Une description de Mayotte en 1878 (Mode texte)

Publié le 07 juin 2008 par Llachery @vestigesmaore
Extrait du rapport de l'exposition internationale (1878 ; Paris).
Catalogue officiel. 1878
Sources : Collection personnelle,

Les noms propres ( lieux,communes etc...) sont ceux employés dans le document original.

MAYOTTE

Topographie. - L'île de Mayotte est située par 12°45' de latitude sud et 43° de longitude est.

Elle occupe, dans sa plus grande dimension, une étendue de O* 25' nord et sud et se trouve réduite, sur quelques-uns de ses points, à une largeur de 2 lieues (environ 8 kilomètres). Ses bords sont hérissés de caps et hachés de ravines profondes où la mer pénètre quelquefois assez loin; on peut se figurer Mayotte comme un poisson dont l'arête aurait été mise à nu dans le milieu du corps, tandis que les deux extrémités auraient conservé leur enveloppe charnue

Elle s'étend, comme nous l'avons dit, du nord au sud ; elle est traversée dans toute sa longueur par une chaîne de montagnes dont plusieurs points sont élevés de 600 mètres environ ; son sol, d'origine volcanique, est inégal,, onduleux, coupé de ravins très-profonds, formant autant de torrents pendant la saison des pluies, et desséchés pendant le reste de l'année.

En s'approchant de la mer, le terrain s'abaisse d'une manière un peu brusque et se termine, dans la majeure partie de l'île, en marais fangeux recouverts de palétuviers noyés par chaque marée.

Dans l'intérieur, à l'ouest de la chaîne principale, on remarque plusieurs plateaux, particulièrement deux assez étendus et à l'abri des dégâts que produisent les pluies abondantes de l'hivernage. Cette partie de l'île est la plus favorable aux cultures, tant à cause de sa position qui la met à l'abri des vents généraux, qu'à cause de son élévation moyenne qui lui permet de con­server plus longtemps l'humidité si nécessaire pendant la germination des graminées.

En général les sommets des monts les plus élevés sont stériles, on n'y voit que quelques arbres rabougris et clair semés ; il n'en est pas de même des versants, qui présentent une végétation d'autant plus belle qu'on se rapproche des bas fonds ou serpentent les cours d'eau ; c'est surtout dans ces portions de terrain que les naturels avaient établi leurs cultures. Ils y ont pratiqué des défrichements souvent regrettables à cause du moyen par eux employé, et qui consiste à incendier les bois.

Villages. - Il n'existait, à notre arrivée à Mayotte, qu'un seul grand village, nommé Choa, situé à l'est de l'ile, près de son extrémité nord, sur un promontoire assez élevé aux bords de la mer. Depuis notre occupation, les naturels, plus confiants, ont rebâti d'abord leur ancienne capitale (Chingoni) située à la partie ouest de l'île, près d'une sorte de marais qui prend, à la saison des pluies, les dimensions d'un petit lac. Aujourd'hui le nombre des villages s'est con­sidérablement accru ; on cite, entre autres, ceux de Koëni, de Jongoni, Do-pan,, etc.

Pamanzi La rade principale devant Choa présence un bon mouillage ; une source abondante d'eau très-salubre vient se jeter à la mer à une très-faible distance et offre une aiguade commode. La rade est bornée à l'est par l'île de Pamanzi, îlot stérile et montagneux qui présente seulement à sa partie nord-ouest une plaine recouverte de palétuviers, baignés par la marée; c'est la seule partie de l'îlot susceptible de culture. Son point le plus culminant offre un vaste cratère éteint dont le fond est rempli d'une eau bourbeuse et salée.

Dzaoudzi Sur un tertre élevé, isolé et réuni à Pamanzi par une langue de terre très-étroite, entièrement recouverte à marée haute, se trouve le village de Dzaoudzi, ancienne résidence d'un pacha. Ce village, habité au début par quelques arabes, a reçu la plus grande partie de la population européenne de

Mayotte, la garnison, un hôpital construit dans un endroit salubre et tous les bâtiments publics servant au gouvernement et à l'administration. On estime que ces constructions ont coûté de 5 à 6 millions. Dzaoudzi est le chef-lieu de l'Ile. La rade, située au nord-est, et qui porte le nom de Dzaoudzi, est d'une bonne tenue, elle a 80 brasses de fond. sable et vase.

Mamoulzou La presqu'île qui porte ce nom est située, également à la côte, en face de Pamanzi. Sa configuration l'avait fait choisir pour l'établissement d'une ville commerciale (projet élaboré en 1844 et repris en 1863). Il existe une aiguade qui possède, dans un bassin voûté, une réserve de 50,000 litres d'eau. Le produit des sources qui alimentent ce bassin est de 6 à 7 décilitres par seconde. Tout près de ce bassin coulent d'autres sources dont les produits réunis donnent une quantité d'eau à peu près équivalente. Les deux rivières de M'saperé et de Koeni donnent en outre à ce pays un approvisionnement d'eau considérable. A ces avantages se joignent un accès facile pour les navires et une grande fertilité du sol.

Le commandant de la colonie possède déjà un pavillon sur ce point plus salubre que Dzaoudzi.  

Une citerne fournit seule de l'eau à Dzaoudzi et cette eau est de mauvaise qualité, il faut donc pour les besoins de la population, envoyer chercher de l'eau à Mayotte. Ce service se fait régulièrement chaque jour au moyen de deux chaloupes.

Mais le personnel se trouve rationné comme à bord d'un navire.

On a formé, en 1844, le projet de faire de Dzaoudzi le centre d'une des plus fortes places du monde en occupant le Morne aux Indiens et le Morne Mirandol, en fortifiant Choa les îles Mougnamer, Bougi, Bandali, etc,, etc.; ce projet a du être abandonné, l'importance de l'île ne justifiant pas, quant à présent, de tels travaux.

Longoni La baie de Longoni est une des plus belles de Mayotte, elle offre aux bâtiments un bon mouillage, une rade spacieuse, d'excellente eau, du bois de chauffage et de mâture facile à faire, et des poissons de table pour les équipages. Un ruisseau y débouche ; elle est obstruée par les palétuviers.

Mayotte a sur Nossi-Bé l'avantage d'un port magnifique,, point de relâche naturel de tous les navires allant dans l'Inde par le canal de Mozambique. Sa situation même à 60 lieues plus à l'ouest permet aux navires qui, de ce point se rendent à Bombetock, d'avoir, par toute mousson, les vents traversiers la distance de chacune des deux îles à ce port étant d'ailleurs à peu près égale.

Hydrographie et météorologie - Les courants autour de Mayotte sont très-variables en force et en direction, suivant les localités. Néanmoins,, leur direction est presque toujours celle de la côte près de la côte, et celle des récifs près des récifs ; leur vitesse a quelquefois 3 nœuds 1/2 dans les passes.

Le flot porte au sud-ouest ou au sud, selon la position ; le jusant porte au nord est ou au nord dans les passes; ils suivent la direction des passes au com­mencement du flot et à la fin du jusant..

. La chaleur est moins accablante à Mayotte qu'à Nossi-Bé. Il règne pendant le jour une brise du sud-est, et le soir une brise du sud-ouest qui ne rencontrent aucun obstacle Comme elles viennent du large, elles produisent un abaissement relatif de température.

La hauteur moyenne du thermomètre est de 27° centigrades.

Dans la partie sud de I'Ile. les pluies sont moins abondantes pendant l'hivernage que dans l'est. C'est le contraire pendant la belle saison.

Culture. - On estime la superficie de Mayotte à 15 ou 20,000 hectares. Son sol est très-fertile, et particulièrement propre à la culture de la canne à sucre. Cette plante y atteint son maximum de développement en 9 à 10 mois. Plantée en septembre, elle peut être portée au moulin en juin.

Population-La population de Mayotte se compose pour la plus grande partie, de Sakalaves, d'Antalaots et d'Arabes ; elle s'élevait au 1er janvier 1876, à 10,875 personnes ainsi réparties:  

Hommes et enfants mâles :    8 142

Femmes et enfants du sexe féminin :    2 733

Total :    10 875

Cultures : 2,750 hectares plantés en canne ont donné, en 1876, 3,179,000 kilogrammes de sucre, fabriqués dans dix sucreries; 1 190 hectares sont consacrés aux autres cultures, maïs, riz, cafés, cocotiers, tabac, légumes secs, etc..

Navigation. - Le nombre des navires entrés dans le port de Dzaoudzi, en 1875 était de 112, portant 2,335 hommes d'équipage et jaugeant 15,882 tonneaux. Le nombre des navires sortis a été de 103, portant 2,227 hommes d'équipage et jaugeant 14,315 tonneaux.

Le mouvement commercial a été de 1,893,755 fr. en 1877, savoir :

Importations :   724 555

Exportations : 1 169 200

Total général   1,893,755

Il n'existe pas de droits de douane à Mayotte.

La séparation administrative de Mayotte et Nossi-Bé a eu lieu en vertu d'un décret en date du 14 juillet 1877.