L’utilisation de la diversité génétique comme outil taxonomique

Publié le 22 novembre 2008 par Timothée Poisot

Une des questions primordiales qu’on se pose quand on fait de l’évolution est de savoir comment les organismes qu’on étudie ont évolué, et donc, quelle a été leur histoire. Le moyen le plus simple qu’on aie trouvé, c’est encore de reconstruire un arbre phylogénétique, qui correspond presque à une “généalogie” des espèces en question.

Seulement, pour bien l’interpréter, il faut savoir avec précision ce qu’est une espèce. Et si c’est presque simple avec les grosses bêtes, ça devient plus délicat avec, par exemple, les parasites. Pour faire simple, dès qu’on a un mode de reproduction un peu étrange, le concept d’espèce biologique ne tient plus.

Le concept d’espèce biologique, c’est dire que les individus d’une espèce sont interféconds, et donnent une descendance fertile. Seulement, quand on ne pratique pas la reproduction sexuée, cette définition est inapplicable.

Alors, on peut avoir recours à d’autres outils, et avouons le, le plus simple, c’est la morphologie. Je râle souvent après ceux qui s’amusent à décrire une espèce dès qu’ils observent un variant — ça peut être un écotype, de la plasticité phénotypique, un stade de développement, ou beaucoup d’autres choses; mais je reconnais que c’est la manière la plus simple de faire les choses.

Recent results of our group, comme je le disais récemment, nous ont permis de montrer que (chez Lamellodiscus, des petits parasites de poisson) même quand la morphologie était homogène, il était possible de mettre en évidence des différences dans la morphométrie, plus importante que ce qu’on observe quand il y a de la plasticité phénotypique (c’est-à-dire, quand des individus génétiquement “identiques” ont un aspect légèrement différent à cause de l’environnement).

Or donc, on sait que chez Lamellodiscus, la morphologie ne tient pas vraiment pour donner des informations sur la systématique. Du coup, comme on suspecte, pour d’autres raisons, que la diversification de ce genre est rapide, il faut se tourner vers la biologie moléculaire.

C’est ce que nous avons fait, et nous avons obtenu une nouvelle phylogénie moléculaire, qui quoique cohérente avec l’ancienne, révèle quelques nouvelles surprises : des espèces clairement poly/paraphylétiques (dont tous les individus ne sont pas des “voisins directs” issus du même ancêtre, où partagent un ancêtre avec d’autres espèces), et surtout pas de cohérence entre la morphologie et les données moléculaires.

Du coup, il faut reprendre la classification de ce groupe, et déterminer ce qui est une espèce. Pour nous aider, je suis allé me promener sur des bases de données de séquences, j’ai récupéré des centaines de séquences de monogènes, que j’ai aligné avec ClustalW (qui a tourné pendant trois jours parce que les alignements n’étaient pas triviaux…), et écrit un script PERL qui permettait de calculer la distance base par base entre chaque paire de séquences (cette partie la est allée un peu plus vite, comprenez une petite heure).

Avec ces informations, on avait de quoi obtenir une valeur moyenne de diversité génétique à différents niveaux taxonomiques chez les monogènes (le groupe auquel appartient Lamellodiscus). Dans notre phylogénie, il nous “suffisait” de dégager des cladesDes groupes d’individus apparentés qui aient des distances moyennes comparables à celles d’espèces, et nous avions une meilleure idée de la systématique de Lamellodiscus!

Nous sommes en train d’écrire le papier (et on est en plein dans la partie frustrante : le papier est écrit, maintenant on le corrige et les paragraphes se déplacent, presque mus par une volonté propre — celle des auteurs senior…). Mais pour me changer un peu les idées, je vais aller présenter ces résultats à Salzburg, dans un atelier sur les approches moléculaires de la diversité génétique dans les populations sauvages et d’élevage, organisé par l’European Science Foundation. Si vous voulez voir la tête du poster, vous pouvez le télécharger à la fin de ce billet. Bonne lecture!

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