Les plus fragiles (2)

Publié le 21 février 2009 par Malesherbes
Je poursuis ici l’examen des déclarations de notre sauveur.
« Les salariés au chômage partiel seront indemnisés jusqu’à 75% de leur salaire brut ». Pourquoi jusqu’à ? S’agit-il d’une maladresse ou bien de la volonté de masquer que cette indemnisation n’atteindra pas cette valeur dans tous les cas ?
« Les dirigeants des entreprises qui recourent au chômage partiel ou au licenciement économique devront s’engager à renoncer à leur bonus ». Pourquoi ce bémol, devront s’engager ? Devront renoncer ne conviendrait-il pas mieux à l’attitude volontariste de notre Messie ?
Puis, cette annonce merveilleuse de la suppression des 2° et 3° tiers de l’impôt sur le revenu pour les familles qui n’ont à acquitter que sa première tranche : « pour une famille de trois enfants, l’économie d’impôts atteindra en moyenne quatre cents euros » (j’espérais entendre quatre cent-z-euros, nous avons échappé au quatre cent-t-euros, mais le hiatus ne nous a pas été épargné). Pourquoi cet emploi du verbe atteindre, peu justifié quand il est suivi d’une moyenne, si ce n’est pour donner l’illusion de parvenir à quelque sommet formidable et jusqu’ici inaccessible ? Mais ce n’est pas là le plus grave.
On peut grossièrement considérer que les familles avec trois enfants constituent l’essentiel des foyers fiscaux disposant de quatre parts, tout comme celles avec deux enfants correspondent aux foyers avec trois parts. Il se trouve que, d’après les statistiques des Finances relatives aux impôts sur les revenus de 2006, on ne compte que 487.000 des premières contre 1.840.000 des secondes. Pourquoi ne pas avoir choisi l’exemple le plus représentatif et nous parler plutôt des familles avec deux enfants ? Et quelle est l’économie moyenne pour les quelque 60% de foyers sans enfant ? Il est vrai que le mécanisme du quotient social leur évite le plus souvent d’être cantonnés dans la première tranche de l’IRPP et donc de bénéficier de la manne annoncée.
Les statistiques des Finances déjà citées nous révèlent que, sur les 35.600.000 foyers fiscaux de France, seulement 19.000.000 sont imposables. Or notre Président ne vient-il pas de déclarer, la voix chargée d’émotion : « l’esprit de justice, c’est de tout faire pour que la crise ne fasse pas souffrir les plus fragiles d’entre nous » ? Je relève à nouveau qu’il ne s’impose qu’une obligation de moyens (tout faire) et non une obligation de résultats (faire en sorte que). Il est vrai que, lorsque l’on considère ses résultats en matière de sécurité, il est bien avisé de recourir à cette précaution juridique. Quoi qu’il en soit, lesquels sont les plus fragiles, ceux qui paient l’IRPP ou bien ceux que l’Etat n’ose pas taxer, tant leurs revenus sont faibles ? Singulière méthode que de recourir à l’allègement d’impôts quand on veut aider ceux qui n’en paient pas.
Je n’insisterai pas sur les paroles de réconfort adressées aux fonctionnaires. J’y vois comme des excuses qui ne veulent pas dire leur nom mais ce ne sont que des paroles, démenties par l’évolution à la baisse des effectifs.
Venons-en à la dernière phrase : « Dès demain, je recevrai les élus d’Outre-mer, pour répondre à l’angoisse, à l’inquiétude et à une certaine forme de désespérance de nos compatriotes des Territoires d’ Outre-mer ». Première remarque, en Français, quand on veut marquer une gradation, on la traduit par l’ordre des éléments. Il eut donc été plus judicieux de parler de «l’inquiétude, l’angoisse et une certaine forme … ». Enfin, glissons. Par contre, il a vraisemblablement échappé à notre divin seigneur que, depuis la réforme constitutionnelle de 2003, il n’existe plus en France de Territoires d’Outre-mer. Nos quatre départements d’Outre-mer, Guadeloupe, Guyane, Martinique et Réunion sont eux devenus des départements et régions d’Outre-mer. Il est triste de noter que notre magistrat suprême méconnaît la Constitution qu’il a depuis su faire modifier.