Agents de sécurité : caractère discriminatoire d’un refus d’embauche fondé sur la nationalité (Cass, crim, 2 janv. 2009, ARES France) par S. PREUSS-LAUSSINOTTE

Publié le 08 février 2009 par Combatsdh

La Cour de cassation a confirmé l’arrêt de la Cour d’appel retenant la discrimination pour refus d’embauche fondé sur la nationalité (articles 225-1 et 225-2, 3°, du code pénal ) à l’encontre d’une Société de surveillance privée ayant “publié une offre d’emploi d’agents de sécurité, demandant aux candidats de fournir, notamment, une carte d’électeur ; qu’un ressortissant béninois a pris l’attache de l’entreprise et reçu l’indication que son dossier serait rejeté s’il ne possédait pas la nationalité française

Cass. crim, 20 janvier 2009, N° de pourvoi: 08-83710, Sté privée surveillance ARES France 

Lettre Droits-libertés par Sylvia PREUSS-LAUSSINOTTE

Dans ses attendus la chambre criminelle retient:

Attendu que, pour déclarer les prévenus coupables des faits poursuivis, non pas sur le fondement de l’article 225-2, 3°, du code pénal, visé à la prévention, mais par référence au 5° de ce même texte, qui réprime le fait de subordonner une offre d’emploi à une condition fondée, notamment, sur la nationalité, les juges, après avoir soumis cette requalification à la discussion contradictoire des parties, retiennent que les intéressé ont procédé à la diffusion d’une offre d’emploi pour laquelle était exigée la présentation de la carte d’électeur du candidat, alors que le droit de vote n’est accordé qu’aux nationaux et, dans une certaine mesure, aux ressortissants de l’Union européenne et qu’ainsi ladite offre était subordonnée à une condition de nationalité, constitutive d’une discrimination prohibée ; qu’ils ajoutent que Philippe X… a manifesté la conscience qu’il avait du caractère discriminatoire du critère de nationalité ;

Attendu qu’en l’état de ces motifs, la cour d’appel, sans excéder les limites de sa saisine, a caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu’intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable

Cass. crim, 20 janvier 2009, N° de pourvoi: 08-83710, Sté privée surveillance ARES France 

Compléments:

  • A noter que la HALDE avait rendu dans une autre affaire une recommandation sur le caractère discriminatoire de la condiiton de nationalité des personnels de surveillance dans les casinos (Délib. Halde no 2007-48, 5 mars 2007).

Comme la recommandation a disparu du site de la Halde (encore une!), rappelons que :

la HALDE s’était saisie d’office, le 27 septembre 2006, d’une offre d’emploi émanant d’un casino pour un poste d’agent de sécurité posant comme condition explicite la possession de la nationalité d’un État de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen.

Le recruteur justifiait cette exigence dans la mesure où elle résulte des termes de l’article 3 de la loi no 77-584 du 9 juin 1977 pour toute personne employée à un titre quelconque dans les salles de jeux. Or, l’annonce visait un emploi d’agent de sécurité pour assurer la surveillance « de l’entrée et des abords d’une salle de jeux ».

S’appuyant sur l’interprétation donnée par la direction des libertés publiques et des affaires juridiques du ministère de l’intérieur, qui considère que le terme de « salles de jeux » doit être entendu de manière restrictive, la Halde avait estimé que le personnel «n’exerçant pas habituellement dans l’enceinte même des salles de jeux » ne saurait être soumis à la condition de nationalité mais aux dispositions de la loi du 13 juillet 1983 relative à la réglementation des activités privées de sécurité, qui ne pose pas une telle condition.

Le collège de la Halde décide donc de rappeler au directeur du casino les termes des articles 225-1 et 225-2 du code pénal qui interdisent de subordonner une offre d’emploi à un critère discriminatoire tel que l’appartenance à une nation.

  • On peut aussi signaler la décision de la CJCE, 13 déc. 2007, aff. C-465/05, Commission c/ Italie.