Le faux bilan d'Hortefeux sur le service minimum !

Publié le 30 janvier 2009 par Olive
Source Libération.fr Le faux bilan d'Hortefeux sur le service minimum

Quel est le vrai bilan de la loi sur le service minimum à la SNCF? Un an après son entrée en vigueur (au 1er janvier 2008), le texte, promesse de campagne de Nicolas Sarkozy, a été critiqué pour ses insuffisances lors de la grève de Saint-Lazare. Le nouveau ministre des affaires sociales, Brice Hortefeux, tout en promettant du bout des lèvres des ajustements à la loi, tente depuis une semaine de nuancer les critiques. Le 19 janvier, sur Europe 1, il expliquait, chiffres à l'appui, que le volet préventif de la loi avait été un succès à la SNCF. «La loi a été utile. Dans 75% des cas, les préavis de grève qui ont été déposés n'ont pas entraîné de perturbations majeures ».

Le nouveau ministre a ensuite répété son propos à l'Assemblée nationale le 21 janvier, ajoutant même : «Regardez les chiffres de 2008 : à la SNCF le nombre de préavis et de jours de grève a été le plus faible depuis 1995 » (lire le compte rendu des débats). Nadine Morano, dimanche dernier, a ensuite répété, lors de l'émission Dimanche+ sur Canal Plus, les mêmes chiffres ... qui méritent d'être complétés.

LES FAITS

Le vrai bilan de la loi sur la continuité du service public est plus mitigé que le dit le ministre. Les chiffres qu'il avance ne veulent pas dire grand chose: la notion de «perturbations majeures» est fortement subjective, et il conviendrait de comparer les chiffres qu'il cite pour 2008 avec les années précédentes pour déduire une quelconque «utilité» de la loi. Brice Hortefeux, s'il avait voulu faire un bilan de la loi, avait sous la main des chiffres plus précis et plus parlants... quoique moins flatteurs. Les chiffres de la SNCF, auxquels Libération à eu accès révèlent ainsi qu'il y a eu un plus grand nombre de grèves en 2008 qu'en 2007.


En apparence, le dispositif mis en place par la loi pour améliorer le dialogue social (tout préavis doit être précédé d'une demande de concertation immédiate qui ouvre une période de discussion obligatoire) a fonctionné : 2531 demandes de concertations ont ainsi été enregistrées en 2008. Le nombre de préavis de grève a baissé (passant de 703 en 2007 à 593 en 2008), ce qui ne peut être mis au seul actif de la loi: le nombre de préavis baisse régulièrement depuis une dizaine d'années.


La «mauvaise» surprise, c'est que les préavis ont été davantage suivis par des conflits qu'en 2007. Ainsi, 75% des préavis se sont transformés en grèves contre moins de 60% en 2007. Le résultat, qui peut apparaître cocasse pour une première année d'application de la loi, est qu'il y a eu plus de grèves (443) en 2008 qu'en 2007 (417)... Une poussée que la SNCF attribue à une « forte conflictualité lors du passage au service d'hiver de 2008».

Regardons désormais le nombre de jours de grèves par agents, dont Brice Hortefeux a affirmé devant les députés qu'il était le plus bas depuis 1995. En 2008, la SNCF a connu 0,78 jour de grève par agent. C'est nettement moins qu'en 2007 (2,63), mais cette comparaison n'est pas parlante: l'automne 2007 avait été marqué par la très forte mobilisation cheminote contre la réforme des régimes spéciaux de retraite. Si l'on met en parenthèse cette année exceptionnelle, on s'aperçoit que les chiffres de 2008 ne traduisent pas de baisse de la conflictualité par rapport aux années précédentes: ils sont conformes à 2006 (0,79), et supérieurs à 2004 (0,55%), 2000 (0,48) et surtout 2002 (0,21). Hortefeux est donc dans l'intox quand il affirme que 2008 a été l'année la moins conflictuelle depuis 1995.


Ce constat se dessinait déjà dans le rapport d'évaluation de l'application de la loi. Ce rapport, qui a été remis au gouvernement en décembre dernier, porte sur la première partie de l'année. Mais il permettait déjà de mesurer l'efficacité relative de la loi sur le dialogue sociale de l'entreprise. Sans surprise, ce rapport n'a pas fait, jusqu'à présent, l'objet d'une grande publicité de la part du gouvernement.