Notes sur la poésie : Paul de Roux

Par Florence Trocmé

Si je n’écris pas, je me défais. Je me fais d’autant plus en écrivant que j’écris contre le désert, l’impuissance, l’ennui, le dégoût : une horde de bêtes hideuses dont le mufle est plat, le plus banal, le plus terne, le plus impalpable qui soit : cette même puissance qui alourdit et ferme mes paupières, fait dodeliner ma tête — jette sur moi l’envie de dormir comme un filet.

Paul de Roux, Au jour le jour, Carnets 1974-1979, Le temps qu’il fait, 1986, p. 26.

Je relis des poèmes d’Henri Thomas à l’âcreté magnifique. Ici le mot poésie dérape. (Poème est déjà mieux.)

C’est la poésie qui vous tient par la main, le temps d’un poème. Le poète n’existe pas. Car il n’a aucun pouvoir sur la poésie. (Un sabotier mérite d’être appelé sabotier en ce qu’il a le pouvoir de faire des sabots quand il décide de se mettre à son établi.)

Paul de Roux, Au jour le jour, 3, Carnets 1985-1989, Le temps qu’il fait, 2002, p. 141, 142

On écrit toujours accoté à la mort. On ne le sait pas. On a l’impression que l’on ne pourrait pas écrire accoté à la mort, mais on n’a jamais écrit qu’accoté à la mort. Sans le savoir. Mais le sachant peut-être obscurément ?

Paul de Roux, Au jour le jour, 4, Carnets 1989-2000, Le temps qu’il fait, 2005, p. 17

Contribution de Tristan Hordé