Les seigneurs de la guerre

Par Rob Gordon
Le très faible pourcentage de films asiatiques sortant en France pourrait laisser penser que le continent ne produit grosso modo que des polars sanglants et des wu xia pian (épopées historiques enrichies en arts martiaux). Confirmant cette tendance, les deux "grosses" sorties asiatiques de ce début d'année sont le nouveau John Woo (Les trois royaumes, à venir le 25 mars) et ces Seigneurs de la guerre. Réalisé par le touche-à-tout Peter Ho Sun-Chan (Perhaps love), c'est l'énième récit de l'aventure héroïque de trois guerriers que tout oppose, mais que l'adversité et la misère vont réunir. C'est rengaine ? Complètement. Et ce n'est pas une imposante armada de scénaristes (huit !) qui suffira à donner à l'ensemble un minimum d'originalité.
La bonne idée (surprenante de la part d'un Peter Chan qui n'a rien d'un foudre de guerre), c'est d'avoir tiré de ce récit non pas un énième machin clinquant façon Zhang Yimou dernière période, mais un film sombre, assumant son image granuleuse et son refus du glamour. Problème : quand on n'est pas un génie, on n'est pas un génie. Chan dépeint la situation critique de ses héros comme Claude Berri le faisait dans Germinal, c'est-à-dire avec un misérabilisme lourdissime, zoomant sur la crasse qui stagne sous les ongles des personnages. Cela provoque au choix l'ennui ou les ricanements nerveux, mais les spectateurs asiatiques s'y sont visiblement retrouvés puisque le film est, comme l'indique l'affiche, le plus gros succès de tous les temps en Asie.
Il y a tout de même un souffle épique là-dedans, parfaitement incarné par deux comédiens hors pair : un Andy Lau toujours aussi classe et un Takeshi Kaneshiro encore trop méconnu qui qui prend de l'ampleur à chaque apparition. Ce n'est pas le cas d'un Jet Li proprement consternant, qui livre une prestation à la Joey Tribbiani, fronçant les sourcils pour montrer sa contrariété puis regardant dans le vide pour faire comprendre à quel point il est pensif. À l'image de l'acteur, Les seigneurs de la guerre fleure l'amateurisme, et ce malgré son budget confortable et ses milliers de figurants. John Woo devrait faire mieux sans aucun problème.
4/10