La levée de l'excommunication, l'unité et la prière

Publié le 05 février 2009 par Hermas

Peut-être n'avez-vous pas entendu parler de la levée d'excommunication des évêques d'Ecône ? alors c'est que vous avez le privilège d'habiter une région bienheureuse où ne pénètrent pas les informations obsessionnelles.

Il faut en parler, pourtant.

Toujours, ici, nous avons déploré l'attentisme d'une partie notable de la hiérarchie, spécialement en France, et pire encore, sa résignation contre nature à ce que l'état de fait créé par les sacres de 1988 et, plus généralement, la séparation des traditionalistes, demeurent ce qu'ils sont. Une résignation qui, d'ailleurs, n'épargne parfois même pas ceux d'entre ces derniers qui se sont rattachés sans équivoque à Rome. Nous avons dénoncé ce scandale de Pasteurs indifférents au sort des brebis qui ont quitté le troupeau, ou qui sont jugées n'en avoir pas l'esprit, malgré les injonctions évangéliques si claires et si pressantes du Pasteur, « le bon » (εγω ειμι ο ποιμην ο καλος).

Le Pape a fait un pas, puis deux, cherchant à entraîner ses frères dans l'épiscopat. On sait le succès rencontré par le premier, à propos de la libéralisation de la forme extraordinaire du rite latin, qui a soulevé tant de levées de boucliers, et si peu de générosité, au prétexte absurde que le sort du Concile en serait menacé. Le second, relatif aux excommunications, n'a pas fait moins polémiquer.

Nous nous confions, quant à nous, à la sagesse du Pape. S'il ne fait pas ces pas, qui les fera ? Il est quand même pour le moins paradoxal de considérer que la main tendue vers les juifs, les protestants et les orthodoxes constitue une indispensable priorité pastorale et de mépriser, au-dedans, des catholiques qui se disent attachés à la foi de l'Eglise. Paradoxal, choquant, absurde et antiévangélique. Il est étrange, tout de même, que l'annonce de la levée des excommunications, intervenue pendant la Semaine de l'unité des chrétiens, ait soulevé tant d'indignations...

Il faut que cette union se fasse. Parce que la division est en soi un scandale, une pierre d'achoppement, un motif d'incrédibilité ad extra ; et parce que la situation du monde, comme celle de l'Eglise même, en nos contrées, avec son cruel manque de prêtres, réclame le concours de toutes les énergies. N'est-ce donc pas, in fine, le salut même des âmes qui est en cause ?

Ce n'est pas dire, évidemment, que la tâche soit simple. Parce que l'interlocuteur est absolument convaincu de son droit, et du tort de l'autre partie. Parce qu'il s'est enraciné, depuis des décennies, dans un volontarisme farouche qui a obscurci ses capacités de rechercher sans a priori la vérité. Parce qu'il s'est construit une idée fausse du Magistère et de la Tradition, à mesure qu'il avait à défendre et à justifier son existence et ses positions. Parce qu'il s'est accoutumé à biaiser, à tenir un double langage entre les affirmations de fidélité au Pape et le refus patent de son autorité. Parce qu'il geint sur son isolement et qu'il rejette constamment les mains tendues. Et encore n'est-ce là que l'aspect visible de cette résistance, pour qui connaît un peu les dérives pratiques et pastorales parfois désastreuses du cléricalisme forcené qui s'attache souvent à ces positions.

Nombreux sont ceux qui ont souligné que la levée de l'excommunication était une chose, l'union autre chose. C'est vrai. Il est triste néanmoins de constater que cette distinction, exacte sur le principe, sert visiblement de réconfort à certains de ceux qui l'opèrent. Elle signifie pour eux l'assurance, rassurante, que l'union n'aura jamais lieu. De communion, au fond, beaucoup ne veulent pas. Le fossé leur paraît trop profond, culturellement, entre ce qu'ils sont et ce que sont les traditionalistes - et il l'est, en effet, à bien des égards. A la superbe des uns répond la superbe des autres, qui se croient eux aussi sans tache et sans reproche, comme si la désacralisation ambiante, le relativisme, la perte du sens liturgique, du sens du péché, de l'affirmation vraie, du oui et du non, et la tolérance irresponsable de l'erreur destructrice de la foi leur étaient étrangers.

Ces situations donnent le vertige, car on se prend à désespérer de jamais trouver en ces affaires des hommes droits, sans arrière-pensées, animés du seul zèle de la charité, de l'unité de la foi et du seul et unique souci de suivre les pas du Christ. Ils existent pourtant sans doute. Ils ne peuvent pas ne pas exister. Notre espérance est que la bienveillance pastorale du Successeur de Pierre les encouragera à se manifester avec courage et persévérance, de part et d'autres, en particulier chez les fidèles, qui sont moins prisonniers des idéologies que leurs clercs.

Le Pape a demandé aux fidèles de prier pour lui, pour que l'Esprit-Saint le guide en cette voie si difficile de la réconciliation, malgré tant d'obstacles. Nous sommes si assurés que c'est là une voie ouverte par le Christ lui-même que nous voyons dans cet appel à la prière une obligation stricte à laquelle aucun fidèle de bonne volonté ne peut raisonnablement se dérober. Prions donc, prions en famille, faisons prier nos enfants. Car ils sont par excellence ceux dont la prière sera la plus pure en cette affaire.