Sarkozy : son saupoudrage social plante le budget

Publié le 19 février 2009 par Juan
Mercredi 18 février, Nicolas Sarkozy a annoncé une batterie de nouvelles mesures pour quelques 2,6 milliards d'euros de dépenses supplémentaires pour le budget de l'Etat. Et comme il ne veut pas annuler, ni suspendre son "pâté" fiscal de l'été 2007, l'addition commence à être salée. Encore faut-il y voir clair !
L'Europe inquiète pour la France
"Les nouvelles mesures sociales annoncées mercredi par le président Nicolas Sarkozy vont creuser un peu plus le déficit public français en 2009, au moment où Bruxelles a lancé contre la France une procédure pour déficits excessifs" commentait l'AFP mercredi soir. Effectivement, la France dépasse toutes les frontières budgétaires définies par le pacte de stabilité européen. Peut-on encore parler de stabilité dans la crise actuelle ? Nicolas Sarkozy se réjouissait le 5 février dernier des quelques 1,4 milliards d'euros d'intérêts bancaires que l'Etat percevrait des prêts accordés aux banques. Il avait déjà menti par omission, puisque l'Etat doit emprunter, pour un coût d'environ 700 millions d'euros annuels, ce qu'il re-prête ensuite aux banques. Mais voici que le Chef de l'Etat a dû casser sa tire-lire pour calmer l'impatience sociale du pays :
La Commission européenne s'attend à un déficit public pour la France de 5,4% en 2009 et de 5% en 2010. Eric Woerth préfère parler d'un dérapage "d'au moins 4,4% du PIB". Pourtant l'Europe a enclenché mercredi une procédure pour déficits excessifs contre la France, mais aussi l'Espagne, la Grèce, l'Irlande, la Lettonie et Malte. Pour un pays qui sort d'une présidence européenne comme la Sarkofrance, ça fait désordre, non ? Il paraît, d'après Nicolas Sarkozy, que "la crise est pire ailleurs"...
Le saupoudrage social de Nicolas Sarkozy
Nicolas Sarkozy a annoncé  une somme de mesures mercredi soir, pour un coût chiffré à 2,6 milliards d'euros annuels. Il faut lire précisemment le dossier de presse opportunément mis en ligne par l'Elysée une soixantaine de minutes après l'intervention télévisée, pour comprendre que certaines mesures ne sont que des effets d'annonces :
1. Le fonds d'investissement social doté de 2,5 à 3 milliards d'euros, créé "pour coordonner les efforts en matière d'emploi et de formation professionnelle" ne coutera "que" 800 millions d'euros supplémentaires à l'Etat. En effet, la moitié du fonds doit être financé par les organisations syndicales; sur la part restant à l'Etat, l'essentiel était déjà prévu dans "le volet emploi du plan de relance" (500 M€),"le fonds d'expérimentation pour la jeunesse" (150 M€) ou des "crédits du fonds social européen" (pour 80 M€).
2. La prime, exceptionnelle, de 500 euros aux salariés qui deviennent demandeurs d'emploi à compter du 1er avril prochain et n'ont travaillé que deux à quatre mois sur les 28 derniers mois, couterait 117 millions d'euros pour 234 000 bénéficiaires estimés.
3. La suppression exceptionnelle des deux derniers tiers provisionnels de l'impôt sur les revenus 2008 pour les plus de 4 millions de foyers fiscaux de la première tranche d'imposition couterait 800 millions d'euros. S'ajouteront des crédits d'impôts pour 2 millions de foyers se situant juste au-dessus de cette prmeière trancher, pour un coût complémentaire de 300 millions d'euros.
4. L'été prochain, quelques 450 millions d'euros seront dépensés pour la prime supplémentaire de 150 euros pour les 3 millions de familles bénéficiant de l'allocation de rentrée scolaire.
5. L'attribution de bons d'achat de services à la personne (200 euros par foyer) coutera au moins 260 millions d'euros pour les 660.000 ménages touchant l'allocation personnalisée d'autonomie à domicile, les 470.000 familles bénéficiaires du complément mode de garde, et les 140.000 foyers ayant un enfant handicapé. S'ajouteront les demandeurs d'emplois qui retrouvent du travail et "ont besoin de faire garder leur enfant."
Au total, l'addition de ces mesures s'élève à 800+117+800+300+450+260 = 2 727 millions. On pardonnera le chef de l'Etat de sa confusion mathématique...
La fausse cogestion
Le Chef de l'Etat s'est aussi engagé sur des mesures "indolores" pour ses comptes, et bizarrement moins précises... Pour un peu, on aurait cru à de la cogestion avec les syndicats !
1. Il a donné des gages symboliques aux syndicats : l'information et la consultation obligatoires du comité d'entreprise des sociétés de 50 salariés et plus lorsqu'une aide publique directe leur est versé sont gratuites. Il s'agit d'ailleurs davantage d'un effet d'annonce qu'autre chose. Les comités d'entreprise sont déjà censés être consulté des décisions affectant l'emploi. Sarkozy leur offre d'être prévenus du versement d'une aide publique. Autre effet de communication, la création, avec les partenaires sociaux, d'un "comité d'évaluation et de suivi de la crise et des politiques économiques et sociales", qui se réunira avant le prochain G20 de Londres. Ou l'encouragement à discuter de "la valeur ajoutée et le profit", sur la base des propositions d'une mission d'analyse et de concertation remises d'ici deux mois. Sarko, maître pipo ?
2. les syndicats se demanderont pourquoi les discussions sur la "gouvernance d'entreprise" (et "les moyens de mieux prendre en compte les intérêts et les attentes des salariés dans la prise de décisions"), la modernisation des institutions représentatives du personnel, l'égalité des rémunérations hommes-femmes ou la modernisation des élections prud'homales peuvent attendre le second semestre 2009 d'après l'Elysée, comme cela est précisé dans le document de synthèse présidentielle...
3. Le Président a chargé les cotisations chômage, négociées par les partenaires sociaux, de supporter l'indemnisation du chômage partiel à 75% du salaire brut (versus 60%). Le gouvernement va engager des discussions avec l'Unedic pour répartir ce surcoût entre entreprises, Etat et assurance chômage. Pour le moment, ces sommes ne sont pas incluses dans les 2,6 milliards d'euros des mesures annoncées.
4. Sarkozy exige des contreparties comme former et recruter des jeunes pour les entreprises bénéficiant de crédits du plan de relance, ou la renonciation aux bonus pour les dirigeants d'entreprises en difficulté ("lorsqu'une entreprise met en œuvre un plan social d'ampleur ou recourt massivement au chômage partiel, que les dirigeants mandataires sociaux de cette entreprise renoncent à la part variable de leur rémunération" prévoit le document).
5. Sarkozy a enfin invité les banques sont invitées à modérer les échéances bancaires d'emprunts immobiliers pour les salariés au chômage partiel. Aux Etats Unis, Barack Obama vient d'annoncer un plan de 75 milliards d'euros pour venir en aide à 7 À 9 millions de propriétaires américains menacés de saisie. Ramené au PIB français (un septième du PIB américain), un tel plan en France se chiffrerait à 10 milliards d'euros !! Mais en France, Nicolas Sarkozy se contente "d'inviter" les banques à faire attention à leurs clients chômeurs. Tiens, on vient d'apprendre que la BNP et la Société Générale verseront respectivement 900 et 700 millions d'euros de dividendes au titre de 2008 à leurs actionnaires. On appelle cela un bras d'honneur au président...
Finalement, le plus bel aveu se cache au milieu du document présidentiel, page 12 :
"Lorsque des difficultés interviennent, les filets de sécurité et les stabilisateurs automatiques jouent un rôle crucial, bien plus important que dans d’autres pays, par exemple les pays anglo-saxons."
Il y a 2 ans, le candidat Sarkozy clamait :"Je m’engage à ramener en cinq ans le chômage à 5% avec une moyenne du chômage ramenée à cinq mois, car je suis persuadé que le plein emploi est applicable. Les Anglais l’ont fait."
Deux ans ?
Une éternité.&alt;=rss