Le Printemps des Poètes

Par Chatperlipopette

Il a débuté lundi 2 mars et s'achèvera (hélas!) le 15 mars. Entre temps, des lectures et encore des lectures pour se délecter du rythme si pariculier de la poésie.
Cet article aurait du être publié lundi, or les alea du quotidien en ont décidé autrement!
Il n'est guère facile d'écrire de la poésie: la vie, le monde, les autres, les choses, les êtres, l'intime ne semblent pas pouvoir être déclinés en vers, en prosodie, en langage insolite....celui des rimes ou des rythmes qui scandent l'éphémère, l'écume des instants magiques ou tragiques, ou la permanence ses sentiments, des idées, des amours, des chants pour l'aimé.
Et pourtant, lire un poème, classique ou contemporain, est un moment de douce solitude peuplée de nos désirs secrets, des sensations vécues et tues mises au jour par un autre qui sait sans le savoir. Magie des mots, magie d'une image, magie d'une musique intime qui lentement se dévoile, au fil des vers, au fil des rimes, au fil des rêves issus de l'impalpable devenu mots.
Matthias Vincenot entraîne son lecteur dans le dédale des émotions, souvenirs que tout un chacun peut avoir: un peu de lui, un peu de soi, un peu de nous se déroule au coeur de la prosodie poétique. Des émois adolescents au coeur de l'adulte épris d'une chimère ou d'un corps à peine dévoilé, de la révolte devant l'inanité du monde qui nous entoure aux douces rêveries de l'introspection, le poète fait voyager dans un périple où la modernité est présente, parfois habillée d'humour, parfois vêtue de tragiques accents. Une modernité du texte, de la langue qui n'oublie pas, cependant, d'adresser des clins d'oeil aux illustres prédécesseurs, dans "une discordance des temps" aux accents d'éternité.
"Le sang de la vie s'écoule dans tes poèmes, en illuminant tes mots d'une intensité immédiate et charnelle, contre la boue qui nous entoure. (...) Ta beauté idéale est dans la contemplation du normal, qui te donne le ressort du sublime." écrit Giovanni Dotoli, professeur d'université et poète, dans sa lettre post-face....et c'est, pour l'essentiel, le ressenti de ma lecture de ce recueil. La poésie puise dans le normal pour nous extraire de la boue de notre quotidien, celle qui nous englue dans la minante répétition des jours: n'est-ce pas le rôle de la poésie?
Finalement...."nous ne sommes à l'abri de rien"....surtout pas d'aimer les promenades impromptues offertes par la poésie!

Chez Biblioblog on a aussi beaucoup aimé la lecture de ce recueil
Je vous propose deux poèmes, le premier peut paraître doux-amer avec une pointe d'humour un tantinet féroce, le second m'a émue sans que je sois capable d'en expliquer la raison: cela m'arrive très souvent lorsque je lis de la poésie.
Chassez le Prince Charmant
Chassez le prince charmant, il revient au galop
Les filles libérées ont coeur de midinette
Elles ont seules la clé des aimables bluettes
Où les garçons du monde s'appellent Roméo
Dans leur coeur d'artichaut naissent quelques
audaces
Pour un garçon qui passe
Une histoire de trop
Ce ne sont bien souvent que des rêves faciles
Dans le regard des filles
Rien n'a vraiment changé
Faisant négligemment dépasser leurs bretelles
Sourient du romantisme qu'elles veulent à foison
Parfois entre-deux, les arrières saisons
Donnent quelques espoirs aux pauvres imbéciles
Qui trébuchent souvent en s'avançant vers elles

Chassez le prince charmant, et j'accours aussitôt
Accrocher le regard
Il faudrait pouvoir accrocher le regard
Au moment où il faut
Dans l'éclair incroyable
L'interstice où la vie prend sa source parfois
Le destin n'est souvent rien moins qu'une seconde
Il faudrait pouvoir approcher le hasard

Un autre très beau poème extrait du recueil ICI