Le voyage en Allemagne

Publié le 27 janvier 2009 par Bab

   Il y a quelque temps Alain Marie a publié photo et commentaires sur le Fresquel … cela m’a ramené à la fin avril 1972 où nous avons été affrétés, le Paraza, l’Iris et le Provence pour charger de la «mate» des mines de Salsigne pour Avignon ; nous avons chargé au petit port de Fresquel (101m) entre les deux écluses à la goulotte de chargement que l’on voit bien sur la photo d’Alain Marie.
  Lorsque nous sommes arrivés à Avignon où l’on devait transborder le chargement des trois bateaux sur un « canadien »,  le Rhône était à l’étiage ; tous les barrages actuels n’existaient pas encore, le dernier était Vallabrègue et donc le Malherbe ne pouvait pas prendre toute la marchandise, le tirant d’eau étant réduit en cette période de sécheresse. Après négociation il fut donc décidé que l’on transborderait la moitié des 3 bateaux seulement sur le Malherbe et que l’on porterait le reste jusqu’à Lyon ; initialement il était prévu que le Malherbe serait vidé à Lyon sur deux Freycinet qui eux continueraient jusqu’en Allemagne à Duisbourg ; il nous fut donc proposé de reprendre à Lyon, chacun notre marchandise et de continuer le voyage jusqu’à Duisbourg ! Le bout du monde pour nous qui n’étions jamais sortis de nos canaux du Midi ! Une fois allégés, nous sommes partis tous les trois en remorque du Malherbe car sur le Rhône non encore « canalisé » nos petits DK6 manquaient de quelques chevaux !  surtout le Provence avec ses formes au carré !
   Deux jours et demi après nous étions à Lyon et l’on rechargeait notre marchandise, non sans avoir auparavant fait découper les renforts en demi rond du Paraza car ceux ci amenaient sa largeur à 5m10 pour une largeur utile de 5.05m ! 
 Le rhône "sauvage" à  l'Ardoise - Les 3 bateaux en remorque du "Malherbe"


  
 Arrivée à Lyon - La mulatière
   Puis nous avons acheté une carte de navigation de la Saône et nous voilà partis tous les trois ; c’était en mai, on arrivait aux beaux jours et on ne pouvait qu’apprécier la découverte de ses voies d’eau inconnues
   Nous avons donc emprunté la Saône de Lyon à Corre ; sur ce secteur il y avait 4 écluses de 39.50m sur 15 m et les éclusiers ont vu pour la première fois 3 bateaux entrer dans ces écluses, le Provence avec ses 4.20 m permettait la manœuvre !
 Comme des sardines !
   Ensuite nous avons emprunté le Canal de l’Est, branche Sud de Corre à l’embouchure du canal de Nancy.
 Puis ce fut la Moselle de Thionville à Coblence 
    Arrivés à Coblence il nous fallait descendre le Rhin jusqu’à Duisbourg ; bien sûr, avec pilote et les patrons de gros bateaux qui nous voyaient à quai interrogeaient « Vous voulez faire le Rhin demain ? » et au vu de notre réponse positive ils ajoutaient « avec çà ?! » pointant du doigt nos bateaux qui paraissaient bien petit en bas de ces grands quais ! On finit par trouver 3 pilotes pour le lendemain matin 5h. La journée fut longue et difficile car la règle du drapeau bleu dont on avait à peine entendu parler dans le Midi était la règle en vigueur sur le Rhin et on a passé une bonne partie de la journée un panneau bleu à la main que l’on levait à droite ou à gauche de la cabine selon la demande du pilote ! Et pour nous le Rhin, c’était l’autoroute, avec sa circulation intense entrainant des accidents !
 Accident sur le Rhin entre "L'Alsacia" et le "Climax"

   Enfin Duisbourg ! et déchargement le lendemain puis l’attente d’un réaffrètement car il n’était pas question de repartir à vide d’aussi loin ; mais la chasse à l’affrètement n’était pas simple car il nous fallait trouver un chargement pour les 3 bateaux ce qui faisait un tonnage « bâtard » ; l’attente dura 15 jours au cours desquels les hommes se démenèrent pour trouver un courtier (en ne parlant pas du tout allemand) ; ils finirent même par revenir un jour en fourgon de la police car ils roulaient en mobylette sur l’autoroute pour aller voir un affrêteur – bien sûr ils ne s’étaient pas rendu compte qu’ils étaient sur l’autoroute !  On en a profité pour visiter la ville (sans jamais payer le bus car on a jamais compris comment il fallait faire !
   Enfin on eu un affrêtement de charbon pour Lyon pour les 3 bateaux, bien contents de repartir
   Pour le retour on finit de descendre le Rhin (il n’était pas question de le remonter !) jusqu’à Nimègue, puis le canal Juliana, Liège et enfin Givet . Arrivés à Givet il fallait faire les formalités de douanes. Nouveau problème : seul le Paraza était en règle avec les «papiers» du bateau à jour ; pour le Provence on n’avait rien qui justifiait de la propriété du bateau :il faut dire qu’à cette époque on se vendait les bateaux entre mariniers payables en travaillant, en écrivant 3 phrases sur un papier timbré ! et quand le bateau était payé on ne pensait même pas à régulariser l’extrait de droit réel ! Quant à l’Iris il avait l’habitude dans le Midi de naviguer avec l’eau sur le plat-bord ! Un peu tonturé et petit porteur, chargé au maximum il avait l’eau au milieu sur le plat bord… mais ce qui était « normal » dans le Midi ne l’était pas à Givet et les autorités locales voulaient le faire vider. Finalement attendris par notre bonne foi et conscients de la difficulté de notre situation ils finirent par nous dire «Allez , partez, et surtout ne revenez pas dans ces conditions ! ».
 "L'Iris" sur le Rhin
   Fin du voyage sans incident : Charleville, Berry au Bac, St Germain…. Et des écluses et des tunnels, et de beaux sites inconnus , puis St Jean de Losne, Mâcon, et enfin Lyon ; déchargement à Lyon, descente du Rhône dans la journée suivante, puis chargement de phosphate au Pontet pour Toulouse… enfin notre bon vieux canal !
   Ce n’était pas la première fois que des bateaux du Midi partaient vers d’autres contrées et voies d’eau et ce ne fut pas non plus la dernière bien que globalement il n’y en ait pas eu beaucoup !
   Mais pour nous ce fut une nouvelle et belle expérience qui ne nous a laissé que de bons souvenirs.