Darwin et l’indécence

Publié le 20 février 2009 par Sheumas

   L'un des aspects révolutionnaires de la pensée de Darwin réside dans la pensée de la sélection naturelle. Non seulement les espèces ne sont pas fixes, mais également se transforment et s'adaptent en fonction du milieu dans lequel elles se développent. Celles qui résistent sont celles qui s'adaptent. Et la question de la « nature » définie une fois pour toutes ne peut correspondre à ce point de vue (d'où le lever de bouclier théologique qui se dresse face à Darwin et qui lui aurait bien valu le bûcher dans d'autres temps !)

   Pour survivre dans la société de 2084, ceux des Indécents de la pièce qui s'allient aux autorités rentrent dans le moule (et, ce faisant, évitent le bûcher que promet Big Brother aux contrevenants...) et s'adaptent. En contrepartie, ils renoncent en même temps à tout ce qui faisait d'eux des hommes.

   Les conflits qui se livrent verbalement dans la fin de la pièce montrent que ceux qui refusent tiennent à garder leur identité profonde et rejettent catégoriquement une autre définition de l'humain.

   D'un côté, les Indécents sont du côté de Darwin, de l'autre, Big Brother et sa clique sont du côté de la fausse spiritualité, celle qui consiste à imposer le moule du socialement et politiquement correct. Ils s'indignent au nom de la Morale publique, réclament un type humain plus épuré, plus propre et transparent. Pour donner du poids à leurs propos, ils brandissent le spectre de l'actualité et jouent sur des effets d'annonce :

Big Brother : (Les membres du Conseil sont entrés solennellement) Mes chers collègues,  par bonheur, la maladie semble devoir nous débarrasser des individus de la caste des Indécents qui sortent d'ici. (Soudain familier et cynique) Mais dans notre mégabulle, grâce aux bons soins de notre chère scientifique 359 In Vitro, nous ne craignons rien ! L'heure est venue de profiter de l'opportunité, (il s'approche avec complicité de 359, s'installe sur le banc) de resserrer les mailles du filet et d'éliminer définitivement les derniers « primitifs » qui constituent encore un obstacle à notre conception de la civilisation totale.

 

Big Mother : « L'expansion qu'a connue ces dernières années le virus du Sida, loin d'être une calamité, est une grâce du ciel. Elle touche en effet exclusivement les milieux de ces hommes et femmes singes qui obéissent encore à des comportements arriérés et dégradants. Nous venons d'entendre quelques témoignages des pratiques écoeurantes auxquelles se livrent encore ces sauvages... »

par Eric Bertrand publié dans : livres communauté : Voyage et écriture
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