Le pays sanflorain

Publié le 22 mars 2009 par Gérard Charbonnel @gcharbonnel
Un carrefour d'influences

L'arrondissement actuel de Saint-Flour regroupe en réalité plusieurs petits pays variés que l'ancien découpage administratif en deux arrondissements, Murat et Saint-Flour, respectait davantage. La zone constitue un carrefour d'influences, ouvert sur les départements limitrophes et isolés du reste de la Haute-Auvergne par les montagnes. Cette zone occupe approximativement la moitié du département.

Monts du Cantal

Les quatre départements limitrophes sont, au Nord, le Puy-de-Dôme, à l'Est, la Haute-Loire, au Sud-Est, la Lozère et, au Sud-Ouest, l'Aveyron. Nous sommes donc ici en une sorte de carrefour d'influences.

Au centre du Cantal trônent les montagnes qui, pour ne pas être extrêmement élevées, n'en constituent pas moins une frontière naturelle que la neige, chaque hiver, rend bien réelle et le développement de chaque moitié du département ne pouvait qu'être relativement autonome. Quiconque fréquente alternativement les deux parties, Aurillac-Mauriac d'un côté, Saint-Flour de l'autre, aura remarqué qu'aujourd'hui encore, dans les mentalités et la réalité des échanges, une coupure bien nette traverse le Cantal de part en part. Paradoxalement, le percement du tunnel du Lioran a renforcé cette impression selon laquelle, en traversant le tunnel, on entre dans un " autre Cantal ".

Il n'est donc pas inutile d'insister sur le caractère pourtant unitaire du Cantal, car ce que la géographie semble avoir distingué nettement, l'histoire l'a réuni et le Cantal n'est pas, à proprement parler, une création arbitraire. En effet, la Haute-Auvergne précède largement le pays vert dessiné à la Révolution. En 972, en effet, l'évêque d'Auvergne désigne Aurillac comme seconde capitale de son diocèse et en profite pour préciser les limites de cette nouvelle structure, citant notamment l'Ander en terme de frontière. A l'époque, Saint-Flour n'est guère développée, voire encore inexistante mais appartient au même ensemble qu'Aurillac et Mauriac. Il est vrai que ce découpage reste flou, mais d'ores et déjà, les montagnes sont au centre d'une zone unique, comme aujourd'hui et non à une extrémité. Cela n'interdit pas, à l'intérieur même d'une zone sanfloraine qui correspondrait à l'arrondissement actuel, de distinguer divers pays bien caractérisés.

Solitude en Planèze cantalienne

Au centre, la Planèze est une vaste étendue basaltique, coulée du titanesque volcan cantalien, quasiment plate et dont les limites, un peu incertaines, peuvent être la Truyère au Sud, la Margeride à l'Est et, au Nord, la vallée de l'Alagnon. L'altitude y oscille entre 900 et 1000 mètres, avec quelques pointes dont la butte de Tanavelle, à 1092 mètres, surnommée pour cela " le nombril de la Planèze ". Il y a peu encore ce vaste triangle accueillait des cultures de seigle, pois, lentilles et autres céréales, aujourd'hui remplacées par l'élevage. Un meilleur ensoleillement et une pluviométrie plus faible qu'à l'ouest - les montagnes jouant là encore leur rôle de barrière - ont fait de la Planèze l'un des greniers de la Haute-Auvergne tandis que Saint-Flour, selon l'expression traditionnelle, en fut le gardien. Très tôt l'arbre disparut au profit des cultures, et à Valuejols, Tanavelle, Ussel, comme plus haut, autour de Landeyrat, on recueillait la tourbe pour se chauffer.

Autour de ce coeur qu'est la Planèze rayonnent divers pays bien caractérisés.

Au Nord, se trouve le Cézallier dont la capitale cantalienne pourrait être Allanche. Cette région déborde largement dans le Puy de Dôme et la Haute-Loire actuels, formant un trait d'union entre les monts Dore et la Margeride. L'altitude est élevée, autour de 1000 mètres avec des pointes à 1555 mètres au Signal du Luguet et 1478 mètres au mont Chamaroux, bien visible de Montgreleix, commune la plus haute du Cantal. C'est une terre âpre, désertique essentiellement vouée à l'estive. Les hivers y sont longs et bien enneigés. Par sa situation le Cézallier est donc à la limite de la Haute-Auvergne, qui n'en possède qu'une petite partie et certaines paroisses relevant de la Basse-Auvergne furent attribuées au Cantal lors de sa formation administrative.

Solitude en Cézallier

A l'Est, se situe la Margeride qui ne touche réellement qu'une petite partie du Cantal auquel appartiennent ses derniers contreforts Nord-Ouest, aux limites de la Planèze et de l'Aubrac. Le canton de Ruynes-en-Margeride forme l'essentiel de la Margeride cantalienne, le reste étant constitué des cantons de Pinols, Le Malzieu, Saint-Chély, Saugues, Saint-Alban, Grandrieu, Langogne, Saint-Amans et Chateauneuf de Randon, en Haute-Loire et Lozère. L'altitude ne descend pas en dessous de 750 mètres, point culminant au suc de Malebriou ou Roche du Beurre (1423 m ), le mont Mouchet ( 1465 m ) étant en dehors des limites départementales. Le parler margeridien est un auvergnat influencé par le Languedoc, nous disent les spécialistes mais le dialecte sanflorain s'imposerait malgré tout autour de Ruynes jusqu'au Malzieu, signe d'une vieille dépendance. Nous ne serons pourtant pas étonnés de retrouver, à Chaliers, Saint-Marc, Bournoncles, Védrines... la marque du Gévaudan et du Velay.

Entre Margeride et Cézallier, le pays de Massiac présente également une forte identité. Voici en effet un petit bassin bien atypique dans le Cantal, au profil tout méditerranéen. Un micro-climat extrêmement sec permet d'y faire pousser toutes sortes de fruits, et le bâti est très clairement méridional avec ses tuiles romaines rouges et ses terrasses. Les gallo-romains, semble-t-il, avaient particulièrement apprécié le site puisque leurs traces sont fort nombreuses, à Ferrières Saint-Mary, Bousselorgues, Boutirou ou Grenier-Montgon. Nous sommes ici plus proches de Brioude, de Blesle et des limagnes que de Salers ou Murat, et l'impression d'étrangeté est frappante.

Solitude en terre d'Aubrac

Au sud enfin la corne cantalienne, enfoncée entre Lozère et Aveyron est également originale. Nous touchons ici l'Aubrac austère des chemins de Compostelle, qui expliquent sans doute l'église à déambulatoire de Saint-Urcize et les nombreuses figurations de pèlerins ( Saint-Urcize, Jabrun, Deux-Verges ). C'est encore le Massif Central mais plus tout à fait l'Auvergne.

On peut aussi nommer ce pays le Caldaguès, Chaudes-Aigues en étant le chef-lieu. A l'extrême pointe du cône se trouvait la viguerie de Villevieille ou Vieillevie, près de Saint-Urcize. Selon Boudet il s'agissait pour les habitants du Caldaguès d'avoir accès aux riches pâturages de l'Aubrac et cette aberration cartographique correspondrait alors à une " nécessité de l'existence " fort ancienne.

Ce rapide tour d'horizon n'épuise pas la variété des " petits pays " de l'arrondissement de Saint-Flour mais il en donne une idée.