Film du jour (27) - Tryptique Oliver Stone

Publié le 23 février 2009 par Zegatt

Un réalisateur, trois films. Politique à chaque étage ; deux fictions, un documentaire. Trois hommes de pouvoir. Une mort, un scandale, un dictateur. Deux américains, un cubain.

C’est ce que nous propose la filmographie d’Oliver Stone au travers de ses JFK, Nixon, et Comandante.

Oliver Stone est un démocrate. A tendance fortement gauchisante pour la patrie aux cinquante étoiles.

En conséquence, son portrait post-mortem de Kennedy qui nous entraîne derrière Jim Garrison, l’homme chargé d’enquêter sur le meurtre du président, est une forme d’apologie dérivée. Dérivée, car comme cela est souvent le cas avec John, il est plus facile de conserver le symbole plutôt que l’homme. De même avec Robert, cela va de soi. La famille Kennedy et la symbolique, c’est une longue histoire d’amour.

Stone ne fait pas de cadeau pour autant, et profite de la présence physique fascinante de Costner pour détruire les complots et les corruptions de la Maison blanche, pas si blanche que ça pour le coup. En près de 3h00 de film, la théorie Lee Harvey Oswald est détruite, annihilée. Un tireur ? Non, trois. Deux, trois coups de feu ? Non, six.

Loin de se limiter à l’initiative d’un seul homme, Stone propose du lourd, suivant l’enquête véritable de Garrison. Au public après cela d’accréditer cette potentielle vérité ou de la réfuter en bloc. Le film de la mort de Kennedy et quelques photos macabres à l’appui, l’exposé tient pourtant la route, et laisse le spectateur enfoncé dans son fauteuil, le souffle court.

Et Nixon alors ? Le penchant inverse me direz-vous, une destruction sans compromis du traître ? Pas du tout. Retour aux manipulations. Nixon apparaît comme un homme faible, empreint de doutes, conseillé (euphémisme) par ses pairs, dirigé pour satisfaire aux ambitions de plus puissants que lui. Le pouvoir nous dit Stone, ce n’est pas le poste dirigeant ; c’est le nombre de zéros après le premier chiffre.

Sombre, hésitant, pensif, luttant, Hopkins tient un rôle de génie où son charisme transpire à chaque scène de façon démesurée. Par instants, on doute même que cet homme qui s’agite devant la caméra soit bien Hopkins et pas Nixon, ressuscité, plus vrai que nature. Dommage que l’image de Stone ne suive pas avec autant de force les péripéties de ses personnages et se contente finalement ou bien d’une surenchère (en particulier lors des visites politiques étrangères) ou bien d’une sobriété déplacée, en contradiction avec d’autres scènes. Le film se fait trop hésitant, trop théâtral ou trop puriste selon la scène. L’impact s’en trouve limité en conséquence. Regrettable, car la prestation d’Anthony Hopkins est, encore une fois, bouleversante.

Comandante propose un détour cubain d’une heure et demie. Outrage ! Le film n’est jamais sorti en salles, et surtout pas aux Etats-Unis. Rien de scandaleux pourtant. Juste les élucubrations d’un barbu fatigué, grisonnant, le “Leader Maximo” de La Havane. Un brin pensif ou philosophe par instants, aimé semble-t-il de son peuple, proposant une vision relativement simpliste des travers de l’histoire, bien loin de l’anti-manichéisme que Stone nous proposait jusque là.

Pour autant, Oliver Stone ne prend pas ses spectateurs pour des dupes. Quelques questions un peu grinçantes sont soulevées, légèrement… Mais là où cela fait mal, c’est notamment quand Fidel Castro propose ses propres définitions de dictature et de démocratie. Et si le modèle démocratique américain n’était, justement, pas si démocratique que ça ? Le doute point à l’horizon. Castro devient non plus le portraitiste de lui-même, mais d’une Amérique dont ses valeurs si chères sont peut-être finalement tout aussi artificielles que celles de l’île caribéenne…

Car finalement, le portrait grinçant de ces trois films, c’est bien celui de l’Amérique. Une Amérique manipulée, tricheuse, à cheval sur des valeurs qu’elle ne prend pas le temps de remettre en question. Alors le réalisateur les pose, lui, ces questions. Et parfois, elles parviennent à être blessantes.