Poitiers : la ville aux cent minarets ?

Publié le 12 mars 2009 par Vianney

...ou quand le souhait d'une seconde mosquée pose de vraies questions sur la première.

Alors que la "mosquée cathédrale" sort de terre je découvre mardi matin dans Centre Presse que certains musulmans souhaitent construire une deuxième mosquée à Poitiers.
Il y a longtemps que ce sujet me pose problème. Que je considère qu'ériger un minaret de 22 mètres à Poitiers, non, çà ne va pas de soit. Que je m'interroge sur les motivations qui ont poussé la précédente municipalité à confier cette réalisation à L'UOIF, pourtant considérée par de nombreux observateurs comme fondamentaliste et défendant un islam radical, et cela, alors que Jacques Santrot déclarait à l'époque :

«On a été emmerdés pendant deux mille ans par les cathos. Ce n'est pas pour se laisser emmerder par les musulmans pendant les quatre mille ans qui viennent (source).

Des mosquées et un minaret à Poitiers, le symbole est puissant.

Que l'on soit favorable, hostile, ou opposé à leur implantation, on ne peut ni contester, ni éluder, le poids symbolique que porte la construction de mosquées et de minarets à Poitiers. 732, c'est l'une des dates les plus connus de l'histoire de France. La bataille de Poitiers c'est la victoire de Charles Martel sur les musulmans d’Abd el Rahman.

Cette victoire importante a un retentissement immédiat, tant du côté chrétien que du côté musulman ; elle est devenue le symbole de la lutte de l’Europe chrétienne face aux conquêtes musulmanes. (source)

Alors forcément, chacun reprend cette symbolique à son compte. L'imam de Poitiers tout d'abord, qui, pour convaincre l'UOIF de le soutenir a utilisé cet argument :

«J'ai fait valoir l'histoire de Poitiers. Un lieu de culte et de paix sur les ruines de la bataille de 732 : tout un symbole.» (source)

Dans le même temps, de nombreux propos sur les forums internet ou autour des comptoirs témoignent de l'irritation que cela provoque chez tous ceux qui refusent une présence ostentatoire de l'Islam en France et vivent cela comme une provocation.
Dans la NR du 26 octobre dernier on pouvait lire que le sujet est jugé «explosif» par certains, que d'autres considèrent que «Le minaret à cette hauteur, c'est de la provocation» et que l'imam de Poitiers Boubaker El Hadj Amor ne considère « pas opportun d'évoquer le sujet dans la presse. » ...

Pourquoi permettre à un Islam conquérant de prendre racine ?

Soyons clair : je suis pour tout ce qui favorise l’épanouissement de la liberté de conscience, le respect des convictions de chacun et l'exercice de la liberté de culte. En conséquence, les musulmans doivent pouvoir disposer de lieux de cultes leur permettant de pratiquer leur foi sereinement. Mais pas comme cela est en train de se faire à Poitiers !

D'une part, la promotion, la construction puis la gestion de la mosquée est confiée à la seule UOIF, une fédération islamique réputée proche des Frères musulmans ! D'ailleurs, les musulmans poitevins plus "modérés" le déplorent :

Bouchaïb Kamali, président de l'association des Marocains de Poitiers - le seul musulman à dénoncer à visage découvert l' «omnipotence d'El-Hadj Amor» et à critiquer un «projet pharaonique financé par les pétrodollars de l'UOIF» (source)

D'autre part, le projet qui est en train de sortir de terre et que Bouchaïb Kamali qualifie de "pharaonique", est effectivement conséquent. Jugez vous même : le bâtiment sur quatre niveaux est érigé sur un terrain de 7 000 mètres carrés. Une salle de prière assez vaste pour accueillir 700 fidèles, un espace pour les ablutions, une imposante bibliothèque islamique, une salle pour les cours coraniques, et donc un minaret de 22 mètres.

Cet aspect ostentatoire de la construction est dérangeant, surtout si on l'observe à la lumière de cette déclaration de Recep Tayyip Erdogan, actuel Premier ministre turc, qui avait annoncé ainsi la couleur de son islam conquérant en 1997, alors qu’il était maire d’Istambul :

« les mosquées sont nos casernes, les minarets nos baïonnettes, les dômes nos casques et les croyants nos soldats. » (source)

Respect de la différence, intégration, communautarisme, identité nationale.

Je connais très mal l’Islam, et je sais par expérience qu’il faut profondément s’impliquer, faire preuve d’ouverture et de curiosité tout en étant conscient de la réalité de la spiritualité avant de commencer à appréhender une religion. Aussi mon propos ne consiste pas à porter un jugement sur L'Islam, mais à regretter l'islamisation de la France à laquelle on assiste depuis quelques années.

Le sujet est évidement délicat, il pose plus profondément des questions de choix de société. Il me semble que derrière tout cela se cache l’affrontement de deux visions. D'un coté la conscience d’hériter d’un patrimoine, d’une culture, d’une identité, que l’on souhaite entretenir. De l'autre une volonté de respecter les différences qui conduit à favoriser le communautarisme et à remettre en cause la cohésion de la société.
A titre d'illustration, je trouve notables les propos de l'imam de Poitiers, Boubaker el Hadj Amor, dans le Centre Presse de ce mardi. Lorsque des musulmans qui se sentent en désaccord avec son propre projet émettent le souhait de disposer de leur propre lieu de culte, celui ci réagit en disant :

Je trouverai abominable que le maire de Poitiers accède à cette demande...aller dans le sens du communautarisme et faciliter l'existence d'une mosquée pour tel ou tel pays étranger serait une erreur monumentale. » (source)

Est ce à dire que, lorsque le maire répond favorablement à son projet de mosquée, c'est formidable, mais que si il va dans le même sens avec d'autres "sensibilités" musulmanes, c'est "abominable" et "une erreur monumentale" ? Bonjour l'ambiance ...