A quoi sert l’ANAEM dans les centres de rétention? par Sichem LISCIA

Publié le 02 février 2009 par Combatsdh

Depuis plusieurs mois, la mission d’assistance à l’exercice effectif des droits en rétention administrative et son marché public ont fait couler beaucoup d’encre, y compris sur ce blog. En revanche, la mission dans les centres de rétention de l’Agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations (ANAEM), qui se transformera prochainement en Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) reste peu connue - à tel point que cette mission ne figure même pas sur le site de l’ANAEM et qu’à l’audience ayant mené à l’annulation du marché de la rétention le 30 octobre 2008 le ministère de l’Immigration semblait l’ignorer lorsqu’il tentait de justifier la faiblesse du niveau d’exigence juridique dans les critères de pondération par la nécessité pour la personne morale d’assurer également un soutien moral et psychologique des retenus (voir ce billet).

Cette mission de l’ANAEM figure pourtant dans le Code des étrangers (article R.553-13 du CESEDA) :

« Les étrangers placés ou maintenus dans un centre de rétention administrative bénéficient d’actions d’accueil, d’information, de soutien moral et psychologique et d’aide pour préparer les conditions matérielles de leur départ, qui portent notamment sur la récupération des bagages des personnes retenues, la réalisation de formalités administratives, l’achat de produits de vie courante et, le cas échéant, les liens avec le pays d’origine, notamment la famille. Pour la conduite de ces actions, l’Etat a recours à l’Agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations. Une convention détermine les conditions d’affectation et d’intervention des agents de cet établissement public. ».

Mais quelle est la réalité de cette mission?

Sichem LISCIA est philosophe et militant de la cause des étrangers.

Selon le dernier rapport d’activité disponible (2005-2006),  la mission de l’A.N.A.E.M. se définit notamment :

“- par des actions d’accueil et d’information, de soutien psychologique et moral;

- des aides en vue de surmonter les difficultés matérielles que les retenus pourraient rencontrer durant leur rétention (achats pour leur compte et sur leur demande, collecte de vêtements distribués par des organisations caritatives);

- et une aide en vue de l’organisation matérielle de leur départ (récupération de bagages, de sommes d’argent ou fermeture de comptes bancaires).

En 2006 l’A.N.A.E.M. est présente dans 20 CRA : Les Abymes (Guadeloupe) Bordeaux (33) , Bobigny (93), Coquelles (62), Lesquins (59), Lyon- Saint Exupéry (69), Marseille (13), Mesnil- Amelot (77), Nantes (44), Nice (06) , Oissel (76), Paris et Vincennes (75), Palaiseau (91), Plaisir (78), Rivesaltes(66), Sète (34), Toulouse(31).

Une part importante de l’activité des 45 médiateurs sociaux est constituée des démarches effectuées pour le compte des retenus : on relève essentiellement des achats de biens de consommation courante non disponibles dans les CRA ( cartes téléphoniques, cigarettes, journaux, produits de toilette..), du change d’argent et des démarches en vue de la récupération des bagages”.

 Pour effectuer cette mission, l’ANAEM disposait  d’une subvention de l’Etat qui était  comprise dans l’action d’assistance sanitaire et sociale dans les CRA. Selon les documents budgétaires préparatoires de la loi de finances 2009, elle serait incluse dans le budget de l’ANAEM dont la subvention a fortement baissé (15 M€).

Un bilan très insatisfaisant

Faute d’informations récente en provenance de l’agence - qui n’a pas publié de rapport d’activité en 2007 - seul le  rapport 2008 de la Cimade sur les centres de rétention permet d’avoir une idée sur cette intervention.

Si dans ce rapport, la Cimade met en avant la bonne volonté des agents de l’ANAEM, elle pointe également les dysfonctionnements de l’intervention. Malgré la création de nouveaux centres de rétention, le nombre d’intervenants a diminué puisque le rapport recense 40 agents de l’ANAEM qui ne sont pas tous à temps plein. Ainsi, pour un centre de rétention de 79 places comme Coquelles avec plus de 2 300 personnes qui y ont séjourné, seuls deux agents de l’ANAEM sont présents.

Les conditions de travail y sont particulièrement difficiles puisque certains bureaux ne possèdent pas de fenêtre, donc aucune lumière naturelle. Il leur est quasi impossible de faire des entretiens en toute confidentialité et d’apporter un soutien aux personnes retenues, ce qui est leur mission principale.

Les achats à l’extérieur se limitent aux cigarettes, aux chocolats et aux cartes téléphoniques (une est offerte en début de rétention). En ce qui concerne  la récupération des bagages, elle se limite aux seuls agglomérations proches du centre alors que les personnes peuvent provenir d’autres régions (notamment pour les CRA de Lyon ou de Nîmes).

Enfin, la récupérations des sommes sur les comptes en banque ou auprès des employeurs, l’ANAEM prétexte parfois de l’absence de contrat de travail régulier ou limite les retraits d’argents à un montant de 80 à 150€ maximum. Les personnes qui ont travaillé en France repartent donc sans bagages et sans l’argent qu’ils ont gagné en France.

C’est donc très loin d’être satisfaisant mais il ne semble pas que l’ANAEM ou l’Etat ne s’en préoccupent puisque les crédits budgétaires ont été diminués de 3 millions d’euros en 2009 (de 8 à 5 M€).

Pourquoi?

Parce qu’ils n’ont pas été complètement… dépensés (comme l’indique le rapport pour avis du député Ph. Cochet).

 

Vers une  (re)fusion des missions ?

Si l’ANAEM se désintéresse de cette mission, pourrait-on aller vers une réforme et l’ouverture d’un nouveau marché public? Pour ce faire, il faudrait modifier la réglementation puisque le rôle de l’ANAEM est inscrite dans le CESEDA.

Il faudrait aussi et surtout rechercher des remplaçants.

Mais qui?

La Croix Rouge Française -qui n’a pas souhaité répondre à l’appel d’offre sur la mission d’exercice effectif des droits - pourrait se porter candidate, compte tenu de son expérience dans la zone d’attente de Roissy (Zapi 3) depuis 2004.

On peut aussi également penser que seraient intéressées des structures comme l’ASSFAM - qui avec la disparition de l’Acsé cherche à diversifier ses actions - ou l‘Ordre de Malte, dont la vocation première est l’assistance humanitaire et sociale mais aussi France Terre d’Asile et Forum Réfugiés qui effectuent également un accompagnement social dans les centres d’accueil des demandeurs d’asile qu’elles gèrent.

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v. sur le marché de la rétention

  • B. GORCE, Ces associations qui veulent prendre en charge les centres de rétention, La Croix, 25 janvier 2009.