Les diablogues

Par Liliba

Roland DUBILLARD

Vous connaissez tous le jeu du ping-pong. L'un des partenaires envoie la balle, que l'autre doit rattraper au vol, recentrer sur la table et renvoyer. C'est la même chose qui se passe sur scène dans ce spectacle original, ou les mots remplacent la balle et volent de l'un à l'autre. L'affrontement verbal de ces deux compères, par petits sketches (à l'origine radiophoniques), fait rebondir les mots. La phrase, de logique, devient absurde, le sens en est tourné, détourné par la répétition, par une logique rigoureuse mais implacable qui fait dire le contraire de ce que l'on vient d'énoncer. C'est d'une finesse remarquable et il faut tout le talent de François Morel et Jacques Gamblin pour tenir le rythme de ce match effréné de la parole contre la parole.

Cet exercice littéraire comique d'un duo de clowns fragiles fait rêver, sourire et rire, souvent. J'ai beaucoup aimé ce spectacle qui redonne au mot son importance, autant que sa fragilité : le mot est peu de chose s'il est lancé sans que l'interlocuteur soit "branché sur la même longueur d'ondes" et un dialogue tout à fait anodin peut devenir complètement farfelu, un vrai dialogue de sourds si les deux personnes restent chacune campées dans leur idée sans chercher à savoir ni à comprendre ce que l'autre veut exprimer, et si leurs grilles de compréhension restent différentes. Quiproquos, non sens, échanges verbaux foldingues se succèdent dans une mécanique d'une redoutable précision. C'est drôle, poétique, tendre, surréaliste et terriblement réjouissant. Ne les ratez pas !

Spectacle vu, comme toujours, au Colysée de Roubaix.