est à souhaiter que l’écocitoyen, même smicard ou chômeur, n’ait pas attendu la stérilité des grenouilles pour se méfier de tout ce que les prédécesseurs de nos gouvernants encensaient, y compris certains éléphants tant de droite que de gauche qui avaient pour cornacs les pire multinationales et agresseurs de notre santé et de la biosphère. Voici que leurs petits-enfants ne peuvent plus faire de petits. Le stérilisateur stérilisé : ne faites pas aux autres espèces ce que vous ne voulez pas qu’on vous fasse. La Terre épuisée ne se plaindra pas de cette dénatalité forcée.
Se reproduire coûte que coûte dans ce meilleur des mondes, c’est encore possible. Le recours à la procréation assistée pourrait bien se généraliser pour compenser ces nouvelles tendances. Ainsi, si une baisse de 15 % de la fécondité ne ferait passer le nombre d’enfants par femme que de 2 à 1,92, elle s’accompagnerait parallèlement d’une hausse de plus de 70 % d’éligibilité à la procréation médicalement assistée. Et au final, plus d’un couple sur cinq pourrait se tourner vers la fécondation in vitro à l’avenir contre un peu plus d’un couple sur 10 actuellement. Si les effets ne se sont pas encore fait sentir à court terme, la fécondité française pourrait bien finir par payer le contrecoup de ces difficultés de procréation liées à nos errances sociétales, notamment en raison du coût élevé qui restreint l’accès à la fécondation assistée. Les natalistes devront faire voter le remboursement de la fécondation in vitro par la Sécurité sociale ou une quelconque aide idoine, Je n’ai pas vérifié mais chiche que c’est déjà le cas !

En savoir plus

Notes

* Mâles en péril a été diffusé sur Arte le mardi 25 novembre à 21h00. Il y a 4 extraits à visionner sur le site Internet d'Arte.
Arte qui décidemment nous gâte, nous respecte et fait œuvre de bonne conscience universelle (auparavant, c’était Pour amour de l’eau, une remarquable émission sur la raréfaction de l’or bleu et la scandaleuse mainmise des transnationales Suez et Vivendi).
source :
http://www.notre-planete.info/actualites/lireactus.php?id=1844