Sur les trois heures après dîner - Michel Quint

Publié le 12 mars 2009 par Clarabel

Etudiante en terminale, Rachel a choisi le théâtre, sa grande passion, et les cours de Thomas Bertin, tout jeune professeur qui fait son entrée sur les planches, « pas si grand, la trentaine à peine passée, des allures d'aventurier revenu de toutes les élégances, tout le cheveu blond en tempête, ce type était un immense sourire. » (...) « Ça m'a fait vlan au creux de la poitrine, du chaud aux joues, un picotis partout partout et une bête envie de pleurer... »
Rachel tombe amoureuse, même si Thomas reste inacessible, un rêve éveillé et douloureux. C'est son professeur, il vit avec Babette, qui est également son assistante pendant les cours. Elle est belle, n'est pas dupe du charme qui s'opère entre l'élève et l'enseignant. Thomas exerce un attrait, il joue un jeu de séduction dangereuse, il pointe le doigt sur Rachel, cerne chez elle des talents de grande tragédienne. Il va la pousser, lui donner du terreau, arroser la plante et devenir soleil pour faire éclore la plante.
Et puis, tout s'arrête. Thomas est victime d'une attaque cérébrale. Les deux femmes amoureuses se font face, comme des tigresses autour d'une proie. Brusquement, les rôles s'inversent. Il faut accompagner le malade, lui redonner confiance, le conduire vers la guérison, et dans le même temps il faut supporter un duel de sourds, panser ses blessures infligées par la jalousie.

La passion amoureuse de Rachel est décrite en des termes exaltés, qui éclatent comme des bulles, là on reconnaît le talent de Michel Quint dont la langue est belle, ronde, chaloupée et volupteuse. C'est une histoire qui ressemble fort à une éducation sentimentale, en plus du drame cornélien. Il n'y a pas que la relation triangulaire entre Rachel, Thomas et Babette. Car Rachel a également un amoureux transi, Kader, qui souffre, qui est jaloux et qui est prêt à tout pour ravir le coeur de la donzelle qui l'ignore. Les passions adolescentes sont maladroites, mais touchantes. Chacun sent l'urgence d'aimer l'autre, même s'il faut passer par du n'importe quoi, de l'exagération et des larmes.

Dans ce court roman de 100 pages, on apprend à se casser les dents, à grandir et à choisir, c'est en somme un roman d'apprentissage où « on a peur et envie de grandir, de l'irrémédiable, où on ne sait pas qui on est mais qu'on veut devenir quelqu'un de bien, de digne, et qu'on se fabrique des faux modèles, et qu'on aime qui on doit pas, qui on peut pas, et qu'on entre, éblouis et terrifiés, dans le bref parcours de la vie ». Et toute l'intrigue se dessine dans les grandes lignes de Cyrano ou d'Hedda Gabbler, ce qui parfois me rappelle un autre roman de Michel Quint, Et mon mal est délicieux, où l'auteur démontre également l'importance du théâtre dans ses livres.
De toute façon, il faut tout lire de Michel Quint ! Il est remarquable.

Gallimard, coll. Scripto, 2008 - 106 pages - 7€
Belem éditions, 2004