Vélib’ : 100.000, 2 millions, 4 millions, ou quand la communication pédale dans le ridicule

Publié le 22 août 2007 par Jean-Paul Chapon

Pour faire suite à la note précédente, un élément du communiqué commun, Decaux/Mairie de Paris, vient étayer l’hypothèse avancée sur l’utilisation de Vélib’ comme loisir, notamment en concurrence/complément de Paris-Plages cet été. « L’utilisation des Vélib’ se fait à 83 % par des formules 1 ou 7 jours et 17 % par des abonnements annuels » peut-on lire dans le communiqué. Ces derniers, au nombre de 53.000 donnent une première idée de tendance sur l’utilisation régulière de Vélib’ comme moyen de déplacement plutôt que de loisir. En revanche, les 83% semblent plutôt correspondre à une utilisation de loisir, y compris par des touristes. Il faut d’ailleurs noter que le record à ce jour - 97.000 utilisations dans une journée - a eu lieu un samedi (le 4 août) et non pas un jour de semaine.

Mais on peut lire aussi que « les vélos en libre service parcourent chaque jour des trajets de 22 minutes en moyenne, et plus de 100.000 kms (près de 3 fois le tour de la terre). Depuis le 15 juillet, les Vélib’ ont réalisé près de 4 millions de kilomètres (100 fois le tour de la terre). » La belle affaire. 100.000 km par jour pour 10.000 Vélib cela ne fait guère que 10km par jour par vélo, et sachant qu’ils sont empruntés en moyenne 5 à 7 fois par jour, cela fait des parcours individuels moyens de 1,5 à 2 kms… Ce qui correspond d’ailleurs aux 4 millions de kilomètres parcourus lors de 2 millions d’utilisations. Et si la durée moyenne est de 22 minutes, cela veut dire soit que les Vélib sont lents, soit qu’ils sont utilisés avec une pause dans le parcours, et pas seulement comme moyen pour aller d’un point A à un point B.

Une fois de plus, que la mairie de Paris et Decaux arrêtent avec les chiffres chocs destinés à épater le chaland (et le journaliste), chiffres dont l’utilisation est à la limite de la malhonnêteté intellectuelle. A croire que faute d’arguments raisonnables et défendables, le service de presse de la ville et les équipes de Denis Baupin, en sont réduits à se rabattre sur le sensationnel, l’énorme, le poids des mots, faute du choc des photos, au risque de desservir un projet somme toute intéressant en le faisant passer pour ce qu’il n’est pas. N’y a-t-il donc aucune analyse à tirer de ce premier mois d’utilisation de Vélib’, aucun message intelligent et constructif à passer, si ce n’est ces ridicules parallèles ? On pourrait par exemple analyser comment et pourquoi Vélib’ commence à trouver sa place dans l’offre de loisirs à Paris, comment il participe à une perception différente de la ville par ses habitants ou ses visiteurs, ou comment il a été accueilli par tel ou tel type de clientèle, et qui est cette clientèle. Après tout, elle est plus facile à connaître que la fréquentation de Paris-Plages, s’agit-il de passes Navigo, de parisiens, de visiteurs français ou étrangers, dans quelle proportion ? Mais non, on nous sert une mauvaise soupe à l’épate, au clinquant et finalement au nul. La Communication quand elle tombe à un tel niveau finit par se retourner contre la politique qu’elle prétend soutenir.

J’éviterai donc aujourd’hui de calculer le nombre de tours de la Terre, d’équivalents de distance de la Terre à la Lune et pourquoi pas de la Terre au Soleil pendant qu’on y est réalisés par les utilisateurs du métro et du RER pour éviter de tomber dans le même ridicule. En revanche, il faudra surveiller l’augmentation du nombre d’abonnements longue durée pour comprendre quelle sera la véritable utilisation de Vélib’.