La Jeanne de Jean-Michel Olivier

Par Ephemerveille

Les années passant, Jean-Michel Olivier, qui a toujours manifesté le désir d’écrire sur elle, a d’autant plus compris à quel point Notre Dame du Fort-Barreau avait joué un rôle capital dans sa vie. Il livre donc le récit de sa rencontre avec cette Jeanne quelque peu atypique, celui aussi de leur cohabitation dans l’immeuble dont elle est propriétaire, à Genève, quartier des Grottes, ainsi qu’une chronique pertinente des années de son séjour au Fort-Barreau.

Par le truchement d’une certaine Théa, personnage énigmatique dont le plus grand des désirs est celui d’être mère, l’auteur, jeune professeur qui, lui, souhaite faire paraître son oeuvre naissante, fait la connaissance de Jeanne Stöckli-Besançon, propriétaire de cinquante logements au centre de la cité de Calvin. Elle lui propose d’occuper un de ses appartements, pour un loyer qu’elle se souciera moins de collecter que les récits d’écrivain de son nouveau locataire. Des liens d’amitié se tissent.

Les années se suivent, et, dans leur spirale, des anecdotes cocasses sont contées, ou vécues, au 31 de la rue du Fort-Barreau...

« Venez voir les étoiles... », lance la vieille Jeanne. Sur les toits glissants de la vétuste bâtisse, elle invite le jeune écrivain à partager ses rêveries de femme que la douce folie du temps emporte, petit à petit.

Jean-Michel Olivier voyage, l’Histoire est en marche, mais il est toujours question pour l’auteur de revenir à son appartement genevois et, donc, à cette femme discrètement omniprésente, et à l’énigmatique silence qui survient parfois, quoique rarement, durant plusieurs semaines. Tous les jours, Jeanne partage avec les occupants de ses deux immeubles quelques instants de causerie sur les paliers, ou un café-crème au Café des Nations.

Et c’est au plus proche des gens que Jeanne se perdra. Humiliée – cette scène du livre est poignante – dans une boulangerie du quartier, sous les yeux du narrateur, resté silencieux, impuissant, la vieille dame se terre chez elle jusqu’à son dernier souffle, ne répondant jamais plus à ceux pour qui elle fut plus qu’une propriétaire, plus qu’une voisine, une amie fidèle.

Très attristé par la disparition de la Dame du Fort-Barreau, Jean-Michel Olivier, qui s’apprête à sombrer dans le remords, découvre, alors qu’il visite la première fois l’appartement de Jeanne – sans elle – l’intégralité des critiques parues à propos de ses livres. Il a alors la certitude que, même à travers la mort, un fort lien restera intact, qu’il fortifie par ce beau livre, comme un hommage.

« Ces mots que j'ai perdus, ces rudiments d'histoire que j'ai voulou voir disparaître à jamais, année après année, sans en parler à personne, et surtout pas à moi, vous les avez sauvés du feu. C'était votre secret, Jeanne. Vous l'avez emporté dans la cendre. »