Lil’Maaz et ses kebabs enflamment les esprits (ou plutôt les esprits s’enflamment pour eux)

Publié le 10 août 2007 par Satyam Dorville


Personne n’a pu passer à côté du phénomène Lil’Maaz ces derniers jours. Face à la version officielle qui voudrait nous faire croire à l’honnêté artistique du projet, je suis plutôt convaincu de son excellence marketing. Cela reste une hypothèse, mais je la trouve tellement plus crédible que l’autre…
Ou comment une campagne de buzz pour une société qui fournit les grossistes en matériel de restauration professionnel, marche tant et si bien, qu’on en vient à la confondre avec un label de musique !

La société

France Kebab est une entreprise fondée en 2000, par un certain Bernard Thibaut. Rien à voir, avec le syndicaliste. Le coeur de métier de France Kebab est la vente de matériel pour la restauration rapide de type “Kebab”. L’enteprise se développe et devient un acteur majeur du secteur. Elle décide alors de diversifier ses activités et de vendre directement au grand public des plats surgelés de cuisine orientale : Kebab, frites,…
France Kebab souhaite alors communiquer. Elle se tourne vers une agence de pub. Celle-ci cogite et le buzz sur le net étant à la mode, ni une ni deux, Lil’Maaz surgit du néant. A bien chercher, la même agence gère aussi le budget d’un label ou d’un distributeur. Ce qui donne l’idée d’un partenariat.

La campagne

Le pitch : Lil’maaz vendeur de kebab de son état est un fan de chanson, et gratifie ses clients de ses mélodies aux accents orientaux à la gloire de son sandwich préféré. Il décide alors de se lancer dans la chanson, et est repéré par un label de musique, qui propulse son titre-phare et son image à la Ali-G, sur tout Internet. Le spectre de Kamini n’est pas loin…

Les dispositifs mis en place pour la campagne sont les suivants :

  • Le site dédié : Mangedukebab.com est à la gloire du jeune chanteur d’origine turc, Lil’Maaz. Le site propose la vente du single et d’éléments de personalisation de téléphone portable : sonneries, logos,… Il permet aussi à la société de se constituer une petite base de prospect, avec la possibilité de d’inscrire à la Newsletter de “l’artiste”.
    Dans la première partie de la campagne, il n’est pas fait mention de la société France Kebab, puis très vite, dès que le buzz prend, un logo renvoyant vers le site corporate apparait. Celui-ci dévoile très vite le fond de la forme. Le site de France Kebab suit la même charte graphique que celui du chanteur… sniff sniff
  • Le skyblog officiel : Faconné comme un skyrock perso parmi tant d’autres, on y découvre Lil’maaz devant sa broche de viande, qui nous présente ses deux passions : La “musique”, et le Kebab. Des élements mettent la puce à l’oreille : la syntaxe des textes des articles à la limite du ridicule, nous rappel un peu du borat, l’organisation d’un jeu concours ne faisant pas très promo nouvel artiste.
  • Le MySpace officiel :Il propose la bio de Lil’maaz et ses vidéos virales. Le petit plus est sa liste de joyeux amis laissant de naifs commentaires :

    “Tu déchires mec !! Promis je passe au resto un jour, j’veux goûter ton kebab’ !
    Tu m’a donné faim… ;)”

    Merci mon ami !
    Il est où ton resto ? J’ai pas reconnu le quartier sur les clips ! Je suis souvent en vadrouille dans Paris et le khebab c’est sacré pour moi. Il me faut l’adresse !

  • Dans le même temps, le label/distributeur s’occupe de produire le titre et le clip, et de les distribuer. Dès que tout est en place l’info est diffusée à différents sites et bloggeurs.

Ces dispositifs sont appuyés par des achats de mots clés sponsorisés, d’espaces pub sur Skyrock et la mise en place d’un jeu concours.

Les retombées
La chanson a été écoutée près de 10 000 fois sur MySpace et a généré plus de 1500 commentaires sur son Skyblog. Sur DailyMotion c’est l’hystérie avec plus de 500 000 visionnages du clip. Mais le véritable exploit est constitué par les retombées presse. Les journalistes des grands médias nationaux s’empressent dans leur manque de discernement, (ou dans leur complaisance coupable) de relayer l’info comme étant le nouveau phénomène “à la Kamini”.

Le journal Le monde arrive à citer sans sourciller ce genre de présentation du chanteur :

“Salut mon ami ! Alors je suis né en Turquie et j’ai 8 frères et 2 soeurs. Quand j’étais petit je vendais des gâteaux secs dans la rue (…) Après, je suis arrivé à Paris et Oh la la, la langue française c’était pas facile, mais j’ai travaillé dur et maintenant je suis bien ! J’aime beaucoup mon nouveau pays mais j’oublie pas mon histoire, ma culture et l’amour du kebab ! (…) Moi je préfère, c’est chanter toute la journée, quand je mets la sauce blanche, ketchup, salade, tomates, oignons et la harissa. (…) Mon ami si t’as faim “Make a break, Have a Grec !”.

Au final, c’est une campagne qui remplit tous ses objectifs, parvenant même à générer des revenus. L’histoire ne dit pas quelles sont les modalités de la relations entre la label et la société France Kebab.

Je ne crois pas à une manipulation orchestrée par le label : Sur le site France Kebab est beaucoup plus mis en avant que la musique elle même !!

Si mon hypothèse se révèle être vraie, ce serait la plus belle campagne de buzz depuis le train transatlantique de la SNCF, à mon avis. Seul bémol culturel, qui me fait ciller, l’exploitation de clichés pour vendre du kebab à la masse…