Cécile, nouvelle victime du conflit israélo-palestinien ?

Publié le 27 février 2009 par Sylvainrakotoarison
Elle était en classe de terminale scientifique, elle avait dix-sept ans et elle terminait, pour ses vacances de février, une fabuleuse semaine de voyage et de découvertes en Égypte. Elle y a laissé la vie au cours d’un attentat aveugle le 22 février 2009 au Caire.
Le souk Khan el-Khalili est l’un des endroits les plus fréquentés des touristes au Caire. C’est là que deux groupes d’adolescents habitant Levallois-Perret se retrouvèrent ce dimanche 22 février 2009, peu avant sept heures du soir, avant d’avoir chacun quartier libre pour visiter l’endroit. Le lendemain, ils repartaient pour la France après une semaine de découvertes égyptiennes.
Improbables victimes

Le rassemblement se fit à un café, près du parvis de la mosquée al-Hussein, l’un des principaux lieux saints de l’islam chiite.

Ils étaient jeunes, mais ils auraient pu être âgés. Ils étaient français, mais ils auraient pu être d’une autre nationalité. Ils auraient pu se regrouper un peu plus loin, ou un peu plus tôt. Ou plus tard.
Une explosion. Puis du sang, du bruit, des cris, des clous…
Une jeune lycéenne de dix-sept ans n’a pas survécu à ses blessures. Une petite vie comme une autre, fauchée par un attentat aveugle. Elle avait déjà pris l’habitude des voyages. Elle s’était rendue l’année dernière au Mexique. Ses parents viennent de perdre leur second enfant. Effroyable nouvelle.

Il y a eu aussi vingt-cinq blessés dont trois graves, la plupart provenant du groupe des jeunes Français, mais aussi un Allemand, trois Saoudiens et quatre Égyptiens.
Les dépêches fusent alors de toutes parts. Les réactions aussi.
Condamnations unanimes
Selon l’agence Mena, l’imam de la mosquée d’Al-Azhar, cheikh Mohammed Sayyed Tantaoui, l’une des plus hautes autorités de l’islam sunnite, a condamné l’attentat équivalent à un « acte lâche et criminel », « totalement » contraire à l’islam : « Ceux qui ont perpétré cet acte criminel sont des traîtres à leur religion et à leur pays et déforment l’image de l’islam, qui rejette le terrorisme et interdit de tuer des innocents. »
Cette réaction claire est la bienvenue car elle évite les amalgames avec la majorité écrasante des fidèles musulmans qui sont évidemment plus victimes que complices du terrorisme islamiste radical.
Au Salon de l’Agriculture, lundi matin, le Premier Ministre François Fillon a affirmé que « c’est un attentat odieux comme tous les attentats terroristes. Cela montre à quel point l’engagement de la France dans le combat contre le terrorisme est nécessaire. (…) Il y a des gens qui veulent déstabiliser l’Égypte, qui est un des pays modérés de la région. Les Égyptiens doivent savoir que nous sommes à leurs côtés. »
Il a ajouté ensuite à propos du caractère aveugle de l’attentat : « Une jeune fille française a été tuée, elle n’avait rien à voir avec le conflit. C’est vraiment l’illustration de cette violence que nous voulons éradiquer. ». Le gouvernement français « condamne avec la plus grande fermeté ce geste criminel dont la violence aveugle signe l’absurdité »
Peu de temps après, après avoir présenté ses condoléances à la famille, le Président de la République Nicolas Sarkozy confirmait « tout son soutien aux autorités égyptiennes auxquelles il fait toute confiance pour porter assistance à l’ensemble des victimes et pour faire toute la lumière sur les circonstances de ce drame. »
Bernard Kouchner aussi, du quai d’Orsay, a évoqué « des victimes, si cruellement et injustement frappés »
Un attentat contre le tourisme ?
C’est la première fois que le terrorisme s’attaque à l’Égypte depuis deux ans et demi. De terribles attentats s’en étaient alors pris à des touristes dans la région du Sinaï : Taba et Noueiba le 7 octobre 2004, Charm El Cheikh le 23 juillet 2005, Dahab et El Gora les 24 et 26 avril 2006 avaient coûté la vie de cent vingt-quatre victimes.
Aux abords du même souk, en avril 2005, trois touristes (deux Français et un Américain) avaient aussi perdu la vie dans une explosion par un kamikaze isolé, Hassan Raafat Ahmed Bachandi, un étudiant islamiste de dix-huit ans en rupture avec sa famille.
Pour l’instant, tout est très incertain.
Même les circonstances de l’explosion ne sont pas vraiment certaines. D’un côté, les officiels qui expliquent qu’une grenade aurait été placée dans un sac en plastique sous un banc du parvis. Une fabrication artisanale contenant des morceaux de métal et des clous. De l’autre côté, plusieurs témoins qui affirment que la grenade aurait été envoyée du toit d’un hôtel avoisinant vers une zone café. Une seconde grenade aurait été désamorcée.
L’objectif était clairement de faire de nombreuses victimes, le lieu étant très fréquenté. Aucune revendication n’a été communiquée. Le côté artisanal laisse comprendre que ce serait un acte isolé.
Des hypothèses parfois fumeuses
Les raisons de cet attentat sont pour l’instant très floues. Certains imaginent même de la manipulation politique.
Ainsi, la décision du Président égyptien, Hosni Moubarak, en fonction depuis 1981 (l’un des chefs d’État les plus anciens du monde), de lever pour mars 2009 la loi d’urgence, qu’il avait instaurée lors de l’assassinat de son prédécesseur Sadate, pourrait être remise en cause avec cet attentat.
Un spécialiste des mouvances islamistes à l’EHESS, Dominique Thomas, évoque alors une possible instrumentalisation de la violence : « On peut imaginer que cet attentat ait été monté par une cellule des services secrets égyptiens. Il visait clairement des touristes, c’est donc une manière de ne pas frapper directement la population égyptienne, mais de provoquer un ressentiment fort qui justifierait ensuite une répression importante. »
Après les attentats de 2004 à 2006, la police égyptienne avait arrêté plusieurs milliers de personnes et trois islamistes du groupe Al-Tawid wal Jihad furent même condamnés à mort puis exécutés.
Mais Louis Caprioli, ancien responsable de la lutte contre le terrorisme islamiste à la DST, ne croit pas à la manipulation : « Le tourisme est la première ressource économique du pays, l’impact serait beaucoup trop fort ».
En effet, avec une dizaine de millions de touristes chaque année, l’Égypte gagne environ dix milliards de dollars, ce qui lui permet d’employer 12% de sa population active dans cette économie.
Frères musulmans ?
L’hypothèse d’un attentat provenant des Frères musulmans seraient aussi à réfuter bien que cette formation ait été à l’origine du Hamas. En effet, le mouvement serait devenu institutionnel en contrôlant 88 députés sur 454 à l’Assemblée du peuple, ce qui l’écarterait d’une tentation terroriste selon Louis Caprioli.
Même si cette explication peut être sujette à caution, l’aspect rudimentaire de l’engin explosif rendrait étonnante sa provenance d’un groupe fort et structuré.
Conflit israélo-palestinien
La troisième piste serait le foyer de violence parmi les plus graves du monde, le conflit entre Israéliens et Palestiniens dont la tension a été renforcée à Gaza, à la frontière égyptienne.
Des habitants du Caire soupçonneraient déjà les Palestiniens du Hamas ou les Iraniens d’avoir préparé cet attentat.
L’ancien chef des services secrets égyptiens, le général Fouad Allam, estime que, loin d’être un acte isolé, cet attentat serait un précurseur : « le prélude d’une nouvelle vague de terrorisme en Égypte » qui serait attisé par la crise économique et par les tensions régionales très rudes.
Au contraire, les chercheurs du centre d’études stratégique al-Ahram, spécialistes de l’islamisme radical, considèrent que la similitude avec l’attentat d’avril 2005 confirmerait l’acte isolé : selon Dhia Rachwan, « à l’époque, c’était une petite cellule familiale islamiste, l’attentat de dimanche paraît très comparable dans le choix du lieu et son caractère primitif ». Et pour Amr Choubaki, « cet acte est révélateur d’un malaise social et politique mais paraît l’œuvre d’un individu ou d’un groupe isolé ».
L’Égypte a suscité effectivement beaucoup d’incompréhension de la part des islamistes qui ont trouvé le pays trop passif lors de l’offensive de l’armée israélienne à Gaza en janvier même si l’Égypte a été le principal négociateur pour conclure un arrêt des combats.
Le contexte international favoriserait donc cette piste, pas en provenance d’un groupe islamiste déjà bien structuré comme Al-Qaida, mais d’une petite structure qui voudrait contester par ce type d’attentat le comportement du Président Moubarak.
Le Hamas, ennemi ou partenaire ?
Depuis les accords de Camp David en 1979, l’Égypte est en effet la cible privilégiée des islamistes radicaux, d’autant plus que Hosni Moubarak est accusé par eux d’être trop conciliant envers Israël et envers le Fatah de Mahmoud Abbas.
C’est peut-être la raison pour laquelle le général Omar Suleiman, chef des renseignements égyptiens, a annoncé à la télévision le début d’une négociation au Caire ce 26 février 2009 pour parvenir à la réconciliation des deux mouvements palestiniens, le Fatah et le Hamas qui passera nécessairement par un accord où le Hamas reconnaîtra l’existence d’Israël et renoncera à la violence contre cet État. L'objectif est de former un nouveau gouvernement palestinien unitaire.
RIP
Pour l’heure, une famille pleure sa jeune enfant, touchée odieusement par un conflit dont elle était complètement étrangère. Et malheureusement, il y a eu déjà beaucoup trop de Cécile dans ce conflit qui déchaînent des passions de violences et qui peinent à s’arrêter.
Près de deux milles internautes se sont inscrits dans le groupe qui soutient la mémoire de Cécile sur FaceBook. Une marche silencieuse est prévue samedi 28 février 2009 jusqu'au Champ de Mars à Paris. Un hommage est prévu à la mairie de Levallois-Perret lundi 2 mars 2009 à 17 h. 00 après une minute de silence prévue à la rentrée des classes au lycée Léonard-de-Vinci où elle était scolarisée.
La messe d'enterrement de Cécile aura lieu lundi 2 mars 2009 à 15 h. 15 à l'église Saint-Justin de Levallois-Perret (auquel devrait participer Nicolas Sarkozy) suivie d'une inhumation dans la plus stricte intimité.
Condoléances à sa famille.
Paix à son âme et paix tout court.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (27 février 2009)
Pour aller plus loin :
L’attentat au Caire du 22 février 2009.
Les amis de Cécile traumatisés.
Communications officielles de la France sur le sujet.
Vers une réconciliation du Fatah et du Hamas ?
Hommage à Cécile.
Vers un nouveau gouvernement palestinien.
L'attentat était un acte isolé.
Groupe FaceBook en hommage à Cécile.
http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=52286