Dialogue de sourds

Publié le 17 mars 2009 par Nellym67

La peur du demandeur d'emploi qui craint de perdre à la suite de son travail tout ce qui le rattachait à la société : son appartement, son éventuel véhicule, et ses trois repas par jour... (et ceux de sa famille), la peur qui peut le conduire à disjoncter. (cf. film ici)

La peur des conseillers du Pôle Emploi de se faire agresser soit justement par ceux qui disjonctent, soit par les autorités parce que par respect des demandeurs d'emploi, ils risquent d'accorder un peu trop de temps à la dimension "conseil" de leur poste et de ne pas atteindre les objectifs de rentabilité : nombre de dossiers traités par jour, classement des chômeurs par catégories pouvant permettre aux stats d'être moins affolantes pour les électeurs, ... Peur de ne plus trouver de sens à leur mission.

En près de trois ans derrière mon bureau d'une agence d'intérim spécialisée en bâtiment, il y a quelques années déjà, j'en ai vu des personnes disjoncter pour un acompte exigé immédiatement, par une incompréhension face à l'impossibilité de les placer sur une mission : des téléphones qui volaient, des corbeilles à papiers jetées, des coups de pied dans le bureau, des menaces et des insultes...

Désarroi de ceux qui voudraient gagner leur vie.

Désarroi de ceux qui voudraient les aider mais qui sont missionnées avant tout pour d'autres types d'action : satisfaire un client, faire baisser les chiffres.

Un idéal : accompagner les demandeurs d'emploi dans leur parcours professionnel, proposer des postes de travail, offrir des perspectives d'avenir...

Une réalité : l'offre et la demande souvent en désaccord, un contexte et des besoins qui ne se croisent pas.

C'est le mouvement général de la précarisation des emplois qui est en marche depuis de nombreuses années et qui atteint son paroxysme dans un contexte de crise. Cette précarité se caractérise généralement par :

- des contrats dont le statut exprime une relation de durée limitée entre l'employeur et le salarié.

- des contrats sur des métiers en voie de disparition et exposant le salarié au risque de perdre prochainement son emploi.

- la mobilité imposée.

Et aujourd'hui en période de crise, on ajoute la précarisation des précaires, ou l'incroyable spirale infernale qui plonge les personnes en situation déjà précaire dans un bain d'incertitudes et de danger :

- le chômage longue durée, et la perte des indemnités qui en plus sont payées très en retard depuis quelques semaines ...

- le découragement progressif devant l'impossibilité de reprendre une activité stable avant de longs mois.

- la perte du contact avec le monde du travail.

- un accompagnement social de plus en plus réduit puisqu'il ne privilégie en Sarkozie que les "méritants", ... ceux qui travaillent malgré tout, parce qu'ils ont pu conserver une situation stable construite de longue haleine, ou parce qu'ils ont eu la chance de pouvoir revenir sur le "marché" avec de l'aide dont ils ont pu bénéficier, parce qu'ils le voulaient vraiment certes, mais aussi parce qu'ils étaient là au bon moment; ce qui n'est pas le cas de tous...

On voudrait nous faire croire que c'est surtout le monde de l'emploi qui a changé et que la précarisation n'est en réalité que la traduction d'une incapacité des individus à s'adapter à ces évolutions. Sans nier ces mutations et ces transformations, on peut surtout constater qu'elles nous ont conduit à la flexibilité, la mobilité et la remise en question, ce qui ne va pas à l'encontre d'un épanouissement professionnel, bien au contraire, à condition de pouvoir l'accompager par des orientations en termes de Ressources Humaines qui s'inscrivent dans ces orientations dynamiques. Et en même temps, elles ont laissé sur leur passage ceux qui n'ont pas compris ces aspects, ceux qui n'ont pas appris à les comprendre, dans un système éducatif complètement décloisonné vis à vis de la vie active.

Des pouvoirs publics sourds envers la précarisation qui demeure.

Des personnes en précarité qui n'ont pas compris les mutations du monde de l'emploi.

Un fossé immense, une incompréhension incommensurable, un langage caricatural pour revendiquer des droits et pour répondre à ces revendications, alors qu'il faudrait avant tout apprendre à considérer le langage comme l'unique possibilité de se retrouver et de reconstruire une logique apprenante pour tous avec les mêmes mots et le même respect. Mais il est un peu tard hélas, la cassure est présente, les conflits montent, certains rêvent de révolution oubliant les bains de sang qui ont illustré certains mouvements de foule antérieurs. Angoisse d'un peuple conduit à l'opposition... opposition envers un pouvoir en place, envers des réalités en place, ou au contraire envers le désordre.

 

Dialogue de sourds prévu jeudi 19 mars...

Alors que la plupart iront rappeler quels sont leurs droits fondamentaux et leur volonté de s'impliquer dans la société, d'autres entendront uniquement le rejet d'un système qui tend inexorablement à se pérenniser, du moins avec le gouvernement actuel...

Il y aura d'autres messages, bien sûr...

On peut le dire en langage que tout le monde comprend : "ça craint..."