Dans l'œil du cyclone

Par Thibault Malfoy

Lu sur le site de LivresHebdo :
"Ubisoft, l’un des plus importants éditeurs de jeux vidéos, a profité du Edinburgh Interactive Festival pour annoncer son entrée dans le secteur du livre."
Ou comment le livre est annoncé à devenir un support parmi tant d'autres - film, jeu vidéo... - dans l'exploitation d'une licence. La logique infernale du merchandising sévit déjà depuis au moins une quinzaine d'années en librairie, où l'on peut contempler les livres d'exploitation de l'univers d'un jeu vidéo, d'une série télé, d'un film - Lucas avait ouvert la voie en proposant des produits dérivés à l'infini de sa célèbre saga Star Wars.
Le prétexte d'une telle déferlante : contenter le besoin compulsif du fan à vivre dans les limites banalisées d'un monde qu'il a fait sien. En ce qui concerne le projet d'Ubisoft, on nous parle d'accentuer le "sentiment d'immersion" mais il s'agit de celui du jeu vidéo, pas de celui du livre, considéré seulement comme vecteur d'informations pour enrichir l'univers vidéoludique. Et en cela il cesse d'être une création indépendante pour s'insérer dans la chaîne infinie des produits dérivés.
Il y a plein d'arguments à faire valoir pour défendre de tels "univers étendus", le principal étant celui du "perpétuel enrichissement", à savoir un univers non pas figé par la fixité d'un livre ou de tout autre support, mais ouvert à toutes les inspirations prêtes à l'enrichir (dans le domaine libre, cela donnerait un wiki) et à démultiplier le fameux "sentiment d'immersion", critère clé pour juger de la qualité d'un jeu vidéo, mais que l'on peut étendre à tout support de divertissement.
Dans les faits, on démultiplie surtout la pauvreté artistique initiale, pour aboutir finalement à un ersatz d'encyclopédie d'univers fictif, tellement immersif dans sa tentative totalitaire de produire un simulacre de réalité au fan.
Ou comment basculer de l'immersion dans l'évasion.