Lady for a day

Publié le 28 février 2009 par Boustoune



Adaptation d’un roman de Winifred Watson (1), Miss Pettigrew nous plonge dans le Londres des années 1930, à la veille de la seconde guerre mondiale. Le personnage central, Guinevere Pettigrew, se fait une fois de plus virer du poste de gouvernante qu’elle occupait, auprès d’une famille bourgeoise. Une fois de trop pour l’agence de placement qui l’emploie. Comme la directrice, une vieille pimbêche, refuse désormais de s’occuper de son dossier et la jette à la rue, elle n’a aucun scrupule à court-circuiter l’agence, en se présentant avant la candidate officielle au poste proposé par une certaine Delysia Lafosse. Cette dernière est une jeune chanteuse de cabaret, étoile montante rêvant d’une glorieuse carrière, mais partagée entre l’amour de trois hommes très différents. Elle a donc bien besoin d’une secrétaire particulière, même si elle ne sait pas franchement en quoi ce poste correspond, pour l’aider à remettre un peu d’ordre dans sa vie mouvementée. Miss Pettigrew a à peine eu le temps de comprendre où elle a mis les pieds, elle est entraînée dans une folle journée, tourbillon d’hommes, de luxe, de beauté et de musique. Une journée qui va changer sa vie, et celle de sa nouvelle patronne…
 
Le film de Bharat Nalluri repose sur l’opposition de caractères entre la gouvernante terne, un peu coincée et vieux jeu, mais pleine de sagesse et de bon sens et la starlette exubérante, à la fois manipulatrice enjôleuse et petite fille candide. La bonne idée, c’est d’avoir confié les rôles à deux excellentes actrices. Dans le rôle-titre, Frances McDormand est impeccable, comme souvent. Elle impose ici sa frêle silhouette et son air de clown triste, rendant son personnage assez irrésistible et très touchant. Face à elle, Amy Adams s’en donne à cœur joie dans un rôle de fofolle écervelée proche de la princesse naïve qu’elle incarnait dans Il était une fois. Elle aussi est étincelante. A ce beau duo d’actrices, parfaitement équilibré, on peut ajouter la performance de Shirley Henderson, parfaite en requin en jupons, et celle des comédiens, Ciaran Hinds en tête, tout en charme et en retenue.
 
La mise en scène, elle, est plutôt convaincante, surtout de la part d’un cinéaste n’ayant rien réalisé de particulièrement enthousiasmant jusque-là. Nalluri lorgne intelligemment du côté des maîtres de la comédie américaines, les anciens, ceux des « screwball comedies » (2) (Hawks, Cukor, Lubitsch,…) mais aussi les modernes, comme Woody Allen. Il s’offre de beaux mouvements de caméra, tels le plan-séquence circulaire de la réception donnée chez Delysia, et alterne avec de subtils plans fixes, cadrés à bonne distance et baignés d’une lumière tamisée, de façon à générer une ambiance crépusculaire et mélancolique.

Car derrière la comédie perce une certaine noirceur, une amertume que l’insouciance de ce petit monde, superficiel et léger comme des bulles de champagne ne peut masquer totalement. Il y a déjà la solitude perceptible chez les personnages par-delà leur apparente force morale. Et il y a la guerre, imminente, qui menace de tout bouleverser, alors que les fantômes de la Grande guerre ne sont pas encore disparus, que les larmes des survivants n’ont pas encore fini de couler…
Ce fond doux-amer constitue la valeur ajoutée d’une comédie sophistiquée menée tambour battant, portée par une belle bande-son rétro, aux tonalités jazzy et surtout par des actrices pétillantes à souhait. Miss Pettigrew s’avère donc une délicieuse surprise.
Note :
(1) : « Cette sacrée vertu » de Winifred Watson – Ed. 10/18
(2) : Le terme Screwball comedy désigne les comédies loufoques produites aux Etats-Unis dans les années 1930, lancées par le
New York – Miami de Capra et le Train de luxe de Hawks.