Colère ou inquiétude ?

Publié le 28 janvier 2009 par Nicolas007bis



« Colère ou inquiétude? Lequel de ces deux sentiments l’emporte, aujourd’hui, au sein de la population confrontée à l’une des plus graves crises économiques de l’histoire? »

Sur le dernier billet de son blog, Jean-Michel Apathie pose cette question très pertinente.

Il continue en distinguant bien le sentiment d’inquiétude associé à un certain fatalisme, « Chacun fait ce qu’il peut, le pouvoir notamment, mais la mécanique forte qui dérègle tout parait plus forte que les hommes. », de la colère, qui, elle, suppose un « jugement négatif sur l’action et les réponses apportées à la crise ». « La colère est un message, principalement adressé aux gouvernants: vous pourriez faire autre chose, vous pourriez faire différemment, vous pourriez faire mieux. » !

Alors colère ou inquiétude ?

Répondre à cette question doit notamment permettre d’évaluer la nature du message que le mouvement « social » de demain est censé porter.

En effet, ces 2 sentiments appellent des réactions différentes. L’inquiétude, dans la situation dans laquelle nous sommes, apparait comme un sentiment presque évident. Ne pas être inquiet, c’est être, soit un super-égoïste, soit inconscient. L’inquiétude suppose une prise de conscience de la gravité de la situation et de la difficulté qu’il y a à y faire face !

Etre inquiet n’empêche évidemment pas d’être en colère mais de 2 choses l’une, soit cette colère est justifiée par la manière dont le gouvernement réagit face à la crise, ce qui suppose que l’on est persuadé que d’autres options plus efficaces existent soit elle s’explique par d’autres éléments non directement liés à la crise mais dans ce cas, la manifester de cette manière et en ce moment, est signe que répondre à la crise n’est pas une priorité et en conséquence que l’inquiétude provoquée par celle-ci n’est pas si forte que ça, qu’elle devrait l’être.

Or si on regarde les mots d’ordres qui ont présidés à l’appel à la grève, que constate-t-on ?

Tout d’abord, des revendications clairement catégorielles :

A la RATP, l'Unsa a décidé du dépôt d'un préavis de grève de 24 heures pour dénoncer notamment la "dégradation du dialogue social et des conditions de travail".

« La direction n'a pas répondu à nos inquiétudes », a ajouté Bruno Duchemin de la Fgaac (conducteurs autonomes).

Coté SNCF, Bernard Guidou, secrétaire fédéral de la CGT a indiqué « Nous nous opposons à la restructuration de l'entreprise, aux suppressions d'emplois et réclamons l'ouverture de négociations salariales ».

Pour l’Education Nationale, le SNUipp (Syndicat National Unitaire des Instituteurs Professeurs des écoles et PEGC ) a présenté au les principales revendications des enseignants des écoles : le rétablissement des 3 000 postes budgétaires RASED en matière d’emploi et des 3 000 postes au concours, le développement de la maternelle, une véritable formation professionnelle des enseignants et une revalorisation du métier d’enseignant, le respect de la professionnalité des enseignants des écoles …

A La poste, tous les syndicats appellent à la grève contre la future transformation de l'entreprise en société anonyme.

Certes, on trouve également des revendications en apparence plus directement liées à la Crise notamment dans la Déclaration commune des organisations syndicales.

Mais à la lecture des points évoqués, il apparait que la Crise est surtout utilisée comme un prétexte pour resservir exactement les mêmes éternels messages, je cite :

• Donner la priorité au maintien des emplois dans un contexte de crise économique
• Politiques salariales : améliorer le pouvoir d’achat, réduire les inégalités
• Orienter la relance économique vers l’emploi et le pouvoir d’achat
• Préserver et améliorer les garanties collectives
• Réglementer la sphère financière internationale

En clair, on a l’impression que cette journée fait complètement abstraction de la crise mondiale et que tout le monde continue comme avant, avec les mêmes slogans et les mêmes revendications, à défendre son beefsteak.

Sans nier que le mouvement de demain marque un réel mécontentement d’une partie non négligeable de la population, et sans même juger le bien fondé ou non de ce mécontentement, il me semble que l’ampleur de la mobilisation et le moment choisis pour manifester, sont une manière pour beaucoup d’utiliser le prétexte de la crise pour obtenir du Gouvernement ce qu’ils n’ont pu obtenir autrement.

C’est également une manière de faire porter sur le dos de ce même gouvernement la responsabilité des effets présents et à venir de la crise, puisque celui-ci se sera entêté à suivre sa politique malgré les avertissements du peuple !

Cette attitude, signifie que beaucoup en France n’ont pas pris la mesure de la gravité de la crise et pire encore qu’ils utilisent les circonstances pour essayer d’imposer leurs revendications et d’imputer au gouvernement une situation dont quoi qu’ils en disent, il ne peut pas être tenu pour responsable !

A la question de départ, je répondrai: beaucoup trop de colère et pas assez d'inquiétude pour permettre à la France d'affronter la crise efficacement. Comme il y a de saines colères et de mauvaises inquiétudes, il y a de mauvaises colères et de saines inquiétudes !.

Et pour ceux qui penseraient que j’exagère délibérément la gravité de la situation dans laquelle se trouve l’économie mondiale, et ses conséquences, afin de discréditer les grèves et manifestations de demain, je me contenterais de reprendre le lot des informations de ce jour.

Ainsi, pour la seule journée d’aujourd’hui mercredi 28 janvier 2009, on apprend, en vrac, que :

• Les analystes tablent sur un recul du PIB américain de 5,4 % en rythme annuel pour les trois mois allant d'octobre à décembre, après une amorce de contraction de 0,5 % au troisième trimestre ce qui constituerait sa plus forte contraction depuis vingt-sept ans.
• STMicro a annoncé une réduction nette d'environ 4 500 postes à travers le monde en 2009. Par ailleurs, les sites de production "devraient tourner à environ 50 % de leur capacité" au premier trimestre. STMicro, qui compte 45 000 salariés dans le monde, dont environ 10 000 en France, a déjà pris des mesures de chômage partiel dans plusieurs sites.
• Après la quasi-faillite de l’Islande, on évoque celle de la Grande-Bretagne !
• Le BIT (Bureau International du Travail) vient de publier son « rapport sur l’emploi en 2009 » dans lequel il nous dit ceci :

  • En s’appuyant sur les prévisions du FMI de novembre 2008, le taux de chômage mondial passerait de 5,7 % en 2007 à 6,1 % en 2009, ce qui se traduirait par une hausse du nombre de chômeurs de 18 millions par rapport à 2007.
  • Si la conjoncture économique se détériore au-delà de ce qui avait été envisagé en novembre 2008, le taux de chômage mondial pourrait grimper à 6,5 %, correspondant à une hausse du nombre de chômeurs dans le monde de 30 millions comparé à 2007.
  • Dans le scénario actuellement le plus sombre, le taux de chômage mondial pourrait atteindre 7,1 % et entraîner plus de 50 millions de chômeurs supplémentaires dans le monde.
  • Le nombre de travailleurs pauvres – les personnes qui ne gagnent pas de quoi se hisser eux et leurs familles au-dessus du seuil de 2 $ par personne et par jour pourrait atteindre 1,4 milliard, soit près de 45 % de la population active mondiale ayant un emploi.
  • En 2009, la proportion de travailleurs en situation d’emploi vulnérable – travaillant soit à leur propre compte, soit comme travailleurs familiaux non rémunérés, avec un risque plus élevé de se retrouver sans protection en période de difficultés économiques – augmenterait considérablement pour atteindre près de 53 % de la population active ayant un emploi.

Et ce type de nouvelles, il en arrive tous les jours depuis 1 mois et il en arrivera d’autres, on peut en être certains !

Alors exagération ?...je ne crois pas !