Milk

Publié le 14 mars 2009 par Karedig @Karedig_GA
 

 
J'ai vu avec intérêt Milk le dernier film de Gus Van Sant. Je pensais replonger dans l'ambiance des années 70. Ce fût le cas en effet, au moins partiellement. Ce fût le cas à travers les looks, les coupes de cheveux, l'ambiance de vie en groupe sinon en communauté et jusqu'à ce rappel des badadam chantés par les Swingles Singers sur les airs de Bach au début du film. Celui qui n'a pas connu cette mode vocale dans les années 70-80 ne peut pas sourire à cette évocation.
Mais sur le fond, à savoir la situation des homosexuel(le)s et leur combat, je me suis aperçu que cette plongée dans le passé était trompeuse. Pour ceux et celles qui ont vécu cette période, le rappel éveille les souvenirs de ces années, de la dureté de la mise à l'écart, de la violence de la norme, des persécutions, de la révolte aussi, de ce sentiment de sortir peu à peu des "années noires" de l'après-guerre. Et si j'osais, de l'invention de l'homosexualité.
Mais pour une jeune d'aujourd'hui, la narration du film offre un singulier parallélisme trompeur. Ce n'est pas la faute du film, c'est simplement l'illustration de la permanence d'un combat pour les droits civiques. Le parallélisme est trompeur parce qu'en renvoyant à notre propre actualité il masque l'ampleur et les différences sur 30 années d'histoire. La parade gay de San Francisco d'alors ressemble peu ou prou à notre gay pride d'aujourd'hui mais la foule de Castro masque la quasi-absence au même moment de défilés dans les capitales européennes. Le discours homophobe d'Anita Bryant ressemble étrangement à certains propos de Christine Boutin (jusque dans ce passage où Anita déclare, malgré tout, "aimer les homosexuels" !) et pourtant la campagne haineuse d'Anita Bryant allait incomparablement plus loin que celle de Boutin. Il ne s'agissait pas refuser des droits aux homosexuels mais de leur en retirer, jusqu'à l'interdiction professionnelle. Des propos qui avaient un écho jusqu'à Paris. Il en va de même de la proposition 6 combattue par Harvey Milk qui fait écho à l'actuelle proposition 8. La filiation pourrait masquer l'ampleur de la différence de nature. Enfin, last but not least, la véritable violence et persécution policière des années 70 passe presque inaperçue tant elle ressemble dans le film à l'hostilité policière d'aujourd'hui. Celui qui n'a pas goûté aux rafles, au panier à salade et aux gardes à vue pour rien peut-il comprendre le sentiment de peur et d'insécurité d'alors ?
Le sentiment en sortant du film d'avoir raté une mise en perspective, d'avoir retrouvé des souvenirs, mais sans partage. J'espère me tromper, que malgré tout ce film arrive à faire passer une part d'histoire à ceux qui n'en ont pas encore.