Commencer par écrire le plan de son futur roman, est-ce un bon plan ?

Par Georgesf
J'ai commencé à écrire mon nouveau roman. Puis j’ai arrêté : c’était trop facile. J’ai alors écrit le plan détaillé de ce futur roman, ce qui est beaucoup plus ardu. Et je recommence à écrire : ah, c’est plus facile ! Et cette facilité est maintenant saine. Mais…
Je viens de la nouvelle, où la préparation d’un plan serait dérisoire : une nouvelle, c’est une succession de trois ou quatre étapes, que l’on rejoint par des chemins qu’on improvise, selon le besoin de vitesse. Dans la nouvelle, le changement de rythme a une importance majeure : il faut savoir ralentir, ou même se perdre en digressions à condition qu’elles soient belles à lire, et qu’elle permettent de créer un climat ou de dessiner un personnage, puis accélérer en une ou deux ellipses, sans se soucier de leur brutalité. C’est ce qui crée les rebonds. J’évite autant que possible les nouvelles au rythme constant, elles ont une allure et un parfum de diesel.
En roman, c’est le contraire. Les relances brutales perturbent la lecture. Et les digressions de plusieurs pages perdent vite le lecteur. Mais le rythme doit pourtant être constamment relancé. La préparation d’un plan permet-elle de mieux maîtriser cette contrainte ? Oui et non. Cela dépend de la façon dont il est construit.
Dans mon premier roman, « Le Vertige des auteurs », je n’avais pas fait de vrai plan : il tenait en douze lignes qui n’étaient même pas des phrases, simplement des étapes d’un long enlisement. Chaque étape, je la concevais presque comme une nouvelle. Avec du recul, j’ai eu tort : un vrai plan m’aurait alerté sur le risque d’enlisement pour décrire l'enlisement, dans un chapitre, au milieu du roman. Et encore, j’ai eu de la chance : dans une première version, ce chapitre durait trois chapitres. Si j’avais laissé les trois chapitres, j’aurais peut-être eu trois jolies petites nouvelles. Mais le roman se serait carrément embourbé. En revanche, j’ai coupé, vers la fin, un chapitre que je regrette toujours (il tenait en cinq mots dans le plan).
Dans le second roman, « Le film va faire un malheur », l’intrigue était bien plus complexe : j’ai donc écrit un vrai plan détaillé de deux pages, en phrases-flashes, pour mieux voir où j’allais. C’est très pratique un plan, ça vous donne une sorte de G.P.S. quand vous écrivez. Mais il faut savoir quitter l’itinéraire trop balisé quand une vicinale vous tente. Je me suis plusieurs fois écarté du plan : notamment pour donner plus d’importance à Clara (et je crois avoir bien fait, si j’en crois les réactions des lecteurs), ou pour déployer les pseudo-échanges sur la littérature, et c’était une bonne idée. Mais je l’ai quitté aussi pour raccourcir le voyage en Afrique et je continue à me demander si j’ai eu raison : certains lecteurs en sont frustrés. Mais il y a des moments où il ne faut pas tout raconter, il faut laisser le lecteur continuer seul une certaine écriture mentale.
En gros, un plan c’est une très bonne chose car ça permet de ne pas le suivre : on peut s’en éloigner en toute sécurité si un bonheur d’écriture se présente. On sait qu’on pourra toujours y revenir si on se perd. Je dirais même que c’est une très bonne chose à condition de ne pas le suivre : les petites routes de traverse sont souvent les meilleurs passages d’un roman.
Dans ce nouveau roman, l’intrigue est encore bien plus complexe. J’ai donc écrit une très longue note, plus proche du synopsis que du plan. Avec des vraies phrases. En tout, plus de 40.000 signes. C’est long : quasiment trois nouvelles. J’ai écrit cette note comme si je racontais vraiment toute l’histoire à un ami, avec ses détails parfois anecdotiques, ses effets de conteur, presque avec ses intonations. En l’écrivant, j’ai corrigé le plan, car des déséquilibres apparaissaient , des fadeurs d’écriture paraissaient à craindre dans certains passages. Maintenant, tout y est. Mais…
Je l’ai relue plusieurs fois et une étrange sensation me vient parfois : elle est très bien, cette histoire. Á quoi bon écrire ce roman ?