Vingt-deux ans après « Arts et automobiles », ce symbole n'a pas bougé !

Publié le 02 mars 2009 par Chantal Doumont

Insolite : le dernier vestige d’Arts et automobiles trône encore sur son piédestal   !

On passe devant sans se poser de questions, mais d’où vient-elle ? Cette carcasse de 205 toute rouillée, posée sur ses quatre pylônes à l’entrée de la ville, est le témoin d’un temps fort de la vie culturelle montbéliardaise.

Il ne s’agit pas de la dernière campagne de lutte contre la vitesse au volant organisée par la Prévention routière. Rien à voir non plus, en ces temps troublés, avec un totem érigé pour conjurer le mauvais sort dans la filière automobile. Non : la voiture perchée à l’entrée de Montbéliard, côté Bethoncourt, est le dernier vestige visible de la manifestation « Arts et automobiles », organisée en 1987 par le Centre d’action culturelle (CAC). Celui-ci avait mis en place une biennale d’art contemporain dont les deux éditions les plus fortes restent 1985, avec « D’jaaaaaa la mode », et 1987.

« À l’époque, j’étais responsable technique des expositions, se souvient François Banet, aujourd’hui en charge du développement culturel à l’allan. "Arts et automobiles", ça avait duré quatre mois, on avait investi de nombreux lieux dans Montbéliard : le parking des Alliés, le Musée du Château, la salle d’exposition des Halles, le lycée Viette… »

Des œuvres et des expositions avaient aussi été accueillies à Belfort, à Héricourt ou à Hérimoncourt. Le catalogue de la manifestation, en deux tomes, témoigne encore de la richesse de cet événement, avec des grands noms de l’art contemporain réunis pour l’occasion. On y trouve, pour ne citer qu’un exemple, les « Championnes » de César : le sculpteur avait réalisé des compressions de 205 Turbo 16, la star des rallyes de l’époque, qui étaient suspendues dans l’Hôtel de Sponeck.

« Beauté sacrée »

Le thème, bien sûr, n’était pas innocent. Parler de l’automobile à Montbéliard, dans le berceau de Peugeot, a intrigué, passionné et parfois choqué. « Beaucoup nous ont renvoyés à l’incongruité d’un tel événement dans le pays de Montbéliard, peut-on lire dans la préface du catalogue. Cette incongruité est réelle et c’est tant mieux. » Pour annoncer la couleur, deux œuvres avaient été implantées à l’entrée de la ville. La première, signée Christian Paviet, était installée juste avant le supermarché « Suma ». Une voiture, ou ce qu’il en restait tant elle était aplatie et cabossée, trônait à un mètre du sol. « De la plus modeste à la plus performante, une voiture est un bien de consommation périssable, commentait à l’époque l’artiste montbéliardais. La déformation souligne la précarité de toute chose. »

De l’autre côté de la route, autre mise en scène : une carrosserie complètement évidée avait pris place sur quatre poteaux. La tôle était tellement déchirée qu’il était difficile de reconnaître la 205. « C’était la star absolue à l’époque, rappelle François Banet. La carcasse utilisée, peinte en doré avec l’intérieur bleu, sortait directement de chez Peugeot. » L’œuvre signée Canal, un artiste belfortain, avait été intitulée Beauté sacrée. Elle aurait dû être éphémère, mais elle n’a jamais été démontée contrairement à sa voisine d’en face, « plus destroy ». « La 205 gênait peut-être moins, imagine François Banet. Elle était décalée, mais esthétique. Je pense qu’elle a été adoptée. »

Exposée au froid, à la pluie ou à la neige, la rouille a remplacé le doré sur la 205. Mais vu de loin, la différence n’est pas flagrante. Vingt-deux ans après « Arts et automobiles », ce symbole n’a pas bougé. En 1987, les organisateurs de la manifestation pensaient que le catalogue resterait « la seule trace tangible » de cet événement. Il est parfois agréable de se tromper.

 

Guillaume Minaux

lepays.fr