Suez/GDF :Constat de carence pour l’Europe de l’énergie… La France sacrifie-t-elle l’eau au gaz ?

Publié le 03 septembre 2007 par Danielriot - Www.relatio-Europe.com

DECRYPTAGE   RELATIO par Daniel RIOT : « Une autre erreur », disent les syndicats. « Un accord perdant perdant », affirme le PS… « Perdant pour les consommateurs, perdant pour les salariés, perdant pour la France » Les « experts », eux, sont plutôt divisés. Comme tous les mariages, l’accord Suez-GDF, avec Sarkozy en « marieur », sera jugé dans la durée… Et sur les factures de gaz des consommateurs ! Il constitue un pari.

Restons-en donc à quelques constats :

>>> C'est au nom de la sécurité d'approvisionnement énergétique de la France que Nicolas Sarkozy s'est finalement rangé à l'idée de créer, aux côtés de Total (pétrole), EDF (électricité) et Areva (nucléaire) un quatrième groupe énergétique français de taille mondiale, dans le gaz cette fois. Or, il s’agit davantage d’un accord entre distributeurs qu’entre producteurs. Notre dépendance vis-à-vis des  pays producteurs ne change en rien. Tous les regards vers la Russie, comme avant…

Les artisans de la fusion GDF-Suez assurent que la nouvelle entreprise aura plus de poids que GDF seul dans ses négociations de contrats à long terme. Il reste qu'elle ne produira qu'une part minime (environ 10 %) du gaz qu'elle vend et restera dépendante de ses principaux fournisseurs : Gazprom (Russie), Statoil (Norvège), Sonatrach (Algérie) et Gasunie (Pays-Bas).

C'est pourquoi M. Sarkozy estimait qu'adosser GDF à un grand producteur, comme la Sonatrach algérienne, aurait eu plus de sens. Il a changé d’avis. Constat de réalité ou solution de facilité pour régler un trop vieux dossier ?

Deux  notes positives, tout de même dans le secteur de la production :

*Grâce à Electrabel et à ses sept réacteurs nucléaires en Belgique, GDF Suez sera aussi le cinquième producteur d'électricité européen et le deuxième dans l'Hexagone. Il pourra faire des offres attractives « gaz-électricité » aux 11millions de clients de GDF et concurrencer ainisi…EDF.

* Le groupe a déjà en portefeuille des champs en Norvège, aux Pays-Bas et en Algérie. Il prospecte aussi en Iran et au Kazakhstan. Il peut avoir les moyens de renforcer ses investissements dans les pays producteurs.

>>> Le groupe sera le premier distributeur de gaz en Europe, disposera du plus grand réseau gazier de l'Union et sera au second rang pour le stockage et les terminaux méthaniers. GDF Suez sera aussi, surtout dans une perspective d’avenir, « le leader mondial du gaz naturel liquéfié [GNL], avec 25% des parts de marché », et « le premier importateur » sur le Vieux Continent grâce à une flotte importante de méthaniers et à ses terminaux de regazéification.

 >>> Cette fusion est aussi une privatisation, même si l’Etat-actionnaire conserve un bon paquet (35%,, 40 en comptant les parts de la Caisse des dépôts et d’areva). C’est à cette privatisation que Sarkozy s’opposait jusqu’à récemment. D’où l’expression « reniement » utilisée par le PS qui estime que « cela va coûter  très cher aux Français et à la France : « l'énergie est un bien public qui garantit l'indépendance nationale ». Mais pour d’autres économistes de tendance « libérale » l'opération ressemble davantage à une nationalisation de Suez qu'à une privatisation de GDF. « L'étiquette publique collera donc longtemps au nouveau groupe, détenu à plus d'un tiers par l'État français, et pourrait le gêner dans ses développements internationaux », prévoit Le Figaro.

>>> Quelles seront les conséquences de la scission du pôle environnement de Suez ? Dans l’immédiat,  le nouveau GDF-Suez se voit privé d'un « trésor de guerre » d’au moins une douzaine de milliards d'euros  s'il avait cédé ses activités d'eau et de propreté plus tard. « Cette somme considérable aurait été utile au nouveau groupe, qui devra investir dans les métiers de l'énergie, très consommateurs de capitaux », estime un conseiller de RELATIO. Cette situation a un avantage :une OPA sera (peut-être) moins à craindre, mais les "prédateurs" boursiers ont les dents longues et soif ...d'eau.

Un impératif : il va falloir conduire rapidement une réflexion stratégique sur Suez Environnement, en particulier sur ses activités dans l'eau. Autrement dit, au figuré, il risque d’y avoir de l’eau dans le gaz parce qu’au propre on retire l’eau du gaz.

L’eau aussi est une richesse essentielle, vitale même. Comme l’énergie. Il importe de ne pas sacrifier l'eau au gaz...La France, là aussi, dispose de deux champions mondiaux : Veolia et Suez Environnement, plus petit mais plus rentable. « Ne voir l'avenir de ce dernier qu'à travers le prisme boursier et la parité de fusion entre GDF et Suez relève de la myopie », estime Le Monde.

>>> Au niveau européen, on peut se réjouir qu’en pays membre se dote d’un nouveau géant mondial, mais on peut regretter que ce géant ne soit pas européen. L’Union paye là (et ce n’est pas la seule facture à honorer) le manque d’une véritable Europe de l’énergie et les insuffisances d’une vraie politique industrielle. Le « patriotisme économique » français ne peut pas, en l’occurrence, être critiqué. Mais ce géant de doit pas dispenser les 27 de mettre enfin sur rails cette politique énergétique qui était l’une des bases fondatrices de la CECA, donc de ce qui est devenu le Marché commun, puis la communauté, puis l’Union. Monnet réveille-toi…

Daniel RIOT