Le tabagisme

Publié le 15 février 2009 par Marieclaude

Le tabagisme est une toxicomanie résultant de l'accoutumance ou assuétude au tabac contenu dans les cigarettes, les cigares, le tabac à pipe et à chiquer. La nicotine contenue dans le tabac constitue le principal agent de cette accoutumance (il y en a d'autres, mais d'importance nettement moindre). Certains auteurs disent que la nicotine est, de toutes les drogues licites et illicites, celle qui entraîne la plus forte accoutumance.

Les dangers du tabagisme sont liés aux composantes du tabac ainsi qu'aux substances cancérigènes qui se développent dans le tabac en combustion (plus de 4 000 éléments chimiques différents ont été identifiés dans la fumée de tabac). Parce qu'elle passe directement des poumons au cerveau, la fumée de cigarette y achemine plus rapidement (en moins de dix secondes) les matières toxiques que ne le ferait une injection intraveineuse.

Mécanismes de l'accoutumance

Le phénomène d'accoutumance à la nicotine se produit dans la chimie du cerveau. Dès que la nicotine y arrive, elle stimule la production de dopamine, ce neurotransmetteur qui joue un rôle clé dans la perception neurologique du plaisir. Si l'on calcule que chaque cigarette permet environ dix bouffées, une personne qui fume 30 cigarettes par jour envoie, quotidiennement, 300 appels de dopamine à son cerveau. Chaque fois que la dopamine est relâchée, les capteurs (de dopamine) sont mis en état d'alerte; graduellement, leur sensibilité s'émousse et ils n'arrivent plus à se satisfaire du niveau normal de dopamine : ils sont « en manque ». Le déséquilibre neurologique lié à cette « provocation » continuelle des récepteurs de dopamine fait que la toxicomanie devient rapidement un problème chronique.

Agissent aussi sur la dépendance des facteurs émotifs et comportementaux : l'effet de stimulation ou de relaxation que provoque la nicotine, le plaisir du geste, l'association avec des moments agréables (le premier café, le repas avec des amis, etc.).

Niveaux de dépendance

La quantité de cigarettes quotidiennes n'est pas un bon indicateur du degré de tabagisme : chez deux personnes qui fument le même nombre de cigarettes, l'une peut inhaler jusqu'à 20 fois plus de nicotine que l'autre, selon le volume des bouffées et la profondeur de l'inhalation.

La dépendance à la nicotine connaîtrait plusieurs niveaux : faible, moyenne, forte, très forte. On peut la mesurer grâce à certains questionnaires (voir la section Sites spécialisés).

Les services de santé peuvent également mesurer le degré d'intoxication physiologique en vérifiant deux choses :
- la teneur en monoxyde de carbone (CO) de l'air expiré, mesuré en ppm (partie par million), tout de suite après que la personne a fumé une cigarette; ce test fonctionne selon le même principe que l'alcootest ;
- la dose de cotinine, c'est-à-dire d'un produit du métabolisme de la nicotine dans l'organisme, contenue dans l'urine d'un fumeur.

Le but de l'évaluation de la dépendance est de déterminer le mode de traitement de sevrage ainsi que la dose du produit de substitution, s'il y a lieu, et sa durée d'utilisation.

Maladies causées ou aggravées par l'exposition à la fumée du tabac

Le tabagisme est un facteur de risque important pour près de quatre-vingts maladies. En voici quelques-unes :

- Cancers de la bouche (langue, gencives, plancher de la bouche) et de la gorge : jusqu'à six fois plus de risques que la population non fumeuse.
- Cancer du poumon : d'après une large étude de cohorte parue en janvier 2004, fumer des cigarettes dites « légères » ou « ultralégères » plutôt que des « médium » ne réduit pas le risque de cancer du poumon, contrairement à ce qu'on pourrait croire29.
- Cancer de la vessie : des déchets toxiques cancérigènes sont en partie évacués dans l'urine, augmentant le risque de cancer de la vessie.
- Maladies cardiovasculaires (artériosclérose, dégradation du muscle cardiaque, accident vasculaire cérébral) : les fumeurs courent 70 % plus de risques de mourir d'une maladie coronarienne que les non-fumeurs.
- Bronchite chronique (pouvant entraîner une défaillance pulmonaire ou cardiaque) et emphysème.
- Dysfonction érectile : deux fois plus de risques chez les fumeurs que les non-fumeurs.
- Problèmes prénatals et postnatals : fausse couche, complications de la grossesse, déficit de croissance foetale, syndrome de mort subite du nourrisson, susceptibilité aux infections, difficultés d'apprentissage.
- Vieillissement de la peau : les fumeurs ont un visage plus ridé que les non-fumeurs.
- Problèmes de santé liés à la fumée secondaire : les deux tiers de la fumée émanant d'une cigarette ne sont pas inhalés par le fumeur, mais sont libérés dans l'environnement immédiat et contaminent l'air des gens qui s'y trouvent; la fumée secondaire contient deux fois plus de nicotine et de goudron et cinq fois plus de monoxyde de carbone que la fumée que le fumeur inhale.

Note. Peu de temps après avoir arrêté de fumer, le risque de maladies diminue considérablement. Par exemple, le risque d'avoir une crise cardiaque diminue de moitié un an après avoir cessé de fumer. Après cinq ans d'abstinence, le risque devient presque équivalent à celui d'une personne qui n'a jamais fumé. L'atteinte aux poumons est toutefois irréversible, bien que l'essoufflement et la toux diminuent avec l'arrêt du tabagisme.

Symptômes

Lorsque les fumeurs cessent de consommer de la nicotine, certains effets secondaires dus au sevrage apparaissent. Ces symptômes sont au plus fort après quelques jours de sevrage, mais peuvent subsister plusieurs semaines et même quelques mois :
- l'irritabilité;
- un état de manque;
- un déficit d'attention;
- des problèmes de sommeil;
- un accroissement de l'appétit.
Selon l'agence américaine National Institute on Drug Abuse (NIDA), moins de 5 % des personnes qui tentent d'arrêter de fumer par elles-mêmes (sans soutien psychologique ni pharmacologique) réussissent à tenir jusqu'à un an2.

Personnes à risque

La dépendance à la nicotine ne semble pas s'exercer dans la discrimination : toutes les personnes qui fument y sont susceptibles. La dépendance s'acquiert souvent durant l'adolescence et peut survenir quelques jours ou quelques semaines après la première cigarette fumée. Au moment du sevrage, par contre, deux groupes de personnes devraient agir avec circonspection : les femmes et les personnes dépressives.

  • Les femmes. Les recherches semblent indiquer que la forme de dépendance varie légèrement selon le sexe2 :
    - les femmes ont moins tendance que les hommes à mettre volontairement un terme à leur habitude de fumer;
    - les femmes ont un taux de rechute plus élevé que les hommes lorsqu'elles cessent de fumer;
    - les femmes seraient davantage dépendantes de facteurs psychocomportementaux que physiologiques;
    - les effets secondaires du sevrage (dont la prise de poids) seraient plus forts chez les femmes que les hommes, et leur rendraient le processus plus difficile.
    À la lumière de ces données, l'agence américaine National Institute on Drug Abuse (NIDA) recommande aux femmes de s'assurer que le programme de sevrage qu'elles choisissent pour arrêter de fumer corresponde bien à leurs besoins.
  • Les personnes dépressives. Celles-ci souffrent déjà d'un déséquilibre neurologique dans le cerveau. Dans leur cas, toute l'approche pour mettre fin au tabagisme doit être étudiée attentivement avec un médecin.

Prévention

Plusieurs campagnes de prévention du tabagisme sont orchestrées chaque année par les instances gouvernementales. Par différents moyens et médias, ces campagnes socio-éducatives visent à inciter les fumeurs à arrêter, à stimuler les ex-fumeurs à ne pas recommencer, à dissuader les non-fumeurs de fumer (surtout les adolescents), et à inciter les non-fumeurs à faire respecter leur désir de ne pas être exposés à la fumée secondaire.

Le meilleur moyen pour ne pas devenir dépendant de la nicotine est évidemment de ne pas commencer à fumer. C'est pourquoi de nombreux efforts se concentrent sur les jeunes, l'adolescence étant une période durant laquelle la majorité des fumeurs grillent leur première cigarette et développent leurs habitudes tabagiques.

Certains laboratoires sont à développer des vaccins dont le rôle serait de réduire la sensibilité du cerveau à la nicotine. Cependant, encore plusieurs années s'écouleront avant que ces vaccins ne soient mis sur le marché.

Pour prévenir la rechute chez les fumeurs en processus de sevrage et résister à l'envie de fumer, voici quelques suggestions du Collège des médecins de famille du Canada19 :
- mâcher de la gomme sans sucre;
- repenser à notre liste d'éléments qui nous motivent à arrêter de fumer;
- boire un verre d'eau;
- prendre des respirations profondes;
- contacter un ami.

Remarques générales sur les traitements

Tous les experts s'accordent pour dire que le premier facteur d'un sevrage doit être la motivation. Sans elle, aucune réussite n'est possible.

Cela dit, il existe autant de sevrages tabagiques que de fumeurs. En effet, fumer est un comportement déterminé par de multiples facteurs propres à chaque individu comme la personnalité, l'équilibre psychologique, la situation sociale ou l'environnement. En conséquence, la « prise en charge de l'arrêt du tabac » ne peut être que personnalisée, adaptée à chaque fumeur, et modifiable en fonction de son évolution et de ses réactions1.

Selon le National Center for Chronic Disease Prevention and Health Promotion, les cinq clés pour arrêter de fumer sont les suivantes  :

1. Bien se préparer mentalement et exclure de son environnement immédiat toute cigarette.
2. Trouver du soutien. Plus le programme de soutien est important, meilleures sont les chances de réussir.
3. Développer de nouvelles habitudes quotidiennes pour remplacer celles liées à la cigarette.
4. Obtenir la médication requise et l'utiliser adéquatement.
5. Être préparé pour les moments difficiles et les rechutes.

Traitements médicaux

Compte tenu des deux composantes de l'accoutumance (psychocomportementale et physiologique), les experts des organismes de lutte contre le tabagisme conviennent généralement qu'il faut agir simultanément sur deux fronts :

- rééquilibrer la chimie du cerveau en amenant graduellement les récepteurs de dopamine à se satisfaire d'une production normale.
- défaire les mécanismes comportementaux (plus ou moins conscients) par lesquels la cigarette est devenue indissociable du quotidien.

Des recherches à grande échelle ont démontré que les traitements qui combinent un produit pharmacologique avec l'approche comportementale obtiennent - auprès des individus motivés - des résultats positifs deux fois plus élevés que les traitements où le produit est un placebo2.

Pour rééquilibrer la chimie du cerveau

Il existe deux catégories de produits pharmaceutiques pour rééquilibrer la chimie du cerveau en période de sevrage : les produits de substitution nicotinique et les médicaments qui influent sur l'humeur.

Les produits de substitution nicotinique
Ces produits ont pour rôle de libérer une certaine quantité de nicotine dans l'organisme, ce qui permet d'atténuer considérablement les symptômes du syndrome de sevrage, même chez des fumeurs fortement nicotinodépendants. Bien qu'ils contiennent le « poison » qui est à la base du tabagisme, les succédanés de tabac sont beaucoup moins dommageables pour l'organisme (ils sont notamment dépourvus des éléments cancérigènes générés par la combustion), et présentent peu de risques d'accoutumance.
Ces produits semblent tous avoir une efficacité comparable, mais pour différentes raisons, chacun d'entre eux ne convient pas nécessairement à toutes les personnes en sevrage. Le vaporisateur nasal et l'inhalateur ont été développés plus récemment. Voici quelques remarques spécifiques.

- Timbre transdermique. Comme il libère de la nicotine progressivement, sur une période de 16 à 24 heures, le timbre présente l'avantage d'offrir un apport de nicotine régulier et mesurable. L'apport régulier est utile pour normaliser la production de dopamine, tandis que l'aspect mesurable permet d'adapter la dose aux besoins spécifiques de l'ex-fumeur.
- Gomme à mâcher. Avec ce produit, l'ex-fumeur peut décider à quel moment il ingérera de la nicotine, ce qui lui permet d'agir immédiatement sur ses états de manque. Plusieurs personnes sont toutefois incommodées par le goût de la gomme ou n'aiment pas mâcher.
- Vaporisateur nasal. La nicotine passe à travers les membranes nasales, entre dans le système veineux, circule jusqu'au coeur, puis vers le cerveau. Elle arrive au cerveau plus rapidement avec le vaporisateur nasal qu'avec le timbre ou la gomme. L'inconvénient du vaporisateur est qu'il n'est pas aussi pratique à utiliser qu'une gomme ou un timbre.
- Inhalateur. L'inhalateur est conçu comme une cigarette et agit par les mêmes voies. La personne aspire la nicotine dans un tube. Ce produit est intéressant pour les gens qui ont du mal à se défaire de l'habitude de l'action de fumer, en portant la main à leur bouche. Un désavantage est que l'inhalateur doit être utilisé fréquemment pour procurer une dose suffisante de nicotine. Il peut aussi causer de l'irritation dans la bouche et la gorge.

Les experts croient que, pour être efficace, le taux de substitution (la quantité de nicotine transmise par le succédané de cigarette) doit être d'au moins 60 % de ce qu'il était dans l'organisme au moment où la personne fumait. On peut faire cette vérification en comparant le taux de cotinine dans l'urine pendant le traitement avec celui d'avant. Selon un chercheur, le taux de succès du sevrage, au moins à court terme, est beaucoup plus important lorsque la compensation est proche de 100 % que lorsqu'elle est inférieure.

Note. Bien que la substitution nicotinique puisse être utilisée pendant plusieurs mois, les produits comportent tout de même des risques de surdosage, ce qui peut entraîner des maux de tête, des palpitations, des tremblements, etc.

Les médicaments qui influent sur l'humeur
- Bupropion (Zyban). Au milieu des années 1990, le corps médical a franchi une nouvelle étape dans le traitement du tabagisme lorsque le premier médicament sans nicotine a fait son apparition sur le marché : le bupropion (famille des antidépresseurs), commercialisé sous la marque Zyban, qui agit sur les capteurs de dopamine. C'était également le premier produit qui pouvait se prendre sous forme de comprimé. Au moment de rédiger cette fiche, le bupropion était toujours le seul médicament sans nicotine à être utilisé lors d'un traitement de première ligne. Il y a des contre-indications à l'utilisation du bupropion ainsi que des effets secondaires potentiels. Une ordonnance médicale est nécessaire.

- Autres. D'autres médicaments ont démontré une certaine efficacité dans le sevrage, mais de manière moindre que le bupropion; ils engendrent aussi des effets secondaires plus sérieux. Pour ces raisons, on ne les prescrit que lorsque le bupropion ne s'est pas avéré utile. Ce sont : la clonidine (un antihypertenseur), la buspirone (un anxiolytique ou « tranquillisant », si des symptômes d'anxiété sont présents) ainsi que la nortriptyline et la moclobémide (deux antidépresseurs).

Pour défaire les mécanismes comportementaux

Counseling et soutien personnalisé
Les divers programmes mis sur pied par des cliniques ou des organismes communautaires proposent surtout des approches psychologiques de type cognitivocomportemental, où l'accent est mis sur la modification des liens que l'individu a avec la cigarette. Bien qu'il soit difficile d'évaluer scientifiquement l'efficacité de ces approches, la plupart des organismes officiels de lutte contre le tabagisme affirment que les programmes de renoncement qui intègrent le counseling sont plus efficaces. Une recherche ouverte de l'Université de Kingston (Jamaïque) auprès de deux groupes (substituts nicotiniques et substituts nicotiniques combinés au counseling) suggère que non seulement le taux de succès est plus élevé, mais que les personnes engagées dans le processus en retirent plus de satisfaction5.

L'élément important est l'interaction proactive suivie, que le counseling se fasse dans le cadre de rencontres individuelles avec un thérapeute, de sessions de groupe ou par le biais de services téléphoniques spécialisés. D'après la United States Library of Medecine, il existe une corrélation élevée entre l'intensité du counseling et le succès du renoncement à la cigarette, l'intensité se calculant par le nombre de séances et la durée de chaque séance.

On peut également dire que, dans une moindre mesure, le soutien moral et psychologique d'un proche peut jouer le rôle de counseling. Lors du dernier programme québécois annuel, le défi « J'arrête, j'y gagne! » (ne pas fumer pendant six semaines et gagner de somptueux cadeaux, 25 000 participants), les vainqueurs ont avoué qu'ils n'auraient pu y arriver sans l'aide de leur marraine ou parrain. Les données d'un programme similaire mis sur pied aux États-Unis, « Quit & Win », révèlent que le fait de pouvoir compter sur un parrain ou une marraine accroît grandement les chances des participants de réussir6.

Par ailleurs, des études récentes indiquent que l'ajout d'activités physiques quotidiennes (même de courte durée) au programme de counseling réduirait le désir de fumer en agissant sur les composantes psychologiques de la dépendance.

Bonne journée,

Marie claude

ref: Passeport.sante