« Comment un suicide peut-il faire rire ? »

Publié le 31 août 2007 par Psychanalyse Suicide

Je viens de recevoir le commentaire de Alex qui précédait de dix minutes son deuxième commentaire du billet sur l’entourage du suicide.

Alex vous craignez la censure et effectivement, il y a trois passages dans votre premier commentaire que je ne peux pas laisser passer et que je vais censurer. De mon côté, je vois que votre adresse est anonyme et que je ne peux pas vous répondre directement.

Dans ce premier commentaire, vous dites des choses qui sont pourtant très importantes et très pertinentes. Et c’est pour cela que je souhaite en faire part aux lecteurs.

En particulier, le constat que vous faites d’une sorte d’impossibilité de parler du suicide. Et vous expliquez pourquoi ainsi que les conséquences que vous en avez tiré.

En regard de cette impossibilité, vous mettez une autre impossibilité, celle d’écouter. Pour que cette écoute devienne seulement envisageable avant même de devenir possible, vous affirmez l’exigence (pour le psy ou l’entourage) de « ne pas dire les choses qu’il veut entendre ». C’est en effet un écueil possible sur lequel échouent bien des écoutes….

Cela prouve une chose. Il y a des conditions à la parole. Pour qu’elle puisse circuler, il y faut au moins un bon entendeur qui ne va pas y mettre ce qu’il voudrait y entendre. Que la psy soit l’un des métiers où la parole soit bloquée est vrai. Cela peut très bien ne pas passer. Freud l’avait suggéré à demi-mots en évoquant trois métiers impossibles : gouverner, soigner et éduquer, dans Analyse terminée et analyse interminable (1937).

Enfin, vous opposez « l’envie de mourir » à ne pas confondre avec « l’envie de ne plus vivre ».

Toutes ces choses que vous dites me paraissent justes. Alors, plutôt que de publier votre premier commentaire à la suite du billet, je préfère publier votre commentaire dans un nouveau billet (en censurant les trois paragraphes évoqués).

Une chose est certaine, vous devriez prendre la plume plus souvent pour dire ce que vous pensez !

Je laisse la parole à Alex.

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Alex : « bon je ne sais pas si vous allez recevoir ça une fois ou zero ou 30 fois parce que j'envoie et ça ne part pas. Désolé.
Pour moi, le suicide n'est pas non plus un acte héroïque ni de lâcheté comme le pensent les "biens portants" (qui sont arrogants de bons mots si blessants envers une personne qui vient de se suicider).
Je ne connais pas d'autres "suicidaires" ou suicidé-raté, je ne peux pas parler de ça avec quelqu'un donc. Parce qu'en parler avec d'autres est impossible. Non seulement elles ne me comprennent pas, mais en plus elles se trompent et persistent dans leur erreur.
Alors ce que fait un suicidaire a sans doute plusieurs raisons puisque ça peu avoir plusieurs causes et que nous ne sommes pas tous nés dans le même moule.
Moi, j'y voyais juste une fin au cauchemar et à la souffrance ! Si vivre est devenu la pire des choses, il semble "logique" que l'inverse me libèrera, c'est ce que je pensais. Je n'avais pas "envie de mourir" mais simplement "envie de ne plus vivre" ce qui, même si ça doit mener au même endroit, n'est pas la même chose. La nuance semble échapper à certain. Dommage, on ferait un grand pas à essayer d'écouter les suicidés, suicidaires, suicidants, peu importe le nom, au lieu de leur mâcher les phrases et de prendre parole pour eux avant qu'ils n'aient exprimé quoi que ce soit.
Quand ça m'arrive, qu'une personne dit des tas de choses fausses pour se rassurer elle-même, je décide de la laisser aller sur sa route et de faire comme si elle avait raison. Ca m'isole encore plus, ça m'éloigne encore plus. Parce qu'elle a cherché à dire des choses qu'elle veut entendre au lieu d'écouter les miennes de choses, qui sont dérangeantes, certes, je ne le sais que trop bien, mais qui sont là, dans ma tête !
On m'a par exemple, presque interdit de parler de suicide et d'hospitalisation psychiatrique (autour de moi) parce que les gens autour de moi avaient peur de l'hosto et du suicide. Ils n'ont pas compris qu'ils m'ont barré la seule route qui pouvait me soulager et m'aider.
Alors j'ai fait semblant d'être d'accord avec eux, avec ça, j'ai dû quitter l'hopital parce que 48h après, me voyant debout et non en train de vomir mes tripes (eh oui un suicidaire ça ressemble à quelqu'un de tout à fait "normal) c'est dingue non ?) ils pensaient que je n'avaient rien à faire ici et que ce n'était pas ma place, ils n'arrêtaient pas, lors de leurs coups de téléphone (que je haïssais) et de leurs visites (que je détestais encore plus) de me dire de sortir d'ici, de partir, d'aller chercher mes affaires et qu'ils allaient m'emmener là, maintenant, tout de suite !
Me stressant encore plus, m'habimant encore plus, même !
J'en ai eu marre de cette souffrance supplémentaire, j'ai laissé faire, je suis parti.
Résultat, ils m'ont laissé tombés parce que je leur fais peur quand je parle de suicide ou simplement de dépression, je me retrouve seul, je n'ai plus la force de lutter contre quoi que ce soit, plus la force d'aller voir un médecin, un psy, d'aller à l'hôpital, aux urgences psy, de consulter qui que ce soit, d'appeler sos-machin-truc etc...
Et si je m'exprime, on censure parce qu'on a peur de ce que je viens de dire...
C'est tout ça (et pourtant je ne m'exprime pas très bien, je trouve) que je dis, quand je dis que c'est dommage et qu'on ferait un grand pas à écouter l'autre !
Comme pour l'écouter faut le laisser parler, forcément, on n'y arrivera pas.
(…)


Je prends l'exemple de Dalida, dont les suicides à répétition faisaient rires certains "humoristes" de la télé...
Comment un suicide peut-il faire rire ? Qui que ce soit, Dalida ou Mr Truc-Bidule, y'a pas à rire de ça.
Il faudrait plutôt se dire qu'il y a là un grand échec, celui de ne pas avoir vu la souffrance, ne pas avoir déchiffré les signes etc.
Avant le suicide, l'acte, pour ma part il y a toujours eu un suicide "social". (…)


Pour l'avoir fait quelques fois, comme Dalida (y'a t-il un humoriste qui veuille en faire un sketch ?) je sais que certains disent des choses horribles après comme :
- il l'a fait exprès pour nous faire du mal.
- je ne comprends pas, moi aussi il m'arrive de ne pas aller bien je ne me suicide pas !
- il n'a pas pensé au mal qu'il fait.
- il ne nous aime pas.
- il n'a pas pensé à sa fille, etc.
Ah bon ? Je suis donc non seulement seul, isolé, malade, presque mort et j'ai non seulement raté ma vie et ma mort, mais voila qu'en plus je n'ai pas de cerveau et je ne pense pas !!!
Qu'est-ce que j'ai pu avoir mal de tout ça. Il aurait mieux valu qu'ils ne viennent jamais me voir, si c'est pour faire mal à quelqu'un qui souffre, je ne vois pas l'intérêt !
Quand à ceux qui pensent que je suis une "tafiole" parce que je me suis suicidé et que c'est de la lâcheté que de se suicider...
Je n'ai rien à leur dire. Mon silence est sans doute ce qui leur va le mieux.
Encore un mot. Vous avez des amis ? Alors, comme tous les suicidaires, vous savez qu'il ne faut pas leur en parler. Vous allez les ennuyer, eux, ce soir, ils avaient prévu une soirée moules-frites alors vos éternels états d'âmes, ils s'en passeront bien.
C'est une erreur, et une vérité en même temps.
J'ai abimé mes amis en leur demandant de l'aide et en ne m'apercevant pas que je les "gonflais" semaine après semaine à répéter la même chose, que "non ça va pas fort" etc...
Oui, c'est long, la dépression, ça prend un temps fou, et pardon de ne pas vous avoir dit "oh oui génial, je suis guéri depuis le lendemain où je suis allé voir le médecin".
(…)
Merci de m'avoir lu.
Tant pis pour la censure, j'ai dit quelque chose. J'ai osé ouvrir la bouche. Encore une chose que je vais sans doute regretter ».
Envoyé par Alex à Psychanalyse du suicide quotidien le 8/30/2007 04:36:00 PM