L’action sociale du médiateur

Publié le 07 mars 2009 par Dominique Foucart

Lors du Mediv-Dag de la semaine passée, j’ai eu l’occasion de participer à un atelier animé par Rudy Vandamme sur le thème “Etre médiateur pour participer au développement social” (Bemiddelen als maatschappelijke ontwikkeling).

Nous nous sommes retrouvés à une trentaine de médiateurs à réfléchir à ce que nous voudrions que notre contribution au développement social soit. Quelle doit être ma contribution au développement du “grand tout”. En faisant les tour des intervenants, un certain nombre de mots clés se dessinaient: “agir comme un être conscient”, “être constructif”, “participer à un processus pacificateur”, “mener une action préventive”, “écologie”, “synergie”, “créativité”. Une chose est apparue assez rapidement de ces échanges: le rôle du médiateur n’est pas tant dans le domaine juridique que dans le domaine de la relation sociale.

C’est ainsi qu’est revenu à l’avant plan le refus par un nombre croissant de médiateurs de se dire “neutre” pour préférer le terme “multi-partial”. Cette multi-partialité que j’ai toujours ressentie comme une exigence de mon travail, m’est apparue sous un jour nouveau. Et elle fait partie de cette distinction essentielle entre médiation et arbitrage.

L’arbitre (privé ou public) écoute les parties et tente de dégager une vérité de ce qu’il entend. On parlera à partir de là de la vérité judiciaire, et c’est sur base de cette vérité supposée que le juge rendra son verdict (ou son arbitrage). Cette vérité semble ainsi exister “en dehors” des parties. Elle est indépendante de ce que chacune d’elle est, et se veut même indépendante du juge.

Or, peut-on raisonnablement intervenir dans un conflit (comme arbitre ou comme médiateur) tout en restant extérieur au conflit ? La réponse du systémicien, tout comme celle du sociologue, est formelle: dès lors que l’on s’intéresse aux interactions qui existent entre deux ou plusieurs personnes, ces interactions elles-même vont être modifiées par la présence du spectateur. Nous sommes donc, comme juges, arbitres ou médiateurs plus que de simples spectateurs. Nous participons au conflit. Nous allons donc construire nous aussi un filtre relationnel entre la “vérité” et nous. Pour nous aussi la vérité va désormais se cacher derrière notre interprétation de ce qui se passe.

La chance du médiateur, par rapport au juge, c’est que ce n’est pas lui qui porte la responsabilité du contenu des accords qui vont se dégager: ceux-ci sont de l’entière responsabilité des parties au conflit. Et donc, le médiateur peut se permettre de ne pas regarder les faits, la réalité, la “vérité” de l’extérieur. Il peut simplement tout mettre en oeuvre pour rassembler successivement les différentes vérités et réalités. La multi-partialité du médiateur, c’est sa faculté à se mettre tour à tour dans la peau de chacun de ses clients et de se dire chaque fois: si j’étais cette personne, avec son vécu, l’expérience de l’autre qu’elle a, les circonstances dans lesquelles elle s’est retrouvée, je peux ressentir ce que cette personne a ressenti et je pourrais me substituer à elle l’espace d’un instant. En jouant la multi-partialité, je gagne sur deux tableaux.

D’une part, je vais pouvoir reformuler les sentiments de celui auquel je viens de m’assimiler d’une manière plus compréhensible pour les autres, d’autre part je peux percevoir les types de solutions acceptables pour cette personne.

Cette approche doit nous aider à nous poser la question du regard que nous portons sur notre propre conception du conflit et de sa résolution. Quels sont les critères avec lesquels j’envisage le conflit, quel rôle est-ce que je m’assigne dans la médiation ?

Et c’est vrai que cette volonté de rejoindre chacun des protagonistes du conflit là où il se trouve est pour nous, chez interactes, un point essentiel du développement de notre activité en médiation, comme en thérapie d’ailleurs.

La question que j’aimerais vous poser est de savoir comment chacun d’entre vous se sent par rapport à la multipartialité, et jusqu’où vous vous sentez capable d’assumer cette “qualité” du médiateur ?